Pour certains habitants de la Lettonie, pays balte frappé par une grave crise économique, il est le Robin des bois des temps modernes. Pour d'autres, il est juste un hacker qui fait beaucoup de bruit autour de lui. Lui-même veut qu'on l'appelle Neo.

Il a permis aux Lettons, frappés par des mesures d'austérité sans précédent, d'apprendre le montant des revenus de hauts fonctionnaires de l'État, grâce à des fichiers qu'il avait dérobés avec des millions d'autres dans les ordinateurs de l'administration fiscale.

Neo a notamment publié sur l'internet le montant des indemnités de départ, allant jusqu'à cinq ans de salaire, touchées en 2009 par certains cadres de la compagnie nationale de l'énergie Latvenergo.

En prenant le nom du héros de la trilogie Matrix, films cultes des frères Wachowski, le hacker veut mettre en évidence le fait que les mesures d'austérité ont été appliquées de façon très inégale.

La Lettonie, encore récemment champion de la croissance dans l'Union européenne, a sombré dans une grave crise illustrée par une chute du PIB de 18,4% en 2009.

Pur éviter la faillite du pays et remplir les conditions d'un important prêt accordé à Riga à la fin de 2008 par des institutions financières internationales, le gouvernement de Valdis Dombrovskis fut obligé de réduire les salaires dans la fonction publique et d'augmenter différentes taxes.

Neo a aussi publié sur Twitter une liste des revenus des employés et cadres de la banque Parex nationalisée en 2008, de la banque centrale lettone, et de plusieurs sociétés d'État.

«Si nous avions des soupçons auparavant (concernant les inégalités), maintenant nous disposons de données réelles pour l'affirmer», a-t-il déclaré dans un entretien accordé par écrit à la télévision publique.

Neo affirme représenter une «quatrième armée populaire du réveil», un groupe jusqu'à présent inconnu et dont le nom évoque les anciens mouvements indépendantistes lettons.

Sur une période de trois mois, son groupe a téléchargé plus de 7,5 millions de documents stockés par les services nationaux du fisc (SRS), affirme le pirate, alors que les opinions sur son action divergent en Lettonie.

«Je ne pense pas qu'on puisse l'appeler héros national», déclare à l'AFP Tatiana Skubija, une commerçante de 50 ans. Elle ne le condamne pas pour autant: «Je pense que dans ce cas, la fin justifie les moyens».

«Le but est admirable» déclare à l'AFP Evija Klaise, 28 ans. «Mais qui peut décider quelles données on a le droit de voler?».

«La publication de salaires des responsables gouvernementaux aide à la transparence générale», déclare pour sa part un blogger nommé Sestdienis sur le site du quotidien national diena.lv.

«Je soutiens Neo, principalement parce qu'il a finalement révélé ce que nous devions savoir depuis longtemps», ajoute-t-il.

«Il est un héros de la même manière que l'était Robin des bois», déclare à l'AFP Pauls Raudseps, commentateur du quotidien Cita Diena.

Depuis que la faille dans le système informatique de l'administration fiscale a été révélée, certains entrepreneurs se sont inquiétés de la sécurité de leurs données.

Après avoir reconnu la faille à la mi-février, les autorités lettones ont rejeté les accusations de Neo.

Le Premier ministre Valdis Dombrovskis a minimisé les révélations sur «les parachutes dorés».

«La situation était connue. Nous prenons des mesures concernant les sociétés d'État», a-t-il déclaré à la presse.