Facebook et Google prennent les grands moyens en Irlande pour éviter que des groupes étrangers ne réussissent à manipuler un important référendum sur l'avortement.

La firme de Mark Zuckerberg, sous forte pression depuis l'élection présidentielle américaine de 2016, a annoncé en début de semaine qu'elle n'accepterait aucune publicité financée par des annonceurs établis à l'extérieur du pays.

Ses dirigeants ont aussi accéléré la mise en fonction d'une nouvelle option qui permet à un utilisateur de voir toutes les publicités mises en ligne par un annonceur donné - et non seulement celles qui aboutissent sur son compte personnel.

« Nous comprenons le caractère sensible de la campagne en cours et nous travaillerons fort pour assurer la neutralité à toutes les étapes... », a précisé Facebook dans un message affiché sur son blogue mardi.

« Notre but est simple : assurer un vote libre, équitable et transparent sur cet enjeu important. »

Les dirigeants de Google ont poussé l'exercice un cran plus loin, hier, en annonçant qu'aucune publicité liée au référendum irlandais ne serait acceptée par le célèbre moteur de recherche jusqu'à la tenue du scrutin.

Le moratoire, qui touche également YouTube, concernera aussi bien les publicités d'origine locale que celles d'origine étrangère.

Dans un communiqué, l'entreprise a précisé que la démarche reflétait les efforts qu'elle mène mondialement « pour garantir l'intégrité des élections ».

DÉBAT

La décision des géants de la Silicon Valley survient alors que l'utilisation des médias sociaux suscitait un important débat en Irlande.

Un groupe formé pour surveiller les pratiques en ligne durant le référendum a notamment rapporté que des groupes américains luttant contre l'avortement cherchaient à influencer le vote.

Le quotidien The Irish Times avait sonné l'alarme à ce sujet en début de semaine en déplorant que le gouvernement n'ait pas encore mis en place de mesures pour contrôler les campagnes politiques « menées par l'entremise des plus importants outils de communication de l'histoire de l'humanité ».

« La réalité est que nous avons échoué, comme la plupart des démocraties de la planète, à nous adapter assez rapidement à la révolution technologique de la dernière décennie et nous tentons maintenant de rattraper le temps perdu. »

Les dirigeants de Facebook et de Google ont longtemps prétendu que leurs plateformes étaient « neutres » et qu'ils ne pouvaient intervenir sur le contenu échangé par leur entremise.

La situation a cependant évolué sensiblement au cours des dernières années, notamment à la lumière des tentatives de manipulation survenues lors de la campagne du Brexit en Grande-Bretagne et du scrutin présidentiel américain de 2016.

Facebook a notamment révélé l'année dernière que des annonceurs établis en Russie avaient acheté plus de 100 000 $ d'espace publicitaire pour diffuser des messages politiques durant la campagne.

« ILS CHERCHENT À NOUS FAIRE TAIRE »

La crise a gagné en intensité en mars après qu'il eut été révélé qu'une firme associée à l'équipe de Donald Trump, Cambridge Analytica, avait eu accès aux profils de dizaines de millions d'utilisateurs du réseau social pour raffiner et cibler ses messages publicitaires.

Les initiatives de Facebook et de Google en Irlande ont été bien reçues par nombre de politiciens, notamment au sein du gouvernement. La principale organisation antiavortement de la campagne référendaire, qui dit miser sur les réseaux sociaux pour contourner les médias traditionnels, a cependant crié à la censure.

« Ils ont peur que l'on gagne, alors ils cherchent à nous faire taire », ont déclaré ses dirigeants dans un message publié hier sur leur site internet.

LE RÉFÉRENDUM IRLANDAIS EN BREF

L'Irlande est l'un des pays occidentaux les plus restrictifs en matière d'avortement. Pour l'heure, une telle intervention ne peut avoir lieu que si la vie de la mère est menacée. Aucune exception n'est prévue pour les cas de viol et d'inceste. Le référendum du 25 mai porte sur le retrait d'un amendement de la Constitution qui reconnaît le droit à la vie du foetus et place ce droit à égalité avec celui de la mère. En cas de réponse positive de la population, le gouvernement propose d'adopter une nouvelle loi permettant l'avortement sans restriction jusqu'à 12 semaines de grossesse. Des exceptions sont prévues par la suite, notamment si la santé de la mère est compromise.