Ils sont tombés dans la marmite quand ils étaient petits. Les jeunes Québécois ont remplacé le téléphone par le clavardage et Internet occupe une grande part de leur quotidien. Mais à quel prix? Le Soleil fait une incursion dans l'univers virtuel des 9-17 ans.

Ils sont tombés dans la marmite quand ils étaient petits. Les jeunes Québécois ont remplacé le téléphone par le clavardage et Internet occupe une grande part de leur quotidien. Mais à quel prix? Le Soleil fait une incursion dans l'univers virtuel des 9-17 ans.

David, 14 ans, possède son propre ordinateur portable. Son carnet de contacts de messagerie instantanée (MSN) contient plus de 200 noms et il peut tenir plus d'une dizaine de conversations en ligne en même temps. Un jeune branché ? Pas tant que ça, réplique-t-il.

«Je connais des jeunes qui sont bien plus accros que moi... il y en a qui font juste ça, ils ne se déconnectent jamais. Tu les appelles pour faire quelque chose et ils te répondent que non, ils restent devant l'ordinateur. Il y a un problème quand tu es rendu là.»

Trop branchés, les jeunes de 9 à 17 ans ? Louiselle Roy, directrice du Réseau éducation médias, hésite. «C'est LA question, répond-elle en pesant ses mots. C'est sûr qu'il y a des problèmes de cyberdépendance. Mais c'est une question de gros bon sens : est-ce qu'on laisserait un enfant parler des heures et des heures au téléphone ? Tout est dans la modération.»

Éric Lacroix, directeur des enquêtes au Centre francophone de recherche sur l'information (CEFRIO), est beaucoup moins inquiet. «Je ne pense pas que les jeunes peuvent être trop branchés, dit-il. Internet les ouvre sur le monde, permet d'accroître leurs connaissances et d'élargir leurs réseaux de contacts. Le phénomène de cyberdépendance reste marginal et il n'y a pas encore péril en la demeure.»

Une des plus récentes études sur les jeunes internautes canadiens est celle du Réseau éducation médias, réalisée à l'automne 2005 auprès d'élèves de 9 à 17 ans. On y estime que 94 % des jeunes ont accès à Internet à la maison et qu'en cinquième secondaire, un jeune sur deux possède son propre ordinateur.

Toujours selon cette étude, les parents sont nombreux à se plaindre que les enfants passent trop de temps en ligne. Un élève de sixième année passerait, chaque soir, près de trois heures dans Internet, que ce soit pour défier des monstres imaginaires, clavarder ou surfer dans le Web. D'autres études estiment plutôt qu'ils y consacrent entre 10 et 15 heures par semaine.

Mathieu, un ami de David, se connecte habituellement en rentrant de l'école. «Pas mal tout le monde a MSN, on peut passer des soirées là-dessus. On ne voit pas le temps passer ! Ça remplace le téléphone», dit-il.

Sa mère, Johanne, insiste pour mettre des règles : pas d'Internet en plein jour ou pendant une semaine d'examen. Mais les heures que ses deux garçons passent devant l'ordinateur défilent rapidement. «On ne se voit plus beaucoup», laisse-t-elle tomber.

André Caron, directeur du Groupe de recherche sur les jeunes et les médias de l'Université de Montréal, reconnaît que dans certains cas, Internet peut contribuer à miner le climat familial. «Si la communication dans une famille n'était déjà pas excellente, Internet peut contribuer à isoler chacun dans son coin. Mais ça pourrait être la même chose avec la télévision», affirme-t-il, ajoutant qu'on a parfois tendance à exagérer les problèmes causés par les technologies.

Un monde à part

Il existe toutefois un monde de différence entre Internet et la télévision, rétorque Louiselle Roy. «À la télévision, le contenu est encadré, voire censuré. Dans Internet, les jeunes sont exposés à tout. Dans des groupes de discussions, j'ai entendu des plus vieux de 16 ou 17 ans dire : "Vous direz aux parents qu'ils protègent les plus jeunes contre la porno dans Internet"», raconte-t-elle.

Selon le Réseau éducation médias, un jeune sur cinq tombe par accident sur des sites pornographiques. Au secondaire, 50 % des garçons les visitent volontairement. Et un enfant sur quatre a été invité à rencontrer quelqu'un avec qui il avait seulement clavardé.

Sans vouloir dramatiser, Mme Roy estime que la clé reste la communication. «Le rôle parental ne s'arrête pas à l'écran, rappelle-t-elle. Il faut continuer à être parent dans cet environnement-là et s'y intéresser, en discuter avec son enfant.»

La neuropédagogue Irène Duranleau, de l'Université de Sherbrooke, insiste quant à elle sur un autre point : l'importance des contacts humains. «Les relations virtuelles, ce n'est pas la réalité, dit-elle. Il ne faut pas perdre de vue que les jeunes ont aussi besoin de vraies relations.»

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