(Toronto) Il fallait avoir des nerfs d’acier, et rien de prévu en soirée, pour tenir du début à la fin dans le match de jeudi soir entre Carlos Alcaraz et Hubert Hurkacz.

Le nombre de fois où cette rencontre de troisième tour aurait pu basculer est presque incalculable. C’est souvent le genre de duel auquel on a droit entre deux joueurs du top 20.

La différence entre des athlètes de ce calibre est minime. Impossible à voir à l’œil nu. Justement, ce sont dans ces détails perceptibles seulement au microscope que se trouvent les raisons pour lesquelles Alcaraz est sorti gagnant de ce duel de 2 h 38 en trois manches de 3-6, 7-6 (2) et 7-6 (3). Il retrouvera Tommy Paul en quart de finale.

Le match a emprunté mille et une directions. C’est pourquoi il a été le plus enlevant depuis le début du tournoi torontois.

C’est comme si cet affrontement, à l’instar d’un bon bouquin, pouvait et devait se raconter par chapitres.

Dans le premier, Alcaraz a échappé sa première séquence au service pour tirer de l’arrière 3 à 0 d’entrée de jeu.

PHOTO MARK BLINCH, LA PRESSE CANADIENNE

Carlos Alcaraz

Dans le deuxième, Alcaraz a encore perdu son service lors de son premier jeu en deuxième manche, avant de briser à son tour Hurkacz le jeu suivant.

Dans le troisième, au premier bris d’égalité, Alcaraz a été sans reproche pour voler la deuxième manche.

Dans le quatrième, une avance confortable de 5 à 2 pour l’Espagnol a été détruite par un relâchement au service et une détresse au coup droit du meneur.

Dans le dernier, un bris d’égalité pendant lequel le joueur d’à peine 21 ans a usé de toute son expérience pour arracher la victoire.

Sur la page couverture, le gagnant, accroupi, les poings serrés, criant de joie et de soulagement en direction de son équipe.

En un claquement de doigts

Dans tous les matchs impliquant le plus récent champion de Wimbledon, ses adversaires sont bien au fait que le jeune prodige peut changer l’allure d’un match en un seul coup de raquette.

Malheureusement pour le pauvre Hurkacz, cette tendance n’a pas fait exception dans cette joute disputée dans un climat relativement frisquet.

Le 17joueur mondial servait pour rester en vie, à 4-2. Il s’est toutefois retrouvé en situation de balle de bris. Sur ce jeu, après quelques échanges de placement, il a poussé sa balle dans le fond du terrain, à la droite d’Alcaraz.

Ce dernier était dans l’autre moitié du terrain, mais il a quand même réussi à atteindre la balle, du bout de la raquette. Et avec un seul coup de poignet, il a envoyé sa balle de l’autre côté du filet, en croisé, sous le regard impuissant de Hurkacz.

« Ça, c’est le coup d’un champion », a hurlé une placière bénévole derrière nous. Placière à la voix hautement perchée dont l’amour et le dévouement pour l’Espagnol étaient sans équivoque, autant que ceux de Popa pour ses vidanges. N’empêche qu’elle avait raison.

Le point était complété et Alcaraz avait le bris. Il venait de faire ce qu’il sait faire le mieux. Il s’est tourné vers son clan. La foule a rugi. Et c’était le début de la fin pour Hurkacz.

Hurkacz rate sa chance

Rares, très rares sont les matchs où un joueur a le luxe de briser la première raquette mondiale à quatre reprises. Dont deux fois en entame et deux fois en fin de manche. Quatre moments clés, dont Hurkacz n’a pas été en mesure de profiter.

Alcaraz a été impérial au service en troisième manche, lorsque ça comptait le plus. À ses trois premières séquences au service, il n’a donné aucun point à son rival. Ainsi, Hurkacz aurait dû profiter de ses quatre bris, mais en vain. C’est comme s’il avait escaladé une montagne accidentée pendant près de trois heures, et que juste avant d’arriver, il avait mis le pied sur un caillou l’ayant fait dégringoler.

PHOTO JOHN E. SOKOLOWSKI, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Hubert Hurkacz

Il quitte Toronto alors que son tombeur progresse dans le tableau.

Hurkacz, par sa timidité et sa discrétion, a été incapable de surfer sur l’ambiance qui régnait au stade Sobeys. Même si les « Vamos Carlos » ont joué comme des partitions de Paul Piché le jour de la fête nationale, quelques « Come on Huby » moins nombreux, mais sentis, ont jailli.

Le central était enflammé de drapeaux espagnols jaune et rouge et Alcaraz en demandait encore. Ses fidèles aussi. Grâce à leur soutien indéfectible depuis le début de la semaine, il est parvenu à les convier à une autre grande messe, vendredi.

Andy Murray se retire une minute avant son match

L’ambiance était délirante et la soirée était bien lancée sur le central, jeudi. Juste après le spectacle offert par Carlos Alcaraz et Hubert Hurkacz, la deuxième partie assurée par Andy Murray et Jannik Sinner était sur le point de s’amorcer. Et elle promettait. Jusqu’à ce qu’Andy Murray se pointe sur le central, mais en coton ouaté, la mine basse. Et il s’est emparé du micro du maître de cérémonie. Il venait annoncer aux spectateurs qu’il n’allait pas être en mesure de disputer son match en raison d’une tension abdominale. « J’ai eu le même genre de problème l’année dernière au tournoi de Stuttgart, juste avant Wimbledon, ce qui m’avait forcé à rater le tournoi de Queen’s, mais j’ai été en mesure de jouer à Wimbledon », a-t-il expliqué, visiblement déçu. Le joueur de 36 ans a poursuivi : « Ça m’avait pris environ 10 à 12 jours avant de me sentir bien à nouveau. Ce n’est pas si pire que ça, mais il y a un danger que ça empire si je joue. » Il a conclu en disant : « Je suis vraiment désolé. Merci à tous. » Avant de quitter le terrain, il a signé toutes les balles qu’il avait sous la main pour faire plaisir, au minimum, aux amateurs présents.