Au contraire du vélo, de l'athlétisme et du baseball, le tennis n'a jamais été éclaboussé par le dopage de l'une de ses vedettes. Depuis 2005, aucun joueur du top 50 n'a été suspendu pour dopage. Mais sport professionnel oblige, le doute subsiste. D'autant plus que deux joueurs de l'élite mondiale viennent tout juste d'avoir des ennuis avec les règles antidopage.

«Je pense [que le tennis est propre]. Je suis propre, alors je pense et j'espère que mon sport est propre», a affirmé le Français Benoît Paire, 27e raquette mondiale, qui participe cette semaine à la Coupe Rogers.

Les autorités du tennis, qui utilisent le laboratoire de l'INRS à Montréal pour la grande majorité des tests antidopage au tennis, affirment qu'elles font le maximum pour épingler les tricheurs. Les meilleurs joueurs au monde sont contrôlés une dizaine de fois pendant la saison qui dure 11 mois, et on vient tout juste d'introduire le passeport biologique.

«La seule façon d'avoir un sport propre, c'est d'avoir un programme antidopage efficace, et nous faisons tous les efforts possibles pour combattre le dopage», a souligné le Dr Stuart Miller, responsable du programme de lutte antidopage de la Fédération internationale de tennis (ITF), en entrevue à La Presse.

Tous n'en sont toutefois pas convaincus. L'ancien président de l'Agence mondiale antidopage, l'avocat montréalais Richard Pound, doute que le dopage soit seulement anecdotique au tennis. «Est-ce que tous les joueurs de tennis utilisent des drogues? Non. Plusieurs d'entre eux? Oui», a-t-il indiqué à La Presse par courriel.

Deux joueurs parmi l'élite mondiale font toutefois la manchette ces temps-ci avec une histoire liée au dopage. Le Croate Marin Cilic, 15e au monde, a choisi de ne pas participer à la Coupe Rogers. Selon les médias européens, il aurait échoué à un test antidopage pour son niveau de glucose - une information non confirmée par les autorités. Le Serbe Viktor Troicki, 56e au monde, a été suspendu 18 mois pour avoir refusé de se soumettre à un test sanguin à Monte-Carlo. Les deux joueurs feront appel de leur suspension. Troicki fait notamment valoir qu'il avait compris qu'on lui permettait de faire le test le lendemain.

En 2012, l'ITF a fait un peu plus de 2000 contrôles antidopage, dont 10 % sous forme sanguine. Selon les chiffres cités par le site web français Rue89, l'ITF a fait 216 tests antidopage à l'extérieur des tournois, soit 26 fois moins qu'en cyclisme (5650 tests). La saison de tennis a toutefois cette particularité: elle dure 11 mois, offrant peu de temps morts pour les tests hors compétition.

Le président de l'ITF, Francesco Ricci Bitti, a déclaré plus tôt cette année que «le tennis est un sport où le dopage n'a pas un impact direct sur la performance». Mais plusieurs joueurs sont néanmoins en faveur d'une hausse du nombre de tests. L'an dernier, le Suisse Roger Federer avait indiqué "être moins testé qu'il y a six ou sept ans» et suggérait une augmentation du nombre de tests. C'est aussi l'avis de Benoît Paire. «J'accepterais volontiers d'être testé encore davantage», a-t-il dit.

«Je ne pense pas qu'il y ait une épidémie de dopage au tennis, affirme Christiane Ayotte, directrice du laboratoire de dopage sportif de l'INRS à Montréal. Je n'ai pas vu de raison pour soupçonner [une vague de dopage]. Il y a des tests à tous les tournois, la saison dure 11 mois, et on sait où sont les joueurs chaque jour. En cyclisme, on voyait des sous-tendances de dopage avec les tests, mais je ne vois pas la même chose au tennis.»

Le passeport biologique, introduit cette année au tennis, permettra aux autorités de détecter le dopage en examinant les changements dans le sang des athlètes.

Les tests ont leurs limites

Les cas d'Alex Rodriguez, au baseball majeur, et de Lance Armstrong, en cyclisme, démontrent toutefois les limites des tests antidopage. «Les tests sont seulement efficaces quand tout le monde impliqué veut qu'ils le soient, dit Richard Pound. Le dépistage est trop souvent une question de chiffres. On fait beaucoup de tests sans être certains qu'ils soient efficaces.»

Soit, le tennis n'a été éclaboussé par aucun scandale de dopage d'envergure. Mais les autorités du tennis rejettent catégoriquement toute allégation de favoritisme. «Toutes proportions égales, les meilleurs joueurs au monde sont plus contrôlés que les autres, dit le Dr Stuart Miller, de l'ITF. Nous avons détecté le dopage chez des joueurs comme Richard Gasquet, ex-cinquième mondial [sa suspension avait été annulée par le tribunal d'arbitrage], Martina Hingis, ex-numéro un mondiale, et Mariano Puerta, finaliste à Roland-Garros en 2005.»

Avec Libération