Incursion festive et privilégiée dans la pampa argentine lors de l'évènement gaucho par excellence: la Fête de la tradition, qui se déroule en novembre de chaque année depuis 1939. Un récit de cowboys, au parfum argentin.

San Antonio de Areco est un pittoresque bourg colonial typique du campo (la campagne argentine). À 113 km de Buenos Aires, c'est un voyage au coeur de l'univers du gaucho, cet archétype de la nation argentine, rendu célèbre par des récits comme Don Segundo Sombra (1926) de Ricardo Güiraldes, auteur et poète d'Areco.

Ici, une fois l'an, on le fête en grande pompe durant trois jours; un véritable hommage au campo! Des gauchos de tout le pays s'y rendent.

Et la fête commence avec une peña, un bal populaire folklorique, au clair de lune.

Héritage paisano

Derrière le Museo Gauchesco, on croise Feliciano Mallia, venu de son village à cheval pour l'occasion.

Installé dans un champ avec son troupeau, l'éleveur se décrit comme un «paysan». Fièrement accompagné de ses deux jeunes enfants, il leur a fait partager son amour des chevaux: «Le cheval est ce qui nous unit à tout, c'est notre grande passion.» Il tient aussi à transmettre aux petits les traditions gauchescas. «Il faut au moins savoir d'où ça vient, ce que c'est, explique-t-il, car un peuple sans tradition n'a pas d'avenir.»

Le gaucho argentin représente plus que la figure traditionnelle du gardien des troupeaux, courageux et libre, il est aujourd'hui un protecteur des coutumes ancestrales du campo.

L'artisan, symbole gaucho

Traversant la Plaza Ruiz de Arellano, on se dirige vers la maison Draghi, incontournable de la platería gauchesca, où ces artisans orfèvres d'Areco travaillent l'argent.

«Mon père est né au milieu du campo», raconte Mariano Draghi, en parlant de Juan Jose Draghi, génial autodidacte qui a fait renaître l'orfèvrerie traditionnelle. «Il a développé son propre style», explique celui qui a repris l'atelier.

Dans le hall, les ornements typiques du gaucho, comme des rastras (ceinturons à boucle) et des couteaux. Sur un mur, des photos, dont celle d'un trophée de polo en argent massif remis par la reine d'Angleterre.

«Le vrai gaucho, c'est le type qui est connecté à la nature, pense Mariano Draghi. Il aime le coucher du soleil, les nuits étoilées, le silence. Il écoute, parle peu. C'est une personne simple, humble. C'est ce que j'aime de la culture gaucho et ce qui me connecte à elle, mais c'est aussi ce qui s'est perdu.»

Photo Izabel Zimmer, collaboration spéciale

Rosaura Pazzaglia (à gauche) et les gauchas de l'estancia El Peual

Pas qu'une affaire d'hommes!

Le lendemain, on est invité par Rosaura Pazzaglia dans son estancia coloniale, El Peual. Mousseux du pays, musique, barbecue argentin: 200 convives du campo sont réunis - on fêtera de midi à minuit!

Les natives du coin, criollas, sont nombreuses. Justa Guevara, la trentaine, a choisi le campo, où elle est responsable des chevaux de l'estancia. «En ce moment, on a des chevaux en entraînement avec les carruajes [calèches] et d'autres en domptage, explique-t-elle, ajoutant que ce n'est pas si facile d'exercer sa profession. On a une culture machiste bien enracinée, mais je ne m'imagine pas vivre ailleurs!»

Grande clôture

Le dernier jour des festivités, les fameuses jineteadas, des compétitions équestres, sont à l'honneur.

Un grand défilé entame la journée. Plus de 1500 paysans et leur monture, parés de leurs plus beaux habits - les chevaux aussi -, prennent d'assaut les rues. Béret, bottes éculées, poignard derrière la ceinture, robes champêtres: chaque détail compte.

Plusieurs femmes de l'estancia y participent, ainsi que Feliciano Mallia. Chacarera et autres danses traditionnelles ouvrent le défilé. «iViva la patria! iViva Areco!», crie l'animateur dans un micro. «iViva!», répond la foule.

Photo Izabel Zimmer, collaboration spéciale

Feliciano Mallia et ses enfants