Une mise à pied, une maladie ou un désir profond de faire autre chose peuvent s'avérer d'excellents déclencheurs pour gagner sa vie autrement. Voici trois histoires inspirantes de changement de rythme au cours d'une carrière.

Philippe Isabelle oeuvrait en gestion de la construction. Après 20 ans comme salarié, ce père de deux adolescentes a lancé son entreprise pour devenir maître de son temps.

Pendant les 12 premières années de sa carrière, Philippe a travaillé comme charpentier-menuisier. Désireux d'améliorer son sort, il s'est inscrit à l'École de technologie supérieure (ÉTS) au début de la trentaine et a obtenu un certificat en gestion de la construction. « À partir de là, j'ai vu mes responsabilités augmenter graduellement, explique-t-il. J'ai occupé des postes de surintendant sur des chantiers de plus en plus imposants. J'aimais ça. » Philippe était très sollicité. Le salaire suivait. La pression aussi.

Il y a quatre ans, il s'est séparé de la mère de ses enfants, et quelques semaines plus tard, il a été mis à pied. « En peu de temps, j'ai été réembauché ailleurs, avec un salaire et des conditions supérieurs. J'avais l'impression qu'au travail, rien ne pouvait m'arrêter », dit-il.

Deux ans plus tard, un déclencheur est pourtant venu tout bouleverser. Sa fille Laurence, alors âgée de 12 ans, avait prévu une activité de vélo à l'école. Philippe s'y est rendu à titre de parent accompagnateur : « Toute la journée, j'ai géré des urgences au téléphone. À la fin de l'activité, j'étais déçu. Laurence se montrait contente, mais je savais bien que ça aurait pu être mieux. J'avais le sentiment d'avoir été là... sans vraiment en avoir profité. » L'homme de 42 ans évoque les répercussions de ce constat dans sa vie.

« J'avais deux filles magnifiques, j'étais en santé, je gagnais un salaire dans les six chiffres. Mais ma vie ne m'appartenait pas. Je savais que je devais opérer des changements majeurs. » - Philippe Isabelle

Une démarche réfléchie

Après des mois de questionnement, Philippe a décidé de faire le grand saut et de devenir entrepreneur. Mais le fait de s'établir à son compte lui a causé certaines craintes financières. « Ce n'était pas un coup de tête : j'avais un gros rythme de vie que je devais ajuster. Artax, c'est le fruit de toute une réflexion et d'un cheminement personnel. J'étais paré aux périodes plus tranquilles. J'ai accepté de piger dans mes REER pour investir dans ma carrière. J'ai fait une thérapie. J'ai trouvé les points de pression et les éléments que je voulais maîtriser, notamment la gestion de mon temps. J'ai émis clairement mon désir de me réaliser et j'ai admis l'impossibilité d'y parvenir dans les conditions qui étaient les miennes. Pour acquérir plus d'autonomie, je devais abandonner ma sécurité d'emploi. »

Pour se lancer à son compte, Philippe s'est tourné vers deux mentors qui l'ont conseillé. Il cite aussi un bel exemple de persévérance en la mère de sa nouvelle conjointe, qui s'est lancée en affaires à 42 ans et qui a connu une période de vaches maigres avant que son entreprise devienne prospère.

« J'ai dû rassurer ma fille Audrey, qui avait peur qu'on devienne ‟pauvres". Je lui ai dit : ‟On ne sera pas pauvres, mais pour un certain temps, on devra remettre en question nos dépenses et s'assurer qu'elles sont nécessaires, ou chères à notre coeur." Ça fait partie de l'éducation que je veux donner à mes filles. » - Philippe Isabelle

Philippe avoue que changer de rythme ne signifie pas travailler moins, mais différemment : « Je peux accompagner mes enfants à un rendez-vous, un lundi matin, et faire de la comptabilité un dimanche soir. Je gère mon temps. Et surtout, la prochaine fois que j'accompagnerai mes enfants à une activité, ce sera sans culpabilité. Je me serai organisé, mon cellulaire sera éteint, et je serai présent dans tous les sens du terme. »