Le «bug» éventuel de Facebook que dénoncent plusieurs utilisateurs français pose à nouveau la question de la confidentialité des réseaux sociaux, au point que des internautes, de plus en plus nombreux, préfèrent fuir la toile, notamment par peur de «Big Brother».

Depuis lundi, le réseau social est sur la sellette alors que des utilisateurs français affirment que des messages très privés remontant jusqu'à 2007 ont été livrés au public.

Facebook dément catégoriquement toute «atteinte à la vie privée» mais le gouvernement français l'a sommé de s'expliquer.

Cet incident, potentiellement dommageable pour son image, survient quelques jours à peine après la publication d'une étude d'Havas Média, s'appuyant sur plusieurs enquêtes réalisées entre 2011 et septembre 2012 sur les «déconnectés subis» ou «choisis» d'internet.

Dans la «France des déconnectés» qui représentent plus de 18% de la population, il y a les exclus victimes de la fracture numérique, les «accrocs» qui veulent se sevrer, mais aussi ceux qui fuient volontairement internet par peur de «Big Brother». Ces derniers sont 3,64 millions, soit 7,2% de la population, selon cette étude intitulée «unplugged».

Cette nouvelle génération de «débranchés» émerge alors que 35% des internautes français (+5% en un an) considèrent l'insuffisance de la protection des données personnelles comme un frein à l'utilisation d'internet, selon une enquête du Crédoc réalisée en 2011 et citée dans cette étude.

Les «Flippés» d'internet, comme les appelle Havas Média, internautes avertis (entre 35 et 59 ans), actifs ou jeunes retraités, diplômés et aisés, se méfient du réseau et de ses risques (réputation, piratages, infection, etc).

Ils craignent une intrusion dans leur ordinateur ou une manipulation, pour eux ou pour leurs proches, au point que développeurs et assureurs rivalisent d'inventivité pour apaiser leurs angoisses.

Ces internautes, jaloux de leur intimité, limitent généralement à moins d'une heure la connexion quotidienne, ne donnent pas d'informations personnelles, n'expriment aucun sentiment ou opinion sur le web, et ne comprennent pas les réseaux sociaux et «ceux qui s'y exposent», explique Dominique Delport, PDG de Havas Média.

Christine Balagué, titulaire de la Chaire Réseaux sociaux à l'Institut Mines-Telecom, relève pour sa part un «paradoxe». «Les gens ne veulent pas que Facebook utilise leurs données personnelles et ils n'arrêtent pas d'en mettre», explique-t-elle à l'AFP.

Pour Philipe Torres, le directeur du département conseil et stratégie numérique de l'Atelier BNP, filiale de BNP-Paribas, «il n'y a aucune raison de faire confiance aux réseaux sociaux».

Selon lui, à l'«euphorie» que suscite chaque innovation, succède un «retour sur terre». «On en est là visiblement, à cette période de désenchantement. Google est passé par là, Microsoft aussi», ajoute-t-il.

En pointe sur ces thématiques, la députée européenne Françoise Castex souligne que «même s'il n'y a pas eu de bogue, ce que la presse appelle une "hallucination collective" révèle une peur et une méfiance collective».

D'autant que les réseaux sociaux sont une mine d'information pour les recruteurs dans les entreprises et aussi pour les services de police, de gendarmerie et de renseignement, qui les scrutent attentivement au quotidien pour mener leur mission de prévention ou de surveillance.

Jérémie Zimmermann, co-fondateur de la Quadrature du Net, organisation de défense des droits des internautes, juge aussi que l'épisode de lundi soir permet de mesurer «le pouvoir que l'on laisse à ces entreprises sur nos vies privées».

Et de s'interroger: «Si la NSA (Agence de sécurité américaine, ndlr) veut avoir accès aux données de Facebook, pensez-vous qu'on pourra les en empêcher?»