Peu nombreux sont les joueurs dans les dernières années à avoir dominé le tennis masculin comme est en train de le faire Jannik Sinner. Pourtant, le jeune Italien semble faire peu de cas de son retentissant succès.

« Bonjour tout le monde. Joyeuses Pâques », a lancé le gagnant du Masters 1000 de Miami, dimanche, en tenant le pied de micro à deux mains au centre du Hard Rock Stadium, gêné comme un étudiant du primaire en pleine présentation orale.

Cette finale contre Grigor Dimitrov, remportée en deux manches de 6-3 et 6-1, ne passera certainement pas à l’histoire. Le gagnant, toutefois, a tout ce qu’il faut pour que les générations à venir parlent encore de lui.

Sinner n’a fait qu’une bouchée de son rival. Il a été presque parfait. Une classe de maître offerte à tous sur la manière de gérer une finale et, surtout, sur la façon de devenir une sommité dans son domaine.

Grâce à son troisième sacre de la saison, Sinner grimpera dès lundi au deuxième rang du classement mondial. Il devancera Carlos Alcaraz. Il n’y a pas si longtemps, on parlait de lui comme une vedette en devenir. Mais l’avenir, c’est maintenant.

Le génie d’adaptation

Tous les grands champions ont en commun la capacité de pouvoir s’adapter en plein match. Et Sinner ne fait pas exception à la règle.

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Jannik Sinner

Son début de rencontre a été fort surprenant. Meilleur retourneur sur le circuit, la sensation de 22 ans était incapable de remettre en jeu les services de Dimitrov. Même ses offrandes en deuxième balle. À ses deux premiers jeux en retour, il a été blanchi. En plus, son coup droit était désaccordé comme un piano à queue retrouvé au fond d’une épave.

Sinner s’enlignait pour baisser pavillon pour la troisième fois en quatre ans en finale à Miami.

Or, le gagnant des plus récents Internationaux d’Australie s’est ressaisi de belle façon. À la mi-manche, une fois Dimitrov brisé, il a retrouvé ses repères. Ses balles étaient plus longues, plus lourdes, et le revers à une main de son adversaire n’a pas résisté.

Par deux fois, Sinner a brisé Dimitrov à l’aide de passings. Ses patrons de jeu poétiques et variés ont sans doute été suffisants pour provoquer quelques larmes de satisfaction chez les partisans les plus puristes.

En première manche, Sinner a affiché un taux de réussite de 100 % sur le nombre de points gagnés en première balle. Il a complété la rencontre à 88 %. Il a offert une seule occasion de bris à son opposant.

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Jannik Sinner

Pas difficile de comprendre, en le voyant jouer, pourquoi il amorcera la saison sur terre battue avec une seule défaite à sa fiche.

« C’est vraiment un privilège de te regarder jouer, a dit Dimitrov en regardant Sinner. Mais ce l’est assurément moins lorsque je joue contre toi ! »

Le retour de Dimitrov

Peu d’amateurs devaient avoir le retour de Dimitrov dans le top 10 sur leur carte de bingo en 2024. Mais Baby Federer imite son modèle en devenant meilleur d’année en année.

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Grigor Dimitrov

Cette finale ne s’est sans doute pas déroulée comme il l’avait souhaité, mais il pointera au neuvième rang du classement lundi matin. Une première percée dans le top 10 pour le Bulgare depuis le 29 octobre 2018.

Avant son titre à Brisbane au début du mois de janvier, il n’avait ajouté aucun trophée à sa collection depuis la saison 2017.

Mais en mettant l’accent sur davantage de puissance et en faisant le nécessaire pour s’adapter à la rapidité et à la vitesse d’exécution des plus jeunes, l’athlète de 32 ans a réussi à vaincre Hubert Hurkacz (8), Carlos Alcaraz (1) et Alexander Zverev (4) coup sur coup pour accéder à la troisième finale de Masters 1000 de sa carrière.

Ce sont surtout ses fautes directes à certains moments clés, notamment sur le revers, ses deuxièmes balles et son incapacité à protéger son service en balle de bris qui lui ont nui dans sa quête d’aller chercher son 10e titre.

Entre deux chaises

Malheureusement pour l’ancien numéro trois mondial, sa carrière sera tombée entre deux chaises, d’une certaine manière.

Sa fougue de début de carrière aura été freinée par le monopole du Big Three et sa maturité de fin de carrière est insuffisante pour surpasser les jeunes loups ayant pris d’assaut le haut du classement.

Reste que les amateurs célébreront Dimitrov et se rangeront derrière lui pour le temps qu’il restera actif. Son style de jeu gracieux et son agilité à frapper des balles dans toutes les circonstances avec une aisance et une douceur déconcertantes font encore de lui l’un des favoris. Les encouragements à son égard sur le central ont forcé l’arbitre à intervenir à quelques reprises. Et les applaudissements l’ont empêché de démarrer son discours d’après-match.

Mais c’est Sinner qui a eu le dernier mot, sur le terrain et au micro.

L’Italien poursuit donc sur sa lancée. Même si, de son propre aveu, il a eu « des difficultés en début de tournoi », il a atteint une autre finale en 2024. Il s’est incliné avant le grand match lors d’un seul tournoi cette saison, à Indian Wells, il y a deux semaines, devant Alcaraz.

Son ascension vers le sommet s’est faite sans le moindre faux pas. Presque imbattable depuis l’automne, Sinner avait de la misère à célébrer après son tout dernier revers gagnant.

Probablement parce que le travail n’est pas encore terminé. La prochaine étape dans son cas est le sommet du classement et la place de numéro un mondial. Et est de bien mauvaise foi celui qui doute qu’il y parvienne avant longtemps.