Un roman-savon que l’on croyait interminable… et pourtant. Près de deux semaines après le début de la controverse entourant l’arrivée de Novak Djokovic en sol australien et l’annulation de son visa par la douane locale, le juge a tranché dimanche matin : le Serbe est expulsé et il ne pourra donc pas prendre part aux Internationaux d’Australie.

Novak Djokovic a atterri à Dubaï après avoir été expulsé d’Australie au terme d’une bataille judiciaire sur son statut vaccinal, a constaté lundi une journaliste de l’AFP qui avait embarqué à bord du même avion.

Le numéro un du tennis mondial a quitté l’avion avec deux sacs et un masque, après avoir atterri à l’aéroport international de Dubaï à 5 h 32 heure locale (1 h 32 GMT).

Il avait quitté Melbourne avec ses entraîneurs à 22 h 51 (11 h 51 GMT), sans que l’on sache quelle serait sa destination finale.

« Je suis extrêmement déçu de la décision de la Cour de rejeter mon appel de la décision du ministre d’annuler mon visa, écrit Djokovic dans un communiqué. Je respecte la décision de la Cour et je vais coopérer avec les autorités compétentes en ce qui concerne mon départ du pays. »

Le gouvernement australien s’est félicité du rejet par la Cour du recours de Djokovic, contre l’annulation de son visa et son expulsion.

« La politique ferme de protection des frontières de l’Australie nous a maintenus en sécurité pendant la pandémie » de COVID-19, a affirmé le ministre de l’Immigration, Alex Hawke, dans un communiqué. « Les Australiens ont fait de grands sacrifices pour en arriver là et le gouvernement Morrison est fermement décidé à protéger cette position », a-t-il ajouté.

C’est lors du deuxième procès en une semaine du meilleur joueur au monde que la cour a finalement pris la décision de l’expulser. « La Cour ordonne que le recours soit rejeté aux frais du demandeur », a simplement déclaré le président de la Cour James Allsop.

« Je vais maintenant prendre du temps pour me reposer et récupérer », a ajouté le joueur. Sa carrière, au moins en Australie, pourrait traîner longtemps ce revers : une annulation de visa est assortie d’une interdiction de trois ans de territoire australien.

D’office, le juge assigné a expliqué que le dossier était important et que ça concernait la « conservation de la vie et de la santé de la communauté. »

Au cours du procès, qui a duré de longues heures, les avocats du clan Djokovic ont plaidé le fait que depuis le début de la controverse, il n’y avait pas eu de débordements ou de manifestations antivax ingérables. Ils ont aussi appuyé leur discours sur le fait que les partisans du Joker étaient modérés et que le gouvernement, ainsi que les organisateurs du tournoi, ne devaient pas craindre pour l’ordre public.

La présence du champion n’a jamais provoqué de problèmes dans les autres tournois auxquels il a participé auparavant, a soutenu son clan. L’avocat principal de Djoko a aussi expliqué que si son client était expulsé, ça motiverait encore davantage les foudres des gens s’opposant au vaccin et que la paix pourrait être menacée. Ainsi, garder Djokovic en Australie maintiendrait l’ordre.

Toutefois, de nombreuses vidéos et beaucoup de témoignages ont circulé sur le fait que des partisans de groupes antivax ont organisé des manifestations assez revendicatrices au cours du week-end, inscrivant donc en faux les propos de l’avocat de Djokovic.

PHOTO LOREN ELLIOTT, REUTERS

Des partisans de Novak Djokovic écoutent son audition à la radio devant les bureaux des avocats du joueur serbe, à Melbourne.

L’avocat du gouvernement australien, Stephen Lloyd, a bien expliqué la situation, ainsi que le contexte, et a misé particulièrement sur ce qui, ultimement, pose un problème : le fait que Novak Djokovic ne soit pas vacciné. M. Lloyd a rappelé et a mis en lumière des propos que Djokovic a tenus, notamment dans différents médias, qui s’opposaient au vaccin et à la pandémie, avant même qu’un premier vaccin ait été développé et mis en marché.

Plusieurs ont craint que des débordements et des affrontements aient lieu si le Serbe était resté en Australie. Selon un sondage du média australien The Age paru samedi, 71 % des Australiens ne voulaient pas que l’athlète demeure au pays, considérant son statut. Et 14 % ont répondu qu’il devait jouer et 15 % se sont abstenus de répondre à la question.

