La discussion en Allemagne sur un quota de femmes en entreprise rend nerveux les professionnels de l'informatique réunis au salon Cebit de Hanovre, qui évoluent dans un secteur particulièrement masculin.

«Des costumes gris, des costumes noirs. Vous voyez des filles, vous ?», s'amuse Claudia Neumann, directrice d'une petite entreprises de sécurité informatique, Securepoint, en balayant du regard les allées de l'un des plus importants rendez-vous mondial en matière de haute technologie.

Selon la Fédération allemande des technologies de l'information, le Bitkom, les femmes représentent 15% des salariés de la branche, loin du quota de 30% dans les instances dirigeantes des grandes entreprises allemandes que souhaite le gouvernement allemand, sans pour l'instant vouloir l'imposer.

«Nous regrettons de ne pas attirer davantage les femmes», a assuré August-Wilhelm Scheer, président du Bitkom, lors du Cebit qui se tient jusqu'à samedi.

Si l'introduction d'un quota obligatoire ne menace pas immédiatement les entreprises, en raison de la réticence de la chancelière Angela Merkel, quelques grands noms comme Deutsche Telekom l'ont déjà introduit de leur propre chef.

Et face à la pénurie de main d'oeuvre qualifiée dont souffre le secteur, l'arrivée de femmes serait en fait le bienvenu.

La fédération allemande des ingénieurs (VDI) estime qu'il manque au pays quelque 16 500 spécialistes informatiques aujourd'hui.

«En dix ans, nous n'avons jamais eu de candidature féminine pour un métier très technique de développement ou de support technique. L'informatique reste un monde d'hommes», déplore Mme Neumann, 36 ans.

Cette grande blonde souriante a elle-même fait carrière dans le service commercial de son entreprise, et non penchée sur des écritures de programme informatique.

«Mais je n'ai jamais accepté que les gars me disent : "Ne cherche pas à comprendre" à propos d'un aspect technique; je me suis toujours assise avec eux jusqu'à ce qu'il m'expliquent», assure Mme Neumann, qui a débuté dans cette affaire avec quatre hommes. Securepoint compte désormais 50 salariés, avec une proportion de femmes de 20%.

Les réflexions gouvernementales ont déjà des conséquences, selon Harald Sabin, directeur de l'agence de recrutement spécialisée en hautes technologies HSConsulting.

«Pour les postes à responsabilité, nous proposons toujours trois candidats, et nos clients demandent désormais qu'il y figure au moins une femme, sans quoi nous devons nous justifier», explique-t-il à l'AFP

«À la sortie des écoles, on trouve désormais 30% de jeunes femmes. Mais nous cherchons des femmes avec au moins cinq ans d'expérience, et il n'est pas facile de les trouver», poursuit-il.

En plein salon, Deutsche Telekom a illustré contre son gré la difficulté du secteur à se féminiser. Les innovations présentées par le géant allemand du téléphone et de l'internet sont passées inaperçues face à l'annonce du départ d'Anastassia Lauterbach, seule femme de la «Business leader team», groupe des 60 dirigeants les plus hauts placés du groupe.

Son recrutement il y a un an avait coïncidé avec une grande campagne d'autopromotion de Deutsche Telekom, qui s'est fixé pour objectif d'avoir 30% de femmes à ses postes de responsabilité d'ici 2015.

Si l'arrivée de Mme Lauterbach avait été annoncé avec fracas, Deutsche Telekom observe face à son départ un silence embarrassé. Les journaux allemands croient savoir que Mme Lauterbach était jugée trop autoritaire par ses collègues masculins.