Comme Jacques et Josette Gafot, couple de Français dansant près de l'Obélisque emblématique de Buenos Aires, des milliers de touristes viennent chaque année dans la capitale argentine pour apprendre le tango, inscrit mercredi au patrimoine mondial immatériel de l'Unesco.

«Nous sommes venus en vacances à Buenos Aires, seulement pour pouvoir danser le tango», confirme Josette, 59 ans, dans les bras de son mari Jacques, 63 ans.

«La manière de danser et d'enseigner à Buenos Aires est totalement différente de celle que nous connaissions à Paris. C'est plus joli», estime cet homme grand et mince, dans un des salons de La Ideal.

Ce salon de thé est l'un des lieux les plus touristiques de Buenos Aires depuis que le réalisateur britannique Alan Parker y a tourné des scènes de sa comédie musicale «Evita», où Madonna interprétait la très populaire femme de l'ancien président argentin Juan Peron.

Avec ses colonnes de marbre, son flamboyant toit en vitraux et ses murs en bois sculpté, l'endroit rappelle l'époque dorée des années 40 et 50 en Argentine. C'est aussi l'une des dizaines de salles - plus de 80 - de Buenos Aires, où des centaines de personnes viennent chaque jour apprendre à danser ou admirer le tango, apparu à la fin du XIXe siècle en Argentine et en Uruguay.

Dans les «milongas» de Buenos Aires, ces anciens bordels transformés en bars populaires où l'on danse le tango, on croise des touristes venus de Colombie, de France ou d'Espagne, mais aussi des Argentins qui viennent s'initier à cette danse si sensuelle.

Et la décision de l'Unesco pourrait encore accroître le nombre d'amateurs, selon Marisa Quiroga, professeur et danseuse de tango à La Ideal.

«Le tango va conquérir de nouveaux publics et continuer à se développer à travers le monde», estime-t-elle.

«Je crois que cette distinction va permettre de revaloriser le tango, après une époque où il s'est essouflé et a aussi souffert des remous de la crise», abonde une autre professeur, Viviana Leguizamon, en faisant référence à la débâcle de l'économie argentine fin 2001-début 2002.

L'avis est partagé par les touristes.

«La décision de l'Unesco va aider le tango. Ce sera très bien pour l'Argentine, mais aussi pour toutes les personnes qui aiment cette danse. Cela va renforcer le lien avec la culture du pays et servir de pont entre l'Histoire et le présent», se réjouit Kikki Rusth, une chef d'entreprise suédoise de 50 ans, qui a découvert le tango au Canada.

Les propriétaires de salles de tango se frottent aussi les mains, tout en demandant d'autres coups de pouce.

«Nous travaillions là-dessus depuis longtemps et je pense que cette décision est importante, mais nous ne voulons pas que cela reste isolé et nous souhaitons bénéficier du soutien des autorités», explique Jorge Vieites, gérant de La Ideal.

Certains mettent cependant en garde contre les risques de dérive mercantile. Le tango «ne doit pas perdre son âme», estime ainsi Eduardo Saucedo, professeur et danseur à Buenos Aires.