Sa matière première : les matériaux recyclés. Son talent : les transformer en oeuvres d'art. Pour le bonheur des passants, l'artiste Glen LeMesurier plante ces dernières dans des espaces montréalais laissés à l'abandon. « C'est ma façon de charger les lieux de poésie », explique-t-il. Balade énergisante dans son Jardin du crépuscule, situé près du viaduc Van Horne, dans le Mile End.

Un artiste, la nuit

« J'ai commencé à investir la ville il y a 25 ans. Holy shit : regarde tout ce que j'ai fait ! » Dans cette galerie à ciel ouvert attenante à son atelier, Glen LeMesurier compte 35 sculptures faites de métaux récupérés, érigées en pleine nature urbaine. Ce n'est pas pour rien que l'artiste sculpteur a baptisé «Jardin du crépuscule » ce bout de terre situé aux abords de la voie ferrée : nuit après nuit, il l'a conquis à l'arraché, le peuplant de ses oeuvres aux allures de moulins à vent stylisés.

Une oasis, le jour

À force de labeur - « Je travaille 12 heures par jour, 7 jours par semaine » -, cet adepte de l'art écolo âgé de 57 ans, aux yeux azur et au coeur adolescent, a fait de l'endroit un véritable havre de paix que fréquentent autant les gens du quartier que les coureurs, les cyclistes et les rêveurs. Il y a deux ans, Montréal en a officiellement fait un espace vert protégé.

« Je redonne vie à des coins morts de la ville. Let's recharge it. Boum ! » s'exclame dans un français mâtiné d'anglais celui qui est le fils d'une mère franco-ontarienne et d'un père gaspésien. « Parfois,je vois une vieille dame y faire du taï-chi, des travailleurs se reposer, des étudiants dessiner ou des profs faire découvrir mon art à leurs élèves. Les gens m'envoient des lettres pour me remercier. »

Extension du domaine de l'art

Glen ne se contente pas de faire pousser ses oeuvres sur ce seul terrain vague. Jusqu'à 225 de ses créations métalliques ont colonisé l'espace privé et public de la métropole, que ce soit dans un tronçon du Réseau-Vert qui longe le chemin de fer du Canadien Pacifique dans Rosemont-La Petite-Patrie,ou alors dans la cour de ses voisins du Mile End, sans oublier le jardin de sculptures de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Verdun, et bientôt le parc Notre-Dame-de-Grâce, éprouvé par une tempête. Son champ d'action s'élargit aussi à la campagne : au parc régional Saint-Bernard,une quarantaine de ses oeuvres ornent un sentier. « C'est le plus grand parc de sculptures réalisées par un seul et même artiste au Canada », dit-il fièrement.

Tant de travail... et pourtant, l'homme commence à peine à vivre de son art. « De temps en temps, je fais des ventes dans mon atelier ou des petites rénos par-ci par-là. C'est dire à quel point je suis passionné par mon travail. »

Se remplir de beauté

C'est justement pour cette raison qu'il continue de semer de la beauté et de toucher les gens avec sa poésie. Il lui est arrivé de voir un homme assis seul dans son Jardin du crépuscule, sous la pluie. Il s'est alors approché de lui. « Je lui ai dit : "Je sais à quoi tu penses. Ne fais pas ça."Il m'a répondu : "Hier, je voulais disparaître de la Terre. Puis je me suis recueilli devant tes sculptures. Je n'ai plus eu envie de partir." Ce qu'il avait perçu, c'est la force de la poésie, et ça l'a réconcilié avec la vie », raconte l'artiste.

Récemment, Glen a trouvé une lettre coincée sous l'une de ses créations. Il nous la tend : « Je ne sais pas pourquoi je suis venue ici, y lit-on. Peut-être pour dire au revoir, comme l'on se rend sur une tombe pour saluer une personne que l'on ne verra plus. Et que l'on aimait. Peut-être parce que cette oeuvre est le début de quelque chose, et la fin aussi. Merci pour ce cadeau éphémère. » Les yeux du sculpteur sourient. Tout ça lui donne de l'énergie à lui aussi.

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Kamal