Il fallait éviter de tomber dans le piège après les Internationaux des États-Unis de 2021. Leylah Fernandez est peut-être retombée de son piédestal, mais c’était à prévoir. Heureusement, à 20 ans, il y a encore tant à faire.

Fernandez a vécu un véritable conte de fées l’année dernière. Dans ce court métrage dans lequel elle tenait le rôle principal, elle a goûté pour la première fois à la gloire et au prestige.

À 19 ans, elle a atteint la finale des Internationaux des États-Unis en faisant tomber ses rivales comme si elle seule avait la recette pour gagner.

Cette force de caractère et sa personnalité lui ont valu l’attention du monde entier. Après qu’elle fut passée de la 73e à la 24e place du classement mondial en quelques semaines seulement, les attentes à son égard ont également augmenté.

Ce n’était pas sans rappeler l’épisode d’Eugenie Bouchard après son parcours historique à Wimbledon en 2014. Elle avait atteint la finale, à 20 ans, en plus de percer le top 5 quelques semaines plus tard. Cependant, depuis, Bouchard est en déclin et n’a jamais retrouvé sa magie d’antan.

Les amateurs québécois refusaient que l’histoire se répète.

Il aurait été de mauvaise foi, croit Valérie Tétreault, de croire que Fernandez allait atteindre automatiquement une autre finale de tournoi du Grand Chelem dès cette année. D’autant plus que les tendances sont constamment changeantes dans le monde du tennis féminin.

« Je ne voyais pas nécessairement Leylah dans le top 10, estime la directrice de l’Omnium Banque Nationale en repensant à cette année 2022. Déjà, c’est très bien, ce qu’elle a réussi à faire pour se maintenir dans l’élite et gagner un tournoi WTA. Le but, c’est de sentir que son jeu continue de progresser. »

Même si elle a moins fait les manchettes, Fernandez a tout de même accroché un titre, à Monterrey en février, en plus d’avoir atteint le 13e rang mondial, un sommet en carrière. Elle a cependant perdu beaucoup de points en raison de sa contre-performance à New York en septembre.

Éviter le tourbillon

Avec la montée en flèche de Fernandez, Tétreault a rappelé que la joueuse a dû gérer beaucoup d’impondérables à l’extérieur du terrain. De l’inconnu pour elle et sa famille. Les contrats de publicité et de représentation se sont succédé, et sans pour autant avancer que ça lui a nui, le fait que tout arrive subitement, « ç’a été plus d’ajustements que pour Félix [Auger-Aliassime], disons ».

En revanche, la Québécoise se retrouve dans une situation beaucoup plus souhaitable que celle de la joueuse qui l’a battue en finale aux Internationaux des États-Unis, Emma Raducanu.

La Britannique de 20 ans a paraphé des ententes extrêmement lucratives avec des marques de renommée internationale, mais elle est en chute libre depuis. Elle est actuellement au 75rang mondial, elle change constamment d’entraîneur et elle n’a gagné aucun tournoi en 2022.

Hugues Léger, nouveau directeur général de Tennis Montréal, a longtemps travaillé dans le domaine du marketing et il reconnaît que « c’est normal que tu tires profit des offres qui te sont données quand l’occasion s’y prête, parce qu’on ne sait jamais combien de temps ça durera ». De son point de vue, contrairement à sa contemporaine, Fernandez est parvenue à éviter le piège, notamment parce qu’elle a continué de bien performer.

Andréanne Martin, directrice générale de Tennis Québec, insiste aussi sur le fait que le marché britannique dans lequel évolue Raducanu est sans pitié : « Ce qu’elle doit vivre, c’est quand même incroyable. Ils ont vraiment un énorme star-système, donc la pression là-bas, c’est fou ! »

Le modèle parfait

Fernandez détonne non seulement grâce à son jeu, mais aussi en raison de tout ce qu’elle représente. En tant que femme, issue d’une minorité, qui a un bagage d’origines diverses et qui parle trois langues, elle est ce que Tennis Montréal tente de promouvoir. Le tennis est pour tout le monde et la gauchère en est l’exemple parfait, affirme Léger.

Il constate néanmoins que la tâche est moins colossale qu’on pourrait le croire, parce que le portrait est déjà encourageant : « Si tu regardes les jeunes qui s’entraînent ici, dit-il en montrant les joueurs s’échangeant des balles sur les terrains intérieurs du stade IGA, tu as une diversité qui est parfaite et qui se compare même à celle du soccer. C’est déjà implanté au tennis. C’est un sport inclusif, ouvert d’esprit et qui promeut la diversité. »

L’histoire de Bianca Andreescu, qui est arrivée de la Roumanie à un jeune âge, est un autre cas inspirant. Comme ce ne sont pas les influences qui manquent, les têtes pensantes du tennis québécois sont optimistes pour la suite.

Si Fernandez peut rester loin de l’infirmerie, il pourrait y avoir plusieurs occasions de se réjouir en 2023. Surtout s’il s’agit du début de quelque chose d’encore plus grand pour les générations futures.