On a beau comparer leurs caractéristiques techniques, les laptops se ressemblent beaucoup. À moins d'être un pro du design graphique ou un amateur de jeux vidéo dernier cri, les différences de puissance et de mémoire importent peu entre les modèles. On a le choix entre une centaine de PC qui offriront plus ou moins la même interface, les mêmes logiciels, etc.

On a beau comparer leurs caractéristiques techniques, les laptops se ressemblent beaucoup. À moins d'être un pro du design graphique ou un amateur de jeux vidéo dernier cri, les différences de puissance et de mémoire importent peu entre les modèles. On a le choix entre une centaine de PC qui offriront plus ou moins la même interface, les mêmes logiciels, etc.

Les fabricants doivent donc trouver de nouvelles façons de nous séduire, en ajoutant à leurs produits d'autres critères que les fonctions et la performance. Leur dernière trouvaille: s'associer à d'autres marques, qui n'ont apparemment aucun lien avec leur produit.

C'est ainsi qu'est né le laptop Ferrari, lancé l'an dernier par le fabricant Acer. Afin d'afficher ses caractéristiques puissantes, il a été entièrement habillé aux couleurs de la prestigieuse marque italienne, qui n'en a pourtant conçu aucun composant.

«Nous avons choisi Ferrari pour donner une valeur distincte à notre produit», explique Sumit Agnihotry, directeur marketing d'Acer à San Jose, en Californie. «On a associé notre marque à une autre, qui est davantage reconnue pour ses valeurs d'exigence technologique et de luxe. Ferrari a prêté son logo à condition qu'on offre un portatif très puissant, avec 1 Go de mémoire, 100 Go de disque dur, et un boîtier en fibre de carbone ultrarésistant.»

Acer offre la Ferrari des laptops aux acheteurs d'autos Ferrari, et s'est joint aux commanditaires de plusieurs étapes de Formule 1. L'alliance semble avoir porté fruit, puisqu'en janvier 2006, Acer lançait un nouveau moniteur de 17 pouces, lui aussi habillé aux couleurs de Ferrari.

Elle aussi associée au luxe, mais dans un autre registre, la division Hummer de General Motors a eu la même idée. L'an dernier, elle a lancé une gamme d'ordinateurs portables Hummer pour permettre à ses clients de «prolonger le style de vie Hummer» au bureau.

«Si vous êtes le genre de personne qui conduit un Hummer et vit pour l'aventure, ou si vous rêvez simplement d'aventure, alors le laptop Hummer est fait pour vous», disait le communiqué de GM.

«Quand on pense à Hummer, on pense à un monstre énergivore, mais aussi au véhicule tout-terrain ultime. C'est pourquoi Hummer était le match parfait pour notre laptop», dit Brian Fiut, directeur de produit chez Itronix. La compagnie a créé la bête pour GM en changeant simplement le boîtier de son ordinateur ultrasolide VR-1, qu'elle fournit aux militaires américains. Ça tombe bien, le Hummer est l'adaptation civile d'un véhicule militaire.

«La marque Hummer essaie non seulement de vendre des véhicules, mais aussi un style de vie. Ses concessionnaires bâtissent des sites uniquement consacrés au Hummer, qui sont faits pour que les clients reviennent régulièrement acheter des produits dérivés, comme des bottes, des manteaux, etc. Il se vend même un barbecue Hummer!» dit M. Fiut.

Dorénavant, les fans tout de Hummer vêtus pourront aussi taper fièrement (et aussi violemment qu'ils le veulent) sur le clavier de l'ordinateur du même nom, arborant le «style de vie Hummer» de leur stationnement à leur poste de travail.

«Il y a vraiment une tendance qui se dessine», pense M. Fiut. «De plus en plus de marques d'automobiles vont se marier à des marques de technologie, même s'il n'y a aucune connexion entre les deux produits. L'idée est de prendre les attributs de chaque marque et de les rassembler dans le même produit.»

Évidemment, vous ne pourrez pas embarquer des minettes sur la Croisette avec ce Ferrari-ci, ni grimper dans les montagnes avec ce Hummer-là. Mais on est ici dans le registre de l'imagination, où tout est permis. Après tout, Gillette a bien comparé ses rasoirs Mach 3 à des avions de chasse, alors pourquoi ne pas comparer un PC à une auto de luxe?