Rappel des faits

Depuis le début de la pandémie, Novak Djokovic a toujours refusé de confirmer ou d’infirmer le fait qu’il était vacciné. Il y a plusieurs mois, lorsque les organisateurs des Internationaux d’Australie ont décidé que tous les joueurs allaient devoir être vaccinés pour jouer, tout le monde s’est dit que le Serbe n’aurait finalement pas le choix de recevoir ses doses. Par contre, début janvier, Djokovic a reçu une dérogation médicale de la part du tournoi pour pouvoir participer au tournoi sans être vacciné. Il n’en fallait pas plus pour soulever un immense tollé en Australie et sur la planète tennis.

Ainsi, il y a plus d’une semaine, celui qui a remporté 20 titres grand chelem est débarqué à l’aéroport de Melbourne, mais la douane a refusé de le laisser passer. Elle a annulé son visa, parce que selon la loi australienne, tous les visiteurs doivent être vaccinés.

Le clan de Djokovic a donc fait appel et l’athlète de 34 ans a été mis en isolement dans un hôtel de Melbourne, le temps que son dossier passe devant la cour australienne. Lundi, le juge Anthony Kelly a décidé que le Serbe avait le droit de disputer les Internationaux d’Australie, selon certaines conditions.

PHOTO MIKE FREY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Djokovic a donc pu s’entraîner, comme les autres joueurs, jusqu’à ce que les choses se corsent, mercredi soir, lors du tirage et du dévoilement du tableau principal. La diffusion en direct était bien commencée, les organisateurs avaient placé chaises et tables pour accueillir les responsables du tournoi, mais la diffusion a soudainement pris fin. Sans explication. Il n’a fallu que quelques secondes pour que Twitter s’enflamme. Surtout que les autorités gouvernementales ont annoncé une conférence de presse du premier ministre australien au même moment. Il ne s’agissait toutefois que d’une banale mise au point sur l’état des lieux et de la progression de la pandémie en Australie. Le tirage a donc eu lieu quelques heures plus tard et Novak Djokovic figurait en haut du tableau, comme première tête de série.

Djokovic aurait pu décider lui-même de se retirer du tournoi avant le dévoilement du tableau principal. Chose qu’il n’a pas faite. Il y a eu des signes annonciateurs plus tôt dans la journée, toutefois, que Djoko n’allait finalement pas pouvoir prendre part au tournoi. Son entraînement qui devait durer deux heures a été arrêté de manière impromptue après seulement 30 minutes.

Par contre, comme nous n’en étions pas à un rebondissement près dans cette histoire, le ministre de de l’Immigration de l’Australie, Alex Hawke, a à nouveau annulé le visa de Djokovic vendredi, une décision qu’il a prise dans « l’intérêt du public ».

Le fiasco australien de Djokovic fait au moins un heureux, l’Italien Salvatore Caruso (150e mondial) qui, profitant de son statut de « lucky loser » (éliminé en qualifications, mais repêché grâce à ce forfait), va le remplacer dans le tableau principal.

« C’est une situation un peu particulière d’être en ce moment le “lucky loser” le plus célèbre de l’histoire », a-t-il constaté.

Avec Agence France-Presse

Le communiqué de Novak Djokovic

Voici le texte intégral du communiqué de Novak Djokovic après le rejet dimanche par la Cour fédérale australienne de son recours contre l’annulation de son visa :

« Je voudrais faire une brève déclaration pour évoquer l’issue de l’audience d’aujourd’hui devant la Cour [fédérale australienne]. Je vais maintenant prendre du temps pour me reposer et récupérer, avant de faire d’autres commentaires que ce qui suit.

Je suis extrêmement déçu par la décision de la Cour de rejeter mon recours après la décision du ministère de l’Immigration d’annuler mon visa, ce qui signifie que je ne peux pas rester en Australie et que je ne peux pas participer aux Internationaux d’Australie.

Je respecte la décision de la Cour et je coopérerai avec les autorités compétentes concernant mon départ du pays.

Cela me met mal à l’aise que l’attention ait autant été portée sur moi ces dernières semaines, et j’espère que nous pouvons désormais tous nous focaliser sur le jeu et le tournoi que j’aime. Je voudrais souhaiter bonne chance aux joueurs, aux responsables du tournoi, aux employés, bénévoles et spectateurs pour ce tournoi.

Enfin, je voudrais remercier ma famille, mes amis, mon équipe, mes supporters, mes fans et mes compatriotes serbes pour leur soutien permanent. Vous avez tous été une grande source de force pour moi ».