(Montréal) Les voyageurs aériens canadiens devraient être largement épargnés par l’impact de l’immobilisation au sol du 737 Max 9 de Boeing, mais il serait probablement préférable que ceux-ci vérifient plus d’une fois leurs itinéraires.

Certains passagers pourraient être enregistrés sur des itinéraires touchés par l’ordonnance de l’agence fédérale américaine de l’aviation (FAA), qui a cloué au sol le Max 9 après qu’une partie du fuselage s’est arrachée d’un avion d’Alaska Airlines vendredi, laissant un trou de la taille d’un réfrigérateur dans le mur de la cabine et provoquant un atterrissage d’urgence. Personne n’a été grièvement blessé.

L’immobilisation au sol a entraîné des annulations pour près de 200 000 passagers au sud de la frontière, avec 171 avions temporairement interdits de décollage.

Les actions de Boeing ont par ailleurs chuté de 8 % lundi pour clôturer à 229 $ US.

Aucune compagnie aérienne canadienne n’exploite le Max 9, mais certains des grands transporteurs ont des partenariats avec Alaska Airlines et United Airlines, qui incluent toutes deux les jets à fuselage étroit dans leur flotte. Alaska Airlines possède 65 Max 9, soit 28 % de sa flotte, et United en détient 79, soit 8 % de son parc d’avions. Les Canadiens montent régulièrement à bord de certains de ces avions pour des vols de correspondance.

WestJet et Alaska ont un accord interligne, permettant de voyager sur différents réseaux avec une seule réservation. Air Canada et United ont conclu un accord de partage de code qui permet aux passagers de réserver des voyages avec l’un ou l’autre transporteur vers environ 50 destinations aux États-Unis et au Canada, avec des centaines de vols par jour.

United a déclaré qu’il prévoyait d’annuler 200 vols rien que pour lundi et espérait rediriger les passagers concernés vers d’autres vols.

« Nous continuons d’éviter certaines annulations en utilisant d’autres modèles d’avions autant que possible », a déclaré la compagnie aérienne dans un courriel.

Janvier, un mois relativement calme

L’ampleur de l’effet d’entraînement dépendra de la question de savoir si le problème est ponctuel ou le produit d’une faille systémique, a déclaré John Gradek, qui enseigne la gestion de l’aviation à l’Université McGill.

« Si c’est systémique dans l’ensemble de la flotte Max 9, cela pourrait prendre un certain temps » et entraîner de lourdes répercussions pour les transporteurs qui dépendent de l’avion, a affirmé M. Gradek.

« Cet avion est un cheval de bataille pour Alaska Airlines. »

Alaska a annulé près de 22 % de ses vols de samedi à lundi et United en a annulé 9 % au cours des deux derniers jours, selon le service de suivi FlightAware. Les chiffres placent actuellement les compagnies aériennes aux deux premières places en ce qui a trait au pourcentage de vols annulés aux États-Unis et au Canada, ce qui s’élevait à plus de 1100 annulations lundi soir.

Helane Becker, analyste chez TD Cowen, a déclaré que ces mesures se poursuivraient au moins jusqu’en milieu de semaine.

« Pour affirmer une évidence, tout le monde ne sera pas réinstallé sur Alaska, United ou Copa » – dont les 29 Max 9 représentent 30 % de la flotte du transporteur panaméen – a soutenu Mme Becker.

« Janvier est généralement un mois relativement calme pour l’industrie, et le fait que cela se produise après les vacances est contrariant, mais moins de répercussions », a-t-elle fait valoir.

Les 171 avions cloués au sol devront passer une inspection avant de pouvoir reprendre leur vol, a annoncé samedi la FAA.

La réputation de Boeing faiblit

Cet épisode marque un autre coup porté à la réputation de Boeing après que l’avion de ligne 737 Max 8 a été immobilisé pendant 20 mois en 2019 et 2020, coûtant au constructeur américain des milliards de dollars et soulevant des questions sur sa fiabilité.

Les autorités aéronautiques du monde entier ont publié des directives en mars 2019 après un accident qui a tué les 157 personnes à bord d’un vol d’Ethiopian Airlines lors du deuxième des deux accidents du modèle Max à moins de cinq mois d’intervalle. L’avion présentait des défauts critiques dans son système anti-décrochage MCAS qui pouvaient le faire piquer du nez en cas de défaillance d’un capteur.

« Les gens devraient s’inquiéter de la culture de Boeing, a déclaré M. Gradek. Boeing avait une excellente réputation en matière de livraison d’avions 100 % sûrs. Cependant, cette réputation commence à être ternie. »

Il a laissé entendre que les récents problèmes de Boeing pourraient provenir de sa décision de continuer à déployer de nouveaux avions qui cadrent en grande partie avec une conception vieille de 55 ans, plutôt que de repartir à zéro.

« Cela a été la stratégie de Boeing ces derniers temps : pourquoi réparer quelque chose qui n’est pas brisé ? », a soutenu M. Gradek.

« Il s’agit pour Boeing de ne pas dépenser d’argent pour revoir un avion sur un document vierge », ce qui nécessite un investissement plus important en temps et en argent, a-t-il relevé.

Une série de petits problèmes de contrôle de qualité ont entravé les progrès du géant basé en Virginie ces dernières années. La dernière en date a fait surface il y a moins de deux semaines, lorsque Boeing a exhorté les compagnies aériennes à inspecter tous les avions Max à la recherche d’un « éventuel boulon desserré » dans le système de commande du gouvernail de direction, selon la FAA.

Aucune compagnie aérienne canadienne n’a commandé de Max 9, mais au moins une a des vues sur le Max 10, qui n’a pas encore été certifié. WestJet a annoncé en 2022 qu’elle en achèterait 42, avec une option pour 22 de plus.

« Il y a des inquiétudes concernant les Max. Le Max 10 est en attente de certification et il n’y a pas de délai prévu », a déclaré Robert Kokonis, président de la société de conseil en aviation AirTrav.

« Cela a un impact majeur sur les compagnies aériennes pour qu’elles puissent réaliser le plan de réseau qu’elles ont prévu dans leur budget, a-t-il expliqué. Si vous ne disposez pas des avions nécessaires pour voler, cela pourrait nuire considérablement aux bénéfices et à la rentabilité. »

Pour le Max 9, la conception de la structure elle-même n’est probablement pas la source du problème, a précisé M. Kokonis.

« Cela pourrait être la fabrication ou l’assemblage », a-t-il déclaré, ajoutant que la maintenance peut également être exclue, étant donné que les avions n’ont commencé à entrer en fonction qu’en 2018.

Les 13 transporteurs qui exploitent le Max 9 comprennent Turkish Airlines, Aeromexico et Icelandair. Alaska et United représentent environ les deux tiers de ces avions en service dans le monde.