Le saviez-vous? En cas de faillite d'un transporteur aérien, la Loi québécoise sur la protection du consommateur protège les voyageurs qui ont acheté leur billet avec une carte de crédit. Même si l'émetteur de la carte vous dit le contraire... Récit.

La fin des vacances en famille de Katerine-Lune Rollet à Hawaii a pris une tournure inattendue. De passage dans l'île de Kauai, l'animatrice télé devait prendre un vol intérieur pour se rendre ailleurs dans l'archipel. Or, le 30 novembre, matin du départ, elle apprend qu'Island Air, transporteur à bas prix avec qui elle devait voler, a fait faillite. Sur le site du transporteur, on se contente d'indiquer aux clients de se tourner vers leur société émettrice de carte de crédit pour se faire rembourser.

La voyageuse s'est procuré elle-même ses billets en ligne sans passer par une agence de voyages québécoise, virtuelle ou physique. En lisant le message, Katerine-Lune Rollet s'empresse de communiquer avec Capital One, entreprise qu'elle a choisie parce qu'elle lui offrait de nombreux avantages pour les voyageurs. Or, on refuse de lui rembourser les 290,24 $, soit le prix total de ses trois billets d'avion. La raison ? La faillite d'une entreprise ne figure pas au programme de crédit auquel elle adhère, lui dit-on.

Pourtant, la Loi québécoise sur la protection du consommateur prévoit que, lorsqu'il est question de commerce à distance, le client a droit à une rétrofacturation s'il a payé par carte de crédit pour un bien ou un service non rendu, précise le porte-parole de l'Office de la protection du consommateur, Charles Tanguay. La faillite d'une entreprise entre dans ces critères.

Pour que la loi en question soit appliquée, l'achat doit avoir été fait au Québec - peu importe si l'entreprise avec laquelle on transige se situe à l'extérieur de nos frontières. Par exemple, Katerine-Lune Rollet a réservé ses billets sur son ordinateur, ici, dans la province. « [Par cette mesure], on a décidé de faire porter le risque d'une transaction à distance aux émetteurs de carte de crédit », explique MFrançois Lebeau, avocat spécialisé en droit de la consommation.

Au départ, le consommateur doit se tourner directement vers le commerçant. Ce dernier a 15 jours pour effectuer le remboursement. Dans le cas présent, il est peu probable qu'Island Air puisse remettre de l'argent aux voyageurs lésés. Ceux-ci peuvent donc se tourner vers la société émettrice de leur carte de crédit dans un délai de 60 jours. L'institution financière est tenue de rembourser, souligne MLebeau. Et ce, peu importe le type de programme auquel les clients adhèrent.

INSTITUTIONS QUESTIONNÉES 

Et pourtant... les différentes institutions financières contactées par La Presse n'ont, au départ, fait aucune mention de la loi. « En cas de faillite d'une compagnie, MasterCard ne remboursera pas le client, car cette transaction devient une contestation [rétrofacturation] que nous mettrons en dispute auprès de l'entreprise, dépendamment des fonds restants avec le syndic de faillite, certains clients sont remboursés, a d'abord écrit par courriel Valérie Doucet, directrice des relations avec les médias de BMO Banque de Montréal. Normalement l'on suggère aux clients de procéder rapidement à la contestation afin d'accéder aux fonds restants disponibles de l'entreprise en faillite. »

Chantal Corbeil, porte-parole chez Desjardins, déclarait pour sa part que les clients de Visa se feraient rembourser s'ils détenaient une assurance annulation. Or, questionnée plus tard sur la rétrofacturation, elle a finalement indiqué que le détenteur y avait droit, « car il avait payé pour un service non rendu ».

Même réaction du côté de BMO. Lorsqu'elle a été questionnée sur les mesures prévues dans la loi, Mme Doucet nous a fait parvenir un autre courriel. « Nous pouvons initier une demande de rétrofacturation en fonction des scénarios suivants, confirmer que les services ne seront pas rendus en raison de la faillite et lorsque la faillite n'est pas confirmée, attendre que la date du service soit dépassée avant d'initier la demande de rétrofacturation, a-t-elle écrit. Nous respectons les dispositions générales en matière de rétrofacturation selon les directives de MasterCard. Nous respectons la Loi sur la protection du consommateur. »

Lorsque Katerine-Lune Rollet a joint Capital One, le jour où elle a appris la faillite d'Island Air, personne ne l'a informée des droits que lui accorde la loi québécoise. L'entreprise n'a pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse. Une fois informée de ses droits, la voyageuse a décidé de relancer sa société de carte de crédit en faisant valoir les différentes mesures prévues par la loi. On lui a immédiatement assuré que les démarches seraient entreprises pour qu'elle soit remboursée.

BON À SAVOIR 

Un client qui réserve ses billets sur le site d'une agence de voyages en ligne détentrice d'un permis de l'Office de la protection du consommateur (comme Expédia) ou qui fait appel aux services d'un professionnel du voyage n'aura pas à multiplier les appels auprès de son fournisseur de carte de crédit en cas de faillite d'un transporteur. Le voyageur sera remboursé par le Fonds d'indemnisation des clients des agents du voyage, car celui-ci est constitué des contributions des consommateurs qui font affaire avec une agence.

Photo tirée de Wikimedia Commons

Island Air, un transporteur à bas prix, a récemment fait faillite.