Danielle Collins avait déjà annoncé en début d’année que la saison 2024 serait la dernière de sa carrière. Une décision qu’elle pourrait regretter, car l’athlète de 30 ans joue le meilleur tennis de sa vie.

À peu près personne n’aurait parié sur un triomphe de Collins au prestigieux Masters 1000 de Miami. Or, au bout d’un duel à l’arraché et surtout d’une quatrième balle de championnat, c’est elle qui a remporté le dernier point de la finale disputée contre Elena Rybakina dans le stade des Dolphins, samedi, au compte de 7-5 et 6-3.

Cette victoire est spéciale pour bien des raisons. D’abord, parce qu’elle survient en plein cœur de la tournée d’adieu de la championne. Désireuse de fonder une famille, Collins a choisi d’accrocher sa raquette dans les prochains mois. Ensuite, parce que Collins a remporté les grands honneurs dans son État natal de Floride. Elle est devenue la première Américaine depuis Sloane Stephens en 2018 à gagner le deuxième tournoi du Sunshine Double. Enfin, peu importe ce qu’il adviendra du reste de sa carrière, personne ne pourra lui enlever ce titre Masters 1000, son premier à vie.

Et c’est pourquoi personne ne l’attendait jusqu’en finale. Cinquante-troisième joueuse au classement mondial, Collins jouait en retrait depuis sa finale disputée aux Internationaux d’Australie en 2022. Elle avait seulement gagné deux titres sur le circuit WTA, lors de la saison 2021.

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Danielle Collins et Elena Rybakina

Elle avait la fâcheuse habitude de s’écraser face aux meilleures joueuses. Son jeu, moins poli que celui de ses plus importantes rivales, et son attitude, parfois difficile à gérer, lui ont nui dans son ascension vers les plus hauts sommets du tennis féminin. Plus tôt cette année, elle avait perdu deux fois face à Iga Świątek et une fois contre Rybakina, en huitièmes de finale à Abou Dhabi.

Impossible de savoir si c’est grâce à l’énergie du désespoir ou simplement à la qualité des frappes d’une joueuse de 30 ans arrivée à maturité, mais Collins a été gigantesque non seulement dans cette finale de plus de deux heures, mais aussi pendant toute la durée du tournoi.

« Ce tournoi a été le théâtre de nombreux défis, car j’ai joué contre certaines des meilleures joueuses au monde », a-t-elle reconnu avant de pouvoir enfin soulever son trophée.

Depuis le début de la quinzaine, elle a enfilé les victoires contre Anastasia Potapova (30), Elina Avanesyan, Sorana Cîrstea (19), Caroline Garcia (23), Ekaterina Alexandrova (14) et finalement Rybakina, qui avait gagné trois de leurs quatre affrontements précédents.

Dans les tranchées

Collins a fait le nécessaire pour l’emporter. Elle a été un monstre de précision, efficace au service avec 75 % de points gagnés en première balle, et ce, même si son faible taux de 45 % en deuxième balle l’a mise dans le pétrin à quelques reprises. Elle a surtout assuré dignement dans les moments cruciaux.

Sur les 21 jeux disputés au cours de la rencontre, neuf ont nécessité le bris d’égalité. Et c’est pendant ces neuf jeux que Collins a donné toute sa mesure. Conclusion surprenante, car elle faisait face à une championne de tournoi du Grand Chelem habituée de naviguer à travers ces moments de tempête. Sur les deux premières balles de bris auxquelles a fait face l’Américaine en première manche, elle a catapulté un as, suivi d’un service gagnant. Deux fois sur le coup droit de Rybakina, véritable faiblesse de la Kazakhe dans le match, qui a connu des hauts et des bas en retour de service. Collins en a sauvé deux autres sur le même jeu.

La championne, loin d’être nécessairement impeccable, a gagné son troisième titre en carrière principalement en gardant la tête froide dans les longs échanges et en survivant aux nombreuses balles de bris. Elle en a notamment sauvé trois lors du septième jeu de la deuxième manche pour faire 4-3. Et deux lors de sa dernière séquence au service pour le championnat.

En même temps, sa rivale l’a presque laissée filer vers la victoire en perdant 10 des 11 balles de bris lui ayant été servies.

Le retour de Rybakina

Cela n’enlève rien au mérite de l’ancienne double championne nationale à l’Université de Virginie, mais son opposante n’a pas été l’ombre d’elle-même lors de cette finale.

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Elena Rybakina

Rybakina a fait des pieds et des mains pour atteindre cette finale en éliminant María Sákkari (8) et Victoria Azarenka (27) en quarts de finale et en demi-finale.

La championne de Wimbledon en 2022 a peiné en entame de match. Elle s’est mise à être plus agressive, à monter davantage au filet et à mieux construire ses points seulement au milieu de la première manche. Pendant ce temps, portée par toute sa motivation et son momentum, Collins était déjà en rythme et le retard a été impossible à rattraper.

Rybakina a craqué sur la troisième balle de bris à laquelle elle a fait face dans le dernier jeu de la manche pour offrir à Collins un avantage marqué dont elle n’aura jamais su se remettre.

En deuxième manche, la quatrième raquette mondiale était méconnaissable en retour de service et son efficacité sur les revers n’avait rien à voir avec son taux de réussite habituel. Son accumulation d’erreurs évitables et son manque de repères techniques lui ont été fatals.

Favorite vaincue

Finaliste à ce même tournoi l’année dernière, Rybakina était pourtant la favorite pour remporter ce match. Ç’aurait été son troisième triomphe de l’année après des victoires à Brisbane et à Abou Dhabi.

Il s’agissait déjà de la quatrième finale en 2024 pour l’athlète de 24 ans.

Ça montre que j’ai de la constance dans mon jeu. Surtout d’être en finale ici deux années de suite.

Elena Rybakina

Malgré tout, les derniers mois ont été complexes pour Rybakina. Elle a été blessée à un bras à la fin de la dernière saison et des problèmes à l’estomac l’ont forcée à déclarer forfait lors des tournois de Dubaï et d’Indian Wells dans les dernières semaines. On ne saura jamais si elle était à 100 % pour cette finale floridienne, mais une victoire lui aurait certainement permis de revenir sur le radar des amateurs de tennis.

Il y a un an à peine, le Big Three féminin semblait cimenté avec les succès d’Iga Świątek, d’Aryna Sabalenka et de Rybakina. Cependant, un ralentissement de la Kazakhe ainsi que des conflits avec les organisations de certains tournois et l’ascension des Américaines Coco Gauff et Jessica Pegula l’ont un peu sortie du portrait.

Rybakina est sur une belle lancée et une autre présence en finale ne nuira certainement pas pour concrétiser son retour. Il faudra néanmoins quelque temps pour confirmer qu’elle est réellement en santé, et surtout, capable d’assurer de nouveau dans les plus grands évènements du circuit.