Peut-on acheter ou vendre Rembrandt sur eBay, expertiser un Picasso en ligne ou mettre une salle d'enchères sur le web? Les professionnels du marché de l'art, inquiets ou enthousiastes, s'accordent néanmoins sur la «révolution inouïe» provoquée par Internet dans le commerce d'art.

Peut-on acheter ou vendre Rembrandt sur eBay, expertiser un Picasso en ligne ou mettre une salle d'enchères sur le web? Les professionnels du marché de l'art, inquiets ou enthousiastes, s'accordent néanmoins sur la «révolution inouïe» provoquée par Internet dans le commerce d'art.

Il ne s'agit pas «de dénoncer les méfaits de la machine à vapeur, nous nous voulons positifs, mais nous voulons comprendre», selon Me Hervé Poulain, président du Conseil national du marché de l'art (CNMA), qui organisait vendredi au ministère de la Culture, avec des professionnels de l'art et d'Internet, un colloque sur le sujet «Quel marché de l'art sur Internet ? Opportunités et limites».

Quels sont les chiffres du commerce d'art en ligne ? En fait, aucun n'est disponible, si ce n'est ceux d'une compilation --réfutés par eBay-- effectuée en 2005 sur ce site par le Conseil des Ventes, autorité de régulation des maisons d'enchères.

Pour Antoine Beaussant, «au moins 1,2 million d'objets d'art et antiquités ont été vendus sur eBay en 2005, pour un volume de 53 M EUR, ce qui fait de ce site de vente aux enchères en ligne la deuxième maison de France». Par ailleurs, selon lui, «60% des ventes d'oeuvres d'art sur eBay viennent de professionnels», indique-t-il.

Le chiffre, qualifié de «fantasme» par Grégory Boutté, patron d'eBay-France, fait écho aux constatations quotidiennes de certains professionnels: «nous souffrons d'une baisse de fréquentation redoutable, la clientèle n'est plus là», dit Frédéric Bosser, galériste, qui se demande «pourquoi nous sommes les seuls crétins à payer la TVA et les taxes sur la plus-value!».

C'est ce manque de règles sur Internet, ces absences de garanties demandées aux professionnels qui provoque l'inquiétude de Michel Gomez, président du SNCAO (antiquaires et brocanteurs) désormais «handicapés», ou de Frédéric Castaing (livres anciens) qui dénonce «les faux amateurs qui sont en fait de vrais professionnels».

«Entre 15 et 20 critères entrent en ligne de compte pour évaluer une oeuvre d'art», affirme Michel Maket, représentant les experts. «Quel propriétaire d'une oeuvre majeure peut la confier sur Internet?», ajoute-t-il, en citant par ailleurs le cas d'une personne venue le voir avec ses huit dessins de Delauney et Giacometti achetés sur le net, «tous faux».

Pourtant, la plupart le reconnaissent, Internet est «un moyen de communication fabuleux», dit Me Armand Torossian, représentant Interenchères, un site qui présente --sans vendre en ligne-- les objets proposés par 400 maisons d'enchères.

«On diffuse mille fois plus vite des informations que nous mettions des mois à présenter aux éventuels acheteurs», reconnait Patrick Bongers, qui représente les galeries d'art.

Et les initiatives se multiplient. Des essais d'enchères en ligne, reliées à des enchères réelles dans une salle, ont démarré à Drouot. Un site d'enchères dans une salle virtuelle sera ouvert en septembre, des catalogues de ventes sont déjà disponibles sur le web.

Il faut «réussir la synthèse, accepter la confrontation avec les nouvelles technologies et définir les bonnes pratiques», estimait lors du colloque le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres.

«Internet a bouleversé les règles de la concurrence, c'est un marché nouveau, mais il faut que l'acheteur ait confiance», dit Isabelle Falque-Perrotin, présidente du Forum des droits sur l'Internet.

Dans le commerce traditionnel, «si on achète une croûte en pensant que c'est un Picasso, on a sept jours pour se rétracter», dit-elle, tout en reconnaissant «qu'il n'y a pas beaucoup de Picasso dans les sociétés de courtages en ligne».