Malgré son attrait pour les mélomanes, la nouvelle offre Musique illimitée de Vidéotron n'a pas que des amis. Selon plusieurs de ses détracteurs, défenseurs de la théorie de la neutralité de l'internet, elle risque au contraire de ralentir l'innovation en créant des barrières pour d'éventuels nouveaux compétiteurs.

Avec Musique illimitée, Vidéotron offre aux abonnés de ses forfaits mobiles les plus chers de ne pas tenir compte de la consommation de données induite par l'utilisation de services musicaux en transit très populaires comme Spotify, Rdio, Google Music ou Stingray, entre autres.

«Si, il y a quelques années, Vidéotron nous avait dit: "Tout le monde est sur MySpace, donc on va rendre les données MySpace gratuites", est-ce que Facebook, LinkedIn et autres auraient pu apparaître?», résume Olivier Dagenais, chercheur au Centre d'études sur l'intégration et la mondialisation de l'UQAM, spécialiste de la gouvernance et des politiques de l'internet et directeur de la programmation du festival Geekfest.

«Insideux»

«Ce type d'offres est insidieux, poursuit-il. Les risques ne viennent pas chercher les consommateurs, qui sont contents d'avoir de la musique gratuite. [...] Les effets vont se faire sentir dans 5-10 ans, quand ces entreprises favorisées par Vidéotron vont être à leur sommet et [vont] imposer leurs conditions.»

En janvier dernier, le CRTC avait débouté Bell et Vidéotron dans une cause en apparence similaire. Les deux entreprises s'étaient vu interdire de comptabiliser séparément les données consommées dans le cadre de l'écoute de chaînes de télé sur des appareils mobiles. Bell a porté la cause en appel, mais pas Vidéotron.

Benjamin Klass, le plaignant initial dans cette cause devant le CRTC, voit l'arrivée du service Musique illimitée comme une claque de Vidéotron au visage de l'organisme réglementaire.

«Le CRTC a dit clairement qu'en excluant certains usages des plafonds de données, on créait des inégalités envers à la fois les compétiteurs de ces entreprises favorisées et les clients.»

Ouvert à tous

Selon Vidéotron, la situation est différente, puisque l'offre Musique illimitée est ouverte à toutes les plateformes musicales qui souhaitent y participer.

«Le but n'est pas de donner un avantage à l'une de nos filiales ou à des partenaires précis, fait valoir Serge Leclerc, vice-président aux affaires corporatives de l'entreprise. L'idée est de lancer la vague avec les services les plus connus.»

Une brève mention sur la page web consacrée à cette offre sur le site de Vidéotron incite d'ailleurs les consommateurs à suggérer de nouveaux services musicaux à être ajoutés.

Ces explications ne satisfont pas les opposants.

«Bell faisait valoir les mêmes arguments pour son service télé, rappelle M. Klass, soit que n'importe quelle chaîne pouvait faire partie du service. Le fait demeure que toute la myriade de stations de radio en ligne et de services musicaux ne fait pas partie de Musique illimitée et qu'il n'est pas vraisemblable qu'elle le fasse un jour. Vidéotron tente de créer un internet à deux vitesses pour les opérateurs mobiles.»

Plafonds de données

Si Vidéotron voulait véritablement être ouverte à toutes les plateformes, croit-il, «[ses dirigeants] enlèveraient tout simplement les plafonds de données».

Olivier Dagenais ne doute pas de la bonne volonté de Vidéotron. Un programme similaire mis sur pied aux États-Unis par T-Mobile en est rendu à isoler les données de 27 services musicaux différents, compte-t-il.

«La situation n'est pas dramatique, mais c'est la première étape d'une pente descendante qui peut mener à des cas beaucoup plus graves. Dit simplement, ils accaparent une part de pouvoirs qu'ils n'avaient pas avant», prévient-il.

Le CRTC n'a pas émis de commentaires sur la nouvelle offre musicale de Vidéotron.