Quand le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt a été incapable de rejoindre son homologue du Bahreïn par les canaux traditionnels, il a fait appel à Twitter.

«Je dois vous parler de quelque chose», a lancé M. Bildt à Khalid bin Ahmed al Khalifa.

Un appel sur Twitter -est-ce là l'avenir de la diplomatie?

«Ça prouve que dans un monde moderne, on peut communiquer de manière moderne», a expliqué le ministre Bildt à l'Associated Press.

Plusieurs politiciens et diplomates du monde ont déjà adopté les réseaux sociaux pour communiquer avec le public, mais ils ne communiquent pas habituellement entre eux de cette manière. Donc, est-ce que la mission de M. Bildt a été couronnée de succès?

«Oui», a-t-il dit. M. al Khalifa a vu son gazouilli -le 1000e envoyé par son homologue suédois- et il l'a rappelé. M. Bildt a toutefois précisé qu'il n'utilise pas que les réseaux sociaux pour rejoindre ses collègues: «Je sais lesquels sont sur Twitter».

Avec quelque 32 000 amis, M. al Khalifa est un peu une vedette de Twitter dans son pays du golfe Persique. Plusieurs de ses gazouillis pendant le soulèvement démocratique au Bahreïn reflétaient la position de la monarchie. Mais d'autres étaient des messages pour ses collègues diplomates, un souhait de fête des Mères et même, à l'occasion, une photo prise pendant ses voyages.

Sa présence a aussi donné naissance à des comptes bidon, dont certains se moquent de son poids. Le créateur d'un de ces comptes a répondu au message initial de M. Bildt: «Il est en train de manger. Réessayez plus tard.»

En dépit de ces risques, les diplomates adopteront probablement de plus en plus les médias sociaux, même pour se parler entre eux, ne serait-ce que pour démontrer qu'ils sont de leur époque, disent des analystes. Le blogueur suédois John Einar Sandvand croit ainsi que le gazouilli de M. Bildt ne s'adressait pas seulement à M. al Khalifa, mais aussi à ses quelque 30 000 amis.

«Je ne connais pas M. Bildt, mais je suis certain qu'il sait ce qu'il fait, a dit M. Sandvand. Il n'enverrait pas d'information privée sur Twitter. Il fait ça de manière à rehausser sa notoriété politique.»

M. Bildt, un homme de 61 ans, est un pionnier bien improbable des réseaux sociaux. En personne, il a l'allure d'un professeur d'université sévère, avec ses complets sombres et ses manières formelles. Mais il veut aussi que la Suède soit vue comme étant à l'avant-plan des technologies de l'information, et il se doit de donner l'exemple. Il rappelle ainsi sur son blogue qu'en 1994, alors qu'il était premier ministre de Suède, il a envoyé le premier courriel de «haut niveau» entre dirigeants de pays, quand il a écrit au président américain Bill Clinton.

Les collègues finlandais (Alexander Stubb), australien (Kevin Rudd) et britannique (William Hague) de M. Bildt sont aussi sur Twitter. M. Hague, entre autres, même s'il semble sérieux et nerveux en personne, témoigne d'une toute autre personnalité en ligne. Il a notamment profité de son compte Twitter pour répondre à des questions spontanées sur le processus de paix au Moyen-Orient et pour souhaiter un joyeux anniversaire à un électeur dans son comté.

En décembre, le président mexicain Felipe Calderon et le premier ministre norvégien Jens Stoltenberg ont discuté, sur Twitter, de leurs attentes envers la conférence onusienne sur le climat de Cancun, au Mexique. De leur côté, plus tôt ce mois-ci, le président rwandais Paul Kagame s'est querellé sur Twitter avec le journaliste britannique Ian Birrell, qui l'avait traité de «despote».

Reste maintenant à voir quelle ampleur prendra vraiment la diplomatie sur Twitter. Des politiciens échaudés par des fuites sur des sites comme WikiLeaks y songeront probablement à deux fois avant de discuter de sujets délicats en ligne.