Malgré des heures passées à leurs côtés lors d'un vol, nos voisins de siège demeurent souvent anonymes. Notre collaboratrice a voulu briser cette bulle invisible, faisant des découvertes aussi étonnantes qu'enrichissantes.

Ana Myrlund, 31 ans, aide-soignante

Habite à Sorreisa, en Norvège

Rencontrée lors d'un vol Oslo-Bodo

«Vous pouvez choisir parmi toutes les collations, vous savez, c'est gratuit et à volonté.»

Mes yeux s'écarquillent comme ceux d'une enfant. «Gratuit? Pour un vol d'une heure et demie?»

Mes attentes en vol sont tellement basses que j'ai l'impression d'avoir gagné à la loto.

Ana Myrlund est d'humeur joyeuse. Elle rentre à la maison retrouver son mari et ses deux jeunes garçons, mais devra d'abord prendre un autre vol avant d'arriver. Elle habite encore plus au nord que Bodo.

«J'ai vécu dans plusieurs coins de la Norvège et c'est le nord que je préfère. On a des aurores boréales spectaculaires l'hiver et le soleil de minuit l'été! C'est tranquille, sécuritaire, et l'air y est particulièrement pur.»

Ana me raconte qu'elle est débarquée en Norvège de sa Roumanie natale lorsqu'elle avait 17 ans.

«J'étais venue ramasser des fraises dans le sud de la Norvège, comme beaucoup d'autres travailleurs saisonniers roumains. J'ai quatre frères et quatre soeurs. Nous sommes une famille nombreuse, et on a dû se débrouiller seuls rapidement. Mon père et un de mes frères le font d'ailleurs encore tous les étés.

- Et toi, tu n'es jamais repartie?

- Après trois mois, je suis rentrée en Roumanie et suis rapidement revenue ici comme gardienne d'enfants. La mère de famille était enseignante et laissait de petits cartons avec des mots en norvégien partout dans la maison pour ses enfants d'âge préscolaire et pour moi. C'était parfait pour apprendre la langue!»

La suite ressemble à un conte d'Andersen (mais qui finit bien): Ana rencontre un gentil mécanicien norvégien, ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants (le troisième est en route).

«Nous sommes mariés depuis 12 ans déjà, et il est le plus gentil des maris. Il partage les tâches, s'occupe des enfants et est même le préféré de ma mère. Souviens-toi que j'ai huit frères et soeurs!»

Tout cela semble trop beau pour être vrai. Je lui demande, un brin sceptique, s'il y a des aspects de son pays d'adoption qui l'embêtent.

«Les Norvégiens sont réservés et pudiques. Parfois, j'aimerais que les échanges soient plus authentiques, sans pour autant être perçus comme indiscrets.

- Et du côté de l'éducation des enfants?

- Ça se passe bien avec mon mari, nous sommes généralement d'accord, mais les gens ici traînent des habitudes que je ne comprends toujours pas. Par exemple, les parents offrent aux enfants des couverts d'argenterie à leur anniversaire et à Noël. De la naissance à l'âge adulte. Ça coûte une fortune, c'est inintéressant pour l'enfant et une fois l'ensemble complété, personne ne l'utilise!

- Est-ce que ton mari a eu cette «chance»-là?

- Non! Seulement deux petites cuillères et un gobelet en argent! répond-elle, moqueuse. Oh! et pire, les enfants norvégiens ne mangent pas de sucreries pendant la semaine, collations et biscuits inclus. Seulement le samedi! Il y a même un mot qui désigne cette pratique: lørdagsgodt, qui veut dire la sucrerie du samedi! Nous, on préfère en donner un peu la semaine pour ne pas créer une attente démesurée le samedi, comme chez les enfants des voisins qui viennent chez moi et demandent toujours des bonbons en cachette!»

Je m'esclaffe en avalant mon deuxième brownie d'avion, franchement délicieux.