La ville de Berlin veut restreindre considérablement à partir du 1er mai la location de logements par les particuliers via les plateformes comme Airbnb et prévoit des amendes pour les contrevenants, une démarche qui suscite des critiques.

Selon les autorités locales, le développement d'Airbnb et plateformes équivalentes comme Wimdu ou 9Flats a conduit à retirer du marché locatif classique des biens désormais proposés aux touristes. Ces logements qui manquent pour loger les Berlinois contribuent à l'augmentation des loyers dans la capitale allemande.

«Je suis absolument déterminé à remettre de nouveau à disposition de la population berlinoise et des nouveaux arrivants ces appartements détournés», explique Andreas Geisel, responsable du Développement urbain à la ville de Berlin.

Alors que la métropole est devenue l'une des villes les plus touristiques d'Europe (30,2 millions de nuitées en 2015, en constante augmentation), le développement de ces plateformes internet représente en outre un important manque à gagner pour l'industrie hôtelière locale.

Selon une enquête du cabinet d'études allemand GBI, aux nuitées officielles il faut ainsi ajouter un «marché parallèle de 6,1 millions supplémentaires».

Votées en 2014, les restrictions prévoyaient une période transitoire de deux ans prenant fin au 31 avril. À partir du 1er mai, il ne sera possible légalement que de louer une pièce de son appartement via les portails spécialisés.

Tout contrevenant risque une amende de 100 000 euros (143 000 $). Et pour plus d'efficacité, la ville fait appel au «sens civique» des habitants, invités à se connecter à une page internet de la ville pour dénoncer anonymement tout appartement suspect.

«Lobby hôtelier»

Tim Böning, agent d'artistes de 41 ans qui loue un loft dans le quartier branché de Kreuzberg, n'est pas choqué par la nouvelle législation car il y a, selon lui, des abus.

Par exemple, raconte-t-il à l'AFP, «le gentil couple qui a deux petits appartements, déménage dans un plus grand et conserve les deux appartements en question pour les louer sur Airbnb, ça je ne trouve pas ça bon et cela doit être empêché» car ces appartements ne sont plus disponibles pour des locataires «normaux».

Marika (prénom modifié), 48 ans, ne partage absolument pas l'avis de Tim. Elle loue quatre appartements via Airbnb dans un quartier proche du centre.

Pour elle, la ville fait payer aux Berlinois son incurie en matière de politique du logement et ne fait qu'obéir au «lobby hôtelier».

«C'est injuste, on nous interdit de travailler», plaide-t-elle. Elle juge d'une part que s'attaquer à ce type de locations ne résout absolument pas le problème du logement à Berlin et que la loi va en outre priver Berlin d'une clientèle - par exemple les familles - qui en l'absence de ces appartements, ne viendra plus.

La page créée pour signaler les appartements achève de la mettre en colère. «C'est de la dénonciation, et justement en Allemagne, ça vaut peut-être le coup de reconsidérer ce genre de choses», dit-elle en référence aux dictatures nazie et communiste de RDA pendant lesquelles la délation était répandue.

Recours judiciaires

Comme elle, plusieurs loueurs se sont tournés vers la justice. Certains se sont regroupés en associations, comme par exemple Apartments Allianz.

Ils refusent l'étiquette de méchants capitalistes s'engraissant sur le dos des Berlinois et défendent la légitimité de leur offre de logements.

«Nous ne sommes pas des acteurs internationaux mais travaillons à Berlin pour Berlin», écrit Apartments Allianz sur son site.

Du côté des entreprises, on se rebiffe aussi. Wimdu a déposé plainte jugeant que la nouvelle loi n'était pas conforme à la constitution de la ville-État.

Julian Trautwein, d'Airbnb, fait valoir que le concept «aide de nombreux Berlinois à payer leur loyer». Elle appelle la municipalité de Berlin à «écouter ses administrés et à suivre l'exemple de grandes métropoles comme Paris, Londres ou Amsterdam».

Compte tenu de divers recours judiciaires, la location via les plateformes spécialisées ne devrait pas être automatiquement sanctionnée dès le 1er mai.