Yu Jianrong a passé des années à défendre les droits des paysans pauvres et à dénoncer les agissements de fonctionnaires véreux. Depuis cinq mois, il a trouvé un moyen de donner un écho beaucoup plus large à son action en ouvrant un microblogue.

Ce spécialiste des questions rurales à l'Académie chinoise des sciences sociales est devenu à 48 ans un pionnier des nouveaux médias.

«La technologie actuelle a modifié notre environnement social. C'est comme si chacun avait un micro et une salle de rédaction», a déclaré Yu, qui est un ancien avocat, lors d'une interview récente.

Son rôle consiste à donner des conseils de bonne gouvernance à des responsables politiques à travers la Chine, mais il va plus loin, demandant une démocratie fondée sur des droits garantis par la constitution et la fin de l'arbitraire répressif.

«À long terme, la pression (du pouvoir) ne peut pas maintenir la stabilité et pourrait provoquer une nouvelle instabilité. C'est comme de vouloir étancher sa soif avec du poison», critique-t-il.

Comme le reste de l'internet en Chine, les microblogues sont strictement censurés, mais Yu évite toute attaque directe contre le gouvernement, se focalisant sur le manque des respects des responsables officiels pour les lois et règlements du pays.

Il refuse également les interviews aux médias étrangers, car cela pourrait être perçu comme une provocation.

«Je pense que vous connaissez la Chine, c'est pourquoi vous devez savoir que ces questions sont tout simplement trop sensibles» a-t-il déclaré à l'AFP en déclinant une demande d'entretien avant la réunion annuelle du 5 au 14 mars de l'Assemblée nationale populaire, le parlement chinois.

Durant cette période, le gouvernement craint encore plus que d'habitude toute manifestation de mécontentement.

En janvier, Yu Jianrong a ouvert un nouveau microblogue sur les enlèvements d'enfants vendus comme travailleurs ou contraints à mendier afin d'aider leurs parents à les retrouver en publiant la photo de leur garçon ou de leur fille disparus.

Ses deux microblogues, hébergés par le portail Sina.com, sont suivis par près de 800 000 personnes.

Après le blocage de Twitter en Chine en 2009, plusieurs services chinois de microblogging ont fait leur apparition et ont rapidement connu un important succès sur l'internet chinois, qui compte 457 millions d'utilisateurs, selon les derniers chiffres officiels.

Le plus important, Sina.com, a déclaré à l'AFP que plus de 100 millions de personnes avaient déjà ouverts des microblogues sur sa plateforme.

Les messages et les liens qu'ils contiennent se répandent si vite qu'ils poussent les médias officiels à s'intéresser à des sujets qu'ils n'ont pas l'habitude d'aborder, comme celui des enfants enlevés.

«Le microblogging est un grand bond en avant pour l'expression de l'opinion publique, et Yu n'est pas le seul à l'utiliser de cette manière», selon Xiao Qiang, rédacteur en chef du China Digital Times, un site d'informations sur la Chine basé aux États-Unis.

Les microblogues ont aidé à faire d'internet «le principal forum où est livrée la bataille pour la liberté d'expression» en Chine, estime dans un récent rapport l'organisation Chinese Human Rights Defenders.

Les autorités ont entrepris de leur côté d'utiliser ce nouveau moyen d'expression à leurs propres fins, tout en censurant les sujets jugés subversifs.

Un nombre croissant d'administrations, et la police de certaines villes, ont ouvert des comptes.

«Les téléphones mobiles et internet transforment profondément l'image que les citoyens ont d'eux-mêmes et leur degré de tolérance face à l'arbitraire étatique», écrivait récemment Nicholas Bequelin, chercheur sur l'Asie pour Human Rights Watch, dans la revue Foreign Policy

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