Denis Shapovalov s’est fait très discret au cours des dernières années, alors que sa carrière semblait battre de l’aile. Dans une rare sortie médiatique, il s’est confié à La Presse sur son retour au jeu, la gestion de sa blessure et les raisons lui ayant permis de retomber amoureux de son sport.

La finale du tournoi de Miami entre Jannik Sinner et Grigor Dimitrov venait tout juste de prendre fin lorsque Denis Shapovalov a appelé votre journaliste.

Au moment où Sinner exprimait ses remerciements à la foule floridienne, le Canadien, lui, revenait sur une semaine somme toute positive passée dans le Hard Rock Stadium, domicile des Dolphins dans la NFL.

Au deuxième tour, Shapovalov s’est débarrassé aisément de la dixième tête de série, Stéfanos Tsitsipás, en deux manches de 6-2 et 6-4. Une première victoire significative contre un joueur très bien classé depuis son gain contre Taylor Fritz à Vienne en octobre 2022.

« Ça fait du bien », a lâché Shapovalov, juste après un entraînement sur la terre battue du tournoi de Houston.

« Je sens que je progresse. Surtout en battant un joueur du calibre de [Stéfanos] Tsitsipás en revenant de blessure. Mais de manière générale, j’ai bien joué au cours des dernières semaines. Même dans mes défaites, j’ai senti une progression. Je prouve que mon jeu s’améliore chaque semaine et physiquement, je reviens tranquillement à un état normal. »

PHOTO GEOFF BURKE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Denis Shapovalov a battu le Grec Stéfanos Tsitsipás au tournoi de Miami, mercredi dernier.

Un retour attendu

À Miami, mais aussi depuis le début de la saison, Shapovalov bouge mieux, il a l’air plus léger, plus explosif, et surtout, il frappe la balle avec beaucoup plus d’aplomb. Il est à des années-lumière de ce à quoi il ressemblait il y a un an à peine.

Mais le principal intéressé trouve l’exercice de comparaison difficile à faire. « Surtout que l’an passé, j’en arrachais avec mon genou, et mes problèmes n’étaient pas seulement liés au tennis, je ne me sentais pas bien physiquement. »

Et une fois blessé, Shapovalov est complètement sorti du radar. Sa présence sur les courts s’est faite rare et son classement, comme sa popularité, en a largement souffert.

Il n’a joué aucun match entre sa sortie au quatrième tour du tournoi de Wimbledon le 9 juillet 2023 et son retour au jeu à Auckland le 8 janvier. Il s’agissait de la plus longue absence en carrière du joueur de 24 ans.

Avant même sa blessure, on sentait le Canadien parfois démotivé et souvent à bout de ressources sur le terrain. La constance n’y était plus. Même l’œil du tigre lui ayant permis de bâtir une partie de son identité et de son ADN de joueur ne faisait plus la différence dans les points cruciaux.

Avec une blessure importante l’ayant tenu à l’écart pendant presque six mois, il aurait été logique d’assumer que son amour envers le sport l’ayant rendu célèbre se soit atténué pendant sa convalescence. Or, cette période d’accalmie aura été salutaire pour le vainqueur du tournoi de Stockholm en 2019.

« Ça m’a juste rendu plus affamé, plus désireux de vouloir revenir », admet-il. Et sa démonstration inspirée contre Tsitsipás, jumelée à des défaites étirées contre Alexander Bublik, Gaël Monfils et Lorenzo Musetti, est une preuve concrète de ce qu’il avance.

« Je suis sur le circuit depuis environ cinq ans et c’est assez intense, ça tire beaucoup de jus. Donc prendre un pas de recul a juste rallumé la flamme. Et je suis beaucoup plus reconnaissant de la vie que je mène. Et en tant qu’athlète, ça m’a rappelé à quel point une carrière ne dure pas longtemps. Alors je chéris beaucoup plus tout ça désormais. »

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Denis Shapovalov en action à Miami

Le classement comme une distraction

Avancer que Shapovalov n’a plus jamais été le même depuis sa défaite en demi-finale de Wimbledon en 2021 contre Novak Djokovic au compte de 6-7, 5-7 et 5-7 serait peut-être remuer le passé inutilement.

Cependant, pendant cette quinzaine, Shapovalov jouait comme le membre du top 10 qu’il a été en 2020. À son sommet, il peut probablement battre n’importe qui, ou à tout le moins rivaliser férocement avec les meilleurs joueurs du circuit.

Avec son rendement et son absence des derniers mois, le blondinet a dégringolé brutalement au classement. Il pointe désormais au 121e rang. Et la remarque lui a été faite.

« Je n’ai pas regardé le classement depuis que je suis revenu au jeu, dit-il en riant. Ce serait devenu un poison. »

Au moment de se blesser à Wimbledon, il figurait au 29e rang mondial et il ambitionnait un retour dans le top 20.

Shapovalov a toutefois remis les choses au clair : « Je ne pense pas que mon classement est un bon indicateur de mon niveau de jeu. J’ai été un joueur du top 20 presque toute ma carrière et c’est dans ce groupe que j’essaye de revenir. Je veux juste bien jouer, je me fous un peu d’où je me situe dans le classement présentement. »

Il considère toujours être en phase de rétablissement. Le tennisman refuse d’être trop sévère envers lui-même compte tenu de son historique récent. Reste que ses objectifs à court et à moyen terme se déclinent de deux façons : « Je veux être en santé et retrouver la touche. »

« J’aimerais tellement jouer une saison complète sans douleur, a-t-il ajouté sur un ton véritablement sincère. Si je n’ai aucun problème avec mon genou, ce sera un grand accomplissement. »

Shapovalov est conscient des détours que cette vilaine blessure lui aura fait prendre.

Tout le monde le dit : ce n’est pas facile de revenir d’une blessure importante, ça va en montagnes russes. Il faut être patient et surtout ne jamais cesser d’y croire.

Denis Shapovalov

Cette idée de ne jamais cesser d’y croire a été un thème récurrent au cours de l’entretien. Ça pourrait être un signe annonciateur d’un retour qui ne saurait tarder du Canadien dans le haut du classement mondial ou simplement dans les branches du tableau d’un tournoi important.

Shapovalov, devenu un chouchou du public québécois lors de cette fameuse soirée du 10 août 2017 lorsqu’il a triomphé de Rafael Nadal à la Coupe Rogers, s’en remet à son équipe, sa fougue naturelle, sa santé et son œil du tigre, capable de faire tomber le plus entêté des taureaux.

Certains refuseront de croire en un véritable retour tant et aussi longtemps qu’ils ne le verront pas, mais Shapovalov est porté par une seule ambition : « Aller le plus loin possible dans les tournois auxquels je participe. »

Et avec lui, nous ne sommes jamais à une surprise près.