(Madrid) « Je veux qu’on se souvienne de moi comme d’une personne qui a voulu hisser l’Espagne au sommet, mais surtout comme d’une personne qui a essayé de changer les mentalités », a déclaré la footballeuse espagnole Jenni Hermoso dans sa première entrevue depuis l’affaire du baiser forcé.

Devenue malgré elle un symbole mondial dans la lutte pour l’égalité homme-femme après avoir été embrassée de force par l’ex-patron du foot espagnol Luis Rubiales lors du sacre mondial de la Roja le 20 août dernier, Jenni Hermoso a été élue femme de l’année 2023 par l’édition espagnole du prestigieux magazine américain GQ.

Elle y revient dans une longue entrevue sur cet épisode « difficile » qu’elle dit avoir réussi à surmonter grâce à l’aide d’une psychologue.

« J’ai dû assumer les conséquences d’un acte que je n’ai pas provoqué, que je n’ai pas choisi ni prémédité. J’ai même reçu des menaces, et c’est une chose à laquelle on ne s’habitue jamais », explique la joueuse de 33 ans, qui a porté plainte pour « agression sexuelle » contre Luis Rubiales.

Les actes de l’ex-président de la Fédération espagnole de football, qui a fini par démissionner après des semaines à tenter de justifier ce qu’il présentait comme « un petit bisou consenti », ont provoqué une onde de choc internationale.

Et les joueuses espagnoles, qui ont fait grève pour soutenir leur coéquipière en réclamant des changements immédiats au sein de leur fédération, ont reçu le soutien de nombreuses personnalités du monde sportif et culturel.

« Avec tout ce qui s’est passé, je pense que beaucoup d’entre nous ont pris conscience de ce que le mot “féminisme” signifie vraiment. Nous, les footballeuses, avons vécu de près la lutte pour l’égalité », assure Hermoso.

« On nous a traitées de capricieuses. Les gens ont dit que nous voulions être payées comme les garçons, mais ce n’était pas vrai. » ajoute-t-elle.

La meilleure buteuse de l’histoire de la sélection espagnole se dit « très en colère » face aux constats qui rappellent que le football féminin « ne génère pas autant de revenus que le football masculin. »

« Nous le savons et nous n’avons jamais demandé à être payées comme eux. Nous voulions simplement l’essentiel : un salaire minimum, le respect et la possibilité de faire quelque chose de grand » résume Jenni Hermoso.

La meneuse de jeu de Pachuca, au Mexique, qui a fait un retour triomphal sous le maillot de la Roja en octobre dernier, affirme vouloir désormais « profiter de son sport ».

Jenni Hermoso souhaite aussi que le mouvement féministe #SeAcabo (« C’est terminé »), né pour la soutenir, ouvre « une nouvelle ère » pour le sport féminin. Et « si je dois y mettre mon grain de sel pour faire changer les choses, je n’hésiterai pas », conclut-elle.