Il a tout. Un peu de Nadal, un peu de Federer et un peu de Djokovic. Carlos Alcaraz a le monde du tennis à sa portée. Il a surtout tout le temps du monde devant lui. Comme lorsque Simba a été présenté par Rafiki, le nouveau roi est maintenant connu et respecté de tous. À 19 ans, l’héritier trace déjà son chemin vers le trône.

Il suffit d’être attentif à un seul point ou à un seul échange d’Alcaraz pour être impressionné et séduit. Le tennis a un nouveau visage et c’est le sien. Une bouille d’adolescent qui doit déjà vivre avec une tonne de pression, parce qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.

À l’instar de l’homme-araignée, le jeune Espagnol doit apprendre à négocier chaque jour avec ses dons innés, ce cadeau du ciel qu’il doit aujourd’hui déployer et qui lui sert si bien jusqu’à maintenant.

Alcaraz est le phénomène dont tout le monde parle sur le circuit de l’ATP depuis le début du printemps. Son talent est gargantuesque et sa destinée est imprévisible, mais illimitée.

Il a célébré son 19anniversaire le 5 mai dernier. Le lendemain, il s’est offert Rafael Nadal, en trois manches, chez eux, en quart de finale du tournoi de Madrid, sous le regard attentif du roi d’Espagne. « Je ne peux pas me plaindre. Avoir quelqu’un comme lui, de mon pays, qui accomplit autant de choses […] », a expliqué Nadal après sa défaite.

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Carlos Alcaraz et Rafael Nadal

Le lendemain, il a marqué l’histoire en battant Novak Djokovic. Voilà 41 Grands Chelems passés dans le tordeur. Il est devenu le premier joueur à battre Nadal et Djokovic dans le même tournoi, sur terre battue. « Il maîtrise très bien ses émotions. Malgré son âge, il joue de manière très mature. Il est courageux, il est impressionnant. Il méritait de gagner », a révélé le numéro un mondial après le match.

Il a conclu sa semaine en Espagne avec une victoire convaincante et sans équivoque contre Alexander Zverev. « Actuellement, tu es le meilleur joueur au monde. C’est génial pour le tennis d’avoir une nouvelle vedette qui va gagner plein de Grands Chelems et qui va être numéro un », a lancé l’Allemand en direction d’Alcaraz lors de la cérémonie d’après-match.

Il s’agissait de son 4e titre cette saison, après ceux de Barcelone, de Miami et de Rio. Il y a un an, il était 94e au classement mondial. Aujourd’hui, il est au 6e rang et fait partie des plus sérieux prétendants pour remporter le tournoi de Roland-Garros.

« Il est nouveau, il est jeune et toutes les nouvelles choses sont beaucoup plus intéressantes que les vieilles choses », a déjà dit Nadal au sujet de son compatriote.

L’enfant qui a appris

Il était clair que la génération dorée composée de Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic allait faire des petits. C’était inévitable.

Les joueurs de la nouvelle garde ont grandi en regardant ces ténors du tennis. Daniil Medvedev, Alexander Zverev et Stefanos Tsitsipas ont tous appris à jouer en regardant ces trois géants. Toutefois, du lot, c’est Alcaraz qui a le mieux assimilé les standards imposés par le Big Three. Il est parvenu à s’inspirer de leur jeu et à tirer le meilleur de chacun d’entre eux pour son profit personnel.

Les comparaisons avec Nadal sont évidentes. Les deux sont espagnols, des prodiges sur la terre battue et ils ont ce même désir de vaincre. Cependant, réduire l’analyse de son jeu en le comparant uniquement à Nadal serait simpliste, voire réducteur.

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Carlos Alcaraz, lors de son match de finale face à Alexander Zverev au tournoi de Madrid

Alcaraz a la passion, le caractère, la hargne, la puissance et l’explosivité de Nadal. En revanche, il a aussi la fluidité, la précision, le jeu de jambes, la variété de coups et la vision de Federer. Il a aussi l’endurance, la forme physique, le jeu en fond de terrain, la défense et la souplesse de Djokovic.

Mettez tous ces éléments ensemble et vous obtiendrez quelque chose comme un grand joueur. Quelque chose comme Carlos Alcaraz.

Un destin unique

Alcaraz a commencé à jouer au tennis à l’âge de 4 ans, grâce à son père. Depuis, sa vie est un feu roulant.

Il travaille depuis plus de quatre ans avec Juan Carlos Ferrero, ancien numéro un mondial et gagnant de Roland-Garros. « Il va sur le terrain et il pense qu’il peut gagner, peu importe contre qui il joue. Ce qui est une très bonne chose. […] Il est très dynamique et il peut jouer sur toutes les surfaces », avait-il précisé lors d’un entretien avec l’ATP en 2021.

En janvier 2020, Alcaraz avait eu la chance d’être le partenaire d’entraînement de Rafael Nadal avant les Internationaux d’Australie. Nadal disait de ce jeune inconnu qu’il était « vraiment bon » et qu’il avait « tout ce qu’il [fallait] pour réussir ».

Il a fait le saut sur le circuit de l’ATP, en février 2020, à Rio de Janeiro. À la fin de la saison, il a été sacré recrue de l’année.

Au début de la saison 2021, il avait comme objectif de terminer l’année parmi les 50 meilleurs joueurs au monde.

En mars 2021, après un match contre Zverev à Acapulco, l’Allemand avait lui aussi prédit un brillant avenir à l’Espagnol : « Il a 17 ans et tout le monde parle de lui. Il joue du tennis incroyable. Je pense qu’il va être parmi les 10 premiers d’ici 2024. »

Il a gagné son premier titre en Croatie, quelques mois plus tard, en juillet. Puis, il a atteint les quarts de finale aux Internationaux des États-Unis en septembre, battant ainsi une pléthore de records et en établissant plusieurs marques pour un jeune de 18 ans à ses débuts en Grand Chelem.

Il a terminé la saison en gagnant le tournoi NextGen, réservé aux meilleurs joueurs de 22 ans et moins. Il a finalement conclu l’année au 32rang mondial.

Roland-Garros est son tournoi favori. Il ne s’en cache pas. Carlos Alcaraz a deux souhaits et il ne s’en cache pas non plus : devenir numéro un mondial et gagner un Grand Chelem. Le premier sera difficile à réaliser cette année, mais le second est réaliste. La scène serait sublime, à la porte d’Auteuil. Voir un nouveau champion gagner dans son nouveau chez-soi, parce que désormais, le monde lui appartient.