Comme l'explique Jacques Nantel, professeur de marketing à l'École des hautes études commerciales, «cette stratégie existe depuis longtemps dans d'autres secteurs. Quand un produit arrive à maturité, les fabricants essaient de les différencier au-delà de leurs caractéristiques propres. C'est le cas aujourd'hui des fabricants de laptops, à l'exception d'Apple puisque leurs Macintosh sont des produits uniques».

«On a beaucoup vu cette stratégie dans le secteur alimentaire, quand des restaurants de fast-food s'associent à des films, ou quand une crème glacée emprunte la marque Rollo. Ça revient à insuffler dans un produit les caractéristiques d'un autre», explique M. Nantel.

Les cellulaires aussi

La même tendance se dessine sérieusement dans le monde des téléphones cellulaires, soumis à une concurrence agressive entre des produits très ressemblants. Sauf que cette fois, les opérateurs vont aller plus loin que de simplement peinturer les couleurs d'une marque sur un produit existant. Ils recherchent des partenaires qui s'intègrent dans le contenu de leur offre, notamment avec l'arrivée des téléphones-télévisions.

En Allemagne, la chaîne MTV a lancé son propre forfait de cellulaire. Même chose en France avec la chaîne musicale M6. Chez nous, Rogers a lancé un téléphone «édition MusiquePlus». Outre l'image de marque de la chaîne, populaire auprès des adolescents, le téléphone donne accès à des contenus musicaux exclusifs, des nouvelles et des extraits de clips.

«On offre un contenu exclusif développé avec MusiquePlus», explique Sylvie Charrette chez Rogers. «C'est vraiment une alliance entre deux marques, contrairement à MTV, qui achète un réseau à un opérateur dont le nom ne sera pas mis de l'avant. On appelle ça un réseau 'white label', comme celui que Bell fournit à Virgin au Québec.»

L'association avec MusiquePlus permet à Rogers de populariser sa marque auprès des jeunes; or la chaîne musicale est passée maître dans l'art de séduire ce public-cible alléchant, mais difficile d'accès. En échange, Rogers commandite des événements comme la tournée Babu à planche de MusiquePlus.

«Actuellement, les opérateurs de réseaux cellulaires sont très intéressés à enrichir leurs marques avec les actifs marketing (assets) d'autres marques», explique David Inns, vice-président au marketing chez Bell Mobilité, qui s'est associé pour sa part à la LNH et à des émissions comme Tout le monde en parle.

«Expérientiel» à gogo

«On essaie juste de rendre nos marques un peu plus cool. Mais ça devient de plus en plus complexe. Aujourd'hui, on vise vraiment des groupes de consommateurs très précis, et il faut être tout aussi précis dans notre approche.»

Le dernier partenariat de Bell Mobilité, qui devrait arriver au Québec cette année, s'est fait avec la marque Choix du président des supermarchés Loblaws. Leur contribution à l'offre de Bell consistera à offrir leur puissant réseau de distribution. Mais qui sait? Peut-être pourra-t-on commander d'une simple touche une pizza à croûte mince, pour un prix préférentiel.

Ce qui est sûr, c'est que les agences de publicité travaillent très fort pour inventer les partenariats les plus surprenants. Chez Cossette, on a un mot pour ça: l'expérientiel.

Si l'agence de publicité de la rue Drummond n'a pas peur des mots exotiques, elle redoute plus que tout l'infidélité des nouvelles générations de consommateurs, plus volatils que jamais. L'expérientiel est une stratégie chargée de renforcer leur loyauté envers les marques. Les nouveaux partenariats utilisés par les compagnies de technologie répondent exactement à cette problématique.

«Les compagnies de technologies font partie des secteurs qui ont du mal à rejoindre les consommateurs par les médias de masse», explique Pascale Chassé, vice-présidente chez Optimum, la division des relations publiques de Cossette. «De plus en plus, on essaie de faire vivre une expérience au consommateur pour qu'il crée un lien avec la marque. Les cartes de crédit font ça depuis longtemps, en s'alliant à des boutiques ou à diverses causes. Ces associations permettent d'afficher les valeurs de la marque et de créer un lien plus affectif.»

«Ce qu'on voit dans l'industrie des laptops ressemble à ce qu'on fait avec la bière», remarque Mme Chassé.» C'est un secteur très aspirationnel: qu'est-ce qu'une marque veut dire? quelle est sa personnalité? c'est ça qui est important pour les jeunes quand ils font leur choix. Il faut développer un lien de proximité, parce qu'à moins d'être connaisseur, il n'y a pas tant de différence que ça entre deux bières...»