Le gouvernement américain a commencé mardi, au deuxième jour d'un procès à New York, à démontrer comment Apple avait orchestré une entente avec cinq éditeurs pour augmenter le prix des livres électroniques aux États-Unis à la sortie de son iPad, ce que le groupe informatique conteste.

Le patron d'un des éditeurs concernés, David Shanks pour Penguin America, a confirmé à la barre avoir décrit Apple, dans un courriel, comme un «facilitateur».

Penguin, qui avait insisté pour qu'au moins trois autres gros éditeurs signent avec Apple avant lui, a aussi été informé par le groupe informatique de l'avancée des discussions avec ses concurrents, selon M. Shanks.

Un autre témoin, l'avocat maison d'Apple, Kevin Saul, qui a participé à la négociation des contrats avec les éditeurs, a toutefois défendu cette «stratégie de négociation très efficace».

Cela fait comprendre aux parties adverses «que le train quitte la gare» et qu'ils risquent de le rater, a-t-il expliqué, précisant que l'identité des signataires n'avait jamais été révélée.

Quant au fait que tous les contrats avec les éditeurs soient identiques, considérés comme un indice de collusion par l'accusation --le ministère de la Justice et plusieurs États américains--, c'est «une manière démocratique de faire les choses», a fait valoir M. Saul.

M. Shanks a indiqué que Penguin voulait qu'une «masse critique» d'au moins quatre grands éditeurs signent avec Apple pour «être sûr qu'il y ait assez de choix dans la librairie» du groupe informatique.

Mais il a reconnu qu'une «autre raison» avait été la crainte d'une action punitive d'Amazon, à l'époque très dominante sur le marché avec sa liseuse Kindle, si un éditeur tentait seul d'imposer un nouveau modèle de commercialisation.

Pour garnir les rayons de la librairie en ligne de sa tablette iPad, lancée en 2010, Apple a en effet passé des contrats avec les éditeurs permettant à ceux-ci de fixer les prix de vente en échange d'une commission de 30%.

C'était toutefois une rupture avec le modèle alors en vigueur, où Amazon achetait les livres en gros aux éditeurs et choisissait lui-même les prix de vente.

Le distributeur en ligne vendait même parfois à perte, contribuant à «un prix non officiel fixé à 9,99» dollars pour les nouveautés et les best-sellers, et trop bas, car il créait un risque de cannibalisation des ventes des premières éditions imprimées, plus coûteuses, selon M. Shanks.

Le patron de Penguin America n'a pas nié avoir espéré que le nouveau mode de commercialisation retenu dans les accords avec Apple permette aux éditeurs de relever les prix des livres électroniques.

Le principal avocat assurant la défense d'Apple, Oryn Snyder, a néanmoins relevé qu'il n'y avait «pas d'unité entre Apple et Penguin» sur le niveau des prix: le second voulait «une liberté totale», le premier insistait pour inclure dans le contrat des clauses lui permettant de plafonner les prix demandés par les éditeurs, et même de les baisser si un autre détaillant affichait des tarifs moins élevés.

Selon M. Saul, le seul objet de cette clause pour Apple de rester «compétitif», et le groupe était «indifférent» aux relations commerciales entre les éditeurs et les autres revendeurs.

L'accusation a tenté de montrer le contraire, en produisant un courriel envoyé à trois heures du matin par M. Shanks à Eddy Cue -- le négociateur en chef d'Apple -- pour l'informer, avant que l'information soit rendue publique, que Penguin avait finalement un contrat avec Amazon sur le même modèle que celui retenu par le groupe informatique. «Super nouvelle, félicitations!!!», avait répondu Eddy Cue.