Christine Sinclair avait prévu de quitter le soccer discrètement, « sans dire un mot », à son image. Ce sont sa famille et ses amis qui l’ont convaincue de ne pas « juste partir » comme ça. « Tu te le dois à toi-même, tu le dois au Canada, de revenir et de jouer ces matchs [à la maison] », lui ont-ils dit.

La légende internationale disputera samedi, au stade Saputo, le premier de ses quatre derniers matchs dans l’uniforme canadien. Elle a rencontré les médias entre les murs du Centre Nutrilait, jeudi, pour la première fois depuis la grande annonce de sa retraite.

Nous voilà devant la fin d’une ère.

C’est bien connu : Sinclair n’est pas friande d’attention. L’idée d’être ovationnée à ses quatre derniers matchs comme l’a été l’Américaine Megan Rapinoe – et on peut s’attendre à ce que ce soit le cas – constitue « son pire cauchemar », a-t-elle laissé tomber en poussant un petit rire.

« Je vis des émotions partagées. […] Néanmoins, je réalise que ce seront des soirées spéciales. Jouer quatre matchs à travers le Canada, c’est une belle occasion pour moi de dire merci aux partisans qui m’ont soutenue tout au long de ma carrière. »

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Christine Sinclair rejoint ses coéquipières après le but gagnant de Jessie Fleming en tirs de barrage qui a donné la médaille d’or au Canada aux Jeux olympiques de Tokyo.

« Des joueuses m’ont demandé ce que ça fait, venir jouer sans stress, a-t-elle ajouté un peu plus tard. D’une certaine façon, je n’essaie pas de faire ma place dans une équipe. C’est libérateur de revenir à mes racines et de jouer pour le plaisir de jouer, de profiter du temps avec mes coéquipières. »

Son ultime duel aura lieu à Vancouver, contre la formation australienne, le 5 décembre. « Je ne sais pas ce qui sera planifié, j’ai juste dit aux gens que je ne voulais pas être prise par surprise », a-t-elle mentionné dans un sourire, fidèle à elle-même.

Sinclair n’en a pas fini avec le soccer ; elle disputera une dernière saison avec son club en NWSL, les Thorns de Portland. En fait, même après cette ultime saison, en aura-t-elle vraiment terminé ?

« De toute évidence, je vais rester impliquée dans ce jeu, de dire la principale intéressée. Ça fait partie de ma vie depuis que j’ai 4 ans. Je prévois jouer à Portland une autre année, puis on verra. Mais que ce soit en tant que coach, ou en arrière-scène, je ne quitte pas [le soccer]. »

Tout un processus de réflexion

Après les Jeux olympiques de Tokyo, Christine Sinclair savait qu’elle ne souhaitait pas se rendre jusqu’aux prochains, ceux de Paris 2024. « Il n’y a pas meilleure façon de partir [qu’en gagnant l’or] », note-t-elle. La retraite internationale arriverait donc dans les années suivantes.

Puis Sinclair a décidé de tenter sa chance une dernière fois en Coupe du monde. « Je trouvais que cette équipe avait une occasion unique de montrer au monde que Tokyo n’était pas un hasard. »

L’équipe n’a cependant pas connu le succès espéré ; le Canada a été éliminé rapidement. Le projet de retraite a donc été repoussé.

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Christine Sinclair

Avec la façon dont s’est déroulée la Coupe du monde, je ne voulais pas que ce soit la fin. Je voulais leur parler, faire partie du groupe et les aider à se qualifier [pour les Jeux de Paris] d’abord. Pour l’équipe, mais pour moi, c’était important.

Christine Sinclair

Ce fut fait le 26 septembre, après la victoire face à la Jamaïque.

« Je pensais que ça allait être tout et que j’allais m’en aller sans dire un mot et en finir, a-t-elle relaté. Mais après ça, il y avait des rumeurs de quatre matchs joués au Canada. Mes amis et ma famille m’ont dit : “Tu ne peux pas juste partir, tu te le dois à toi-même, tu le dois au Canada, de revenir et de jouer ces matchs. »

Au-delà du soccer

Il serait long d’énumérer tous les exploits de Christine Sinclair sur la scène internationale. En gros, l’attaquante la plus prolifique de l’histoire a amplement mérité son repos.

De quoi est-elle le plus fière ? lui a-t-on demandé.

L’athlète de 40 ans a réfléchi.

« Je suis fière d’avoir joué si longtemps et d’avoir évolué avec le jeu », a-t-elle répondu avant de parler avec émotion des liens qu’elle a tissés au fil des années. « Bizarrement, toutes les vets [vétéranes], on s’est fait le même tatouage. Qui fait ça ? », a-t-elle lâché en riant.

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Chrisitne Sinclair et ses coéquipières de l’équipe canadienne de soccer à l’entraînement au Centre Nutrilait, jeudi

Ce tatouage, un petit « V » pour « Vets » sur un doigt, a été fait lors de la dernière visite de l’équipe à Montréal. Surtout, ce tatouage donne une idée de l’importance qu’ont désormais ses coéquipières, devenues amies, dans sa vie.

« Les liens amicaux vont bien au-delà du soccer. Et je sais que peu d’équipes nationales peuvent dire ça. C’est de ça que je suis le plus fière. »

Un petit oubli

Une situation cocasse est survenue sur les réseaux sociaux, le 20 octobre, journée où Christine Sinclair a annoncé sa retraite. L’équipe nationale américaine a publié sur son compte X quelques photos de Sinclair ; « Salut à une légende absolue de notre jeu », pouvait-on lire. Quelques heures plus tard, l’équipe américaine s’est rendu compte que Sinclair l’avait bloquée sur le réseau social. « En espérant qu’elle nous débloