Photographe professionnel depuis 18 ans, Mathieu Dupuis vient de réaliser un rêve d'enfance: signer un livre pour National Geographic. Le réputé éditeur américain l'a choisi pour réaliser un impressionnant recueil photographique du Québec, qui apparaît ici plus que jamais à la hauteur de sa saisissante beauté. Du nord au sud et d'est en ouest, tout y est, en 272 pages et quelque 230 photos.

Quête de résultat

Mathieu Dupuis a obtenu la confiance de la direction de National Geographic en travaillant sur son projet Villes sublimes, un essai photo toujours en chantier de 30 grandes villes nord-américaines. Comme le photographe avait déjà signé quelques livres sur le Québec, l'idée de faire un grand ouvrage sur sa province a fait son chemin. «Sur le terrain, il faut être en contact avec le moment magique, peu importe le temps qu'il fait, explique l'Abitibien de 36 ans. Parce que si tu arrives à un endroit et qu'il y a trois jours de mauvais temps, tu dois quand même faire des photos selon les standards National Geographic.» Mathieu Dupuis se sentait néanmoins prêt à relever le défi. «À 20 ans, je me serais cassé la gueule, reconnaît-il. Mais il arrive un moment où tu crois avoir atteint une certaine solidité professionnelle et mentale pour supporter une telle quête de résultat.»

«Le magazine jaune stimule l'imaginaire de tous les photographes du monde. C'est donc pour moi un très grand privilège de pouvoir faire découvrir le Québec à travers la bannière National Geographic.» 

Autonomie complète

Le livre de Mathieu Dupuis est le résultat d'une obsessive quête de lumière. «J'étais toujours au bon endroit, au bon moment», affirme le photographe. Pour ce faire, il faut être sur le terrain, prêt à appuyer sur le déclencheur de l'appareil photo. «Je me suis construit un véritable véhicule d'aventure, nous a-t-il expliqué. Un campeur de l'extrême avec panneaux solaires et tout l'équipement pour passer partout. Été comme hiver, je dormais dans le camion. Sur un coup de tête, je pouvais changer mes plans pour réagir à une alerte d'aurore boréale, par exemple. J'ai franchi 100 000 km en deux ans avec mon véhicule, je suis allé aux confins de toutes les routes de la province.»

Photo coup de coeur

Selon Mathieu Dupuis, les photos les plus marquantes sont bien souvent influencées par les circonstances du moment. «Chaque photo est une aventure en soi, chaque photo a son histoire. Alors, si je dois en nommer une, ce serait le portrait de mon guide inuit Adamie Kulula, affirme le photographe abitibien. Il affiche un sourire un peu narquois parce qu'il se moquait de moi ! Il m'a d'ailleurs surnommé "The Southern Weak Man" après cette aventure sur la banquise où je voulais voir la chasse au phoque et faire l'observation des ours polaires... On sautait de bloc de glace en bloc de glace, au mois de mai, sur une banquise complètement disloquée, à 25-30 km de Quaqtaq. J'ai eu peur de partir à la dérive vers le Groenland!»

Anecdote de voyage

Un livre comme celui réalisé par Mathieu Dupuis comporte nécessairement son lot de photos aériennes. L'une de ces séances, au-dessus de la toundra, s'est révélée un peu plus complexe que prévu. «On volait en hélico pour observer la migration de caribous, s'est rappelé Mathieu Dupuis. On a fait énormément de passages et on s'est rendu compte bien tard que l'on n'avait presque plus de carburant. Je pouvais suffisamment décoder les données du tableau de bord pour comprendre que l'autonomie de l'appareil ne permettait pas de revenir à la base. C'est alors que le pilote s'est mis à grimper en altitude de façon à profiter des vents favorables. Il est finalement arrivé, le moteur alimenté par des vapeurs de carburant, avant de se poser en catastrophe. Dans des moments comme ça, tu as le goût d'être affalé dans ton divan en robe de chambre!»

PHOTO FOURNIE PAR NATIONAL GEOGRAPHIC

La Grave, à Havre-Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine

Expérience de vie

Mathieu Dupuis espère que son livre va permettre de démontrer la diversité géographique et la richesse culturelle du Québec. Et encourager les gens à eux-mêmes partir à la découverte de son coin de pays. «C'est une énorme richesse en tant que citoyen d'apprendre à connaître son pays de telle façon, c'est une véritable expérience de vie, soutient-il. Quand je consulte une carte, je suis capable de mettre une image sur le lieu. Et je comprends mieux le style de vie de cet endroit, avec ses pour, ses contre et ses défis. Je comprends aussi pourquoi les gens y vivent, j'arrive à comprendre le lien qui les attache à leur territoire, comment ça fait partie de leur ADN.»

3000

C'est le nombre de photos soumises à National Geographic par Mathieu Dupuis. «Un livre, c'est un canevas fixe, c'est cruel. J'aurais pu faire plusieurs livres différents, sur plusieurs thèmes différents», nous a avoué le photographe.

Lancé en anglais le 3 avril dernier, le livre sera en vente en librairie le 1er mai en version française. Distribué aux États-Unis et au Canada anglais par Random House, il occupe déjà une position de choix dans plusieurs librairies, alors qu'il sera aussi offert chez Costco ou en ligne sur Amazon. À l'étranger, il sera distribué en France alors que des démarches sont en cours pour un lancement en Chine. 

________________________________________________________________________

Québec. Mathieu Dupuis. Éditions National Geographic. 272 pages, 40 $.

PHOTO FOURNIE PAR NATIONAL GEOGRAPHIC

Québec, de Mathieu Dupuis, aux éditions National Geographic