À la recherche de l'antidote au déclin de ses revenus, le Washington Post envisage à son tour de renoncer au tout-gratuit sur son site internet l'an prochain, mais, selon des analystes, le secteur va devoir se montrer plus inventif pour survivre.

S'il adoptait en 2013 une forme d'abonnement payant, comme l'a lui-même rapporté le journal jeudi, il rejoindrait plus de 300 journaux américains ayant déjà mis un pied dans ce système, selon le site News & Tech.

Sur le site du New York Times, par exemple, la consultation de 10 articles par mois est gratuite; au-delà, les lecteurs doivent s'abonner, pour 15 dollars par mois. C'est ce modèle que pourrait aussi adopter le Washington Post.

Le milliardaire Warren Buffett veut croire dans un tel modèle. Lui qui a, à contre-courant, racheté cette année une soixantaine de journaux locaux, juge la diffusion gratuite des contenus écrits sur la Toile «insoutenable».

Mais il reste vague quant à la solution du «péage»: «Certains de nos journaux réalisent déjà des avancées en passant à quelque chose qui a plus de sens», a-t-il simplement dit en juin.

Selon les analystes, la stratégie est prometteuse à condition que le contenu offert soit unique et de qualité, comme pour le Wall Street Journal (WSJ) et le New York Times.

Mais à en juger par le guichet départs (possibilité de départs volontaires) récemment annoncé au New York Times, cela ne suffit pas.

Pour le Washington Post, la question est, selon le consultant en médias et technologies Alan Mutter: «Si je suis déjà abonné au New York Times et au WSJ, est-ce que je vais aussi m'abonner au Washington Post?»

Selon cet ancien de la presse écrite, l'adoption du payant n'est qu'«un palliatif».

«Cela ne va pas résoudre les problèmes des journaux», qui ont affiché 13 dollars de baisse de revenus pour chaque dollar gagné grâce à leur site, d'après ses calculs.

«Ces péages vont leur faire du mal, c'est une barrière que les gens ne passeront pas, ce n'est pas pertinent comme stratégie au moment où ils doivent augmenter leur audience.»

À ses yeux, les publications doivent faire un effort d'imagination plus intense pour attirer de nouvelles générations de lecteurs.

«Elles doivent créer de nouveaux produits dans lesquels puissent se retrouver les gens d'une vingtaine d'années comme de la quarantaine», affirme-t-il.

De la folie

Plus optimiste, l'analyste des médias Ken Doctor voit au contraire dans le péage une vraie aubaine. «C'est le changement le plus positif dans l'économie de la presse écrite ces cinq dernières années», se réjouit-il, estimant à 400 le nombre de journaux américains payants sur l'internet d'ici à un an, sans compter ceux d'Europe et d'Asie.

Mais il note aussi que les péages fonctionnent mieux lorsqu'ils sont liés à la version imprimée. Le journal peut fournir, moyennant une seule et même souscription, une version papier, un accès sur le site sur un ordinateur et une application pour téléphone portable, par exemple.

Selon Dean Starkman, de la Columbia Journalism Review, qui a appelé le quotidien de Washington à cesser la folie du contenu en ligne gratuit, c'est la qualité de ce prestigieux journal, associé à l'enquête sur le Watergate qui a conduit le président Richard Nixon à la démission en 1974, qui est en jeu.

Une solution originale en la matière vient de Slovaquie, où la «start-up» Piano Media a conçu une forme d'abonnement combiné à plusieurs titres.

Après sa naissance en 2011, cette société s'est vite étendue à la Slovénie et la Pologne.

«Les lecteurs se sont montrés réceptifs, notre système fonctionne», assure David Brauchli, porte-parole de la société, qui se trouve par ailleurs être le frère du rédacteur en chef du Washington Post, Marcus Brauchli, actuellement sur le départ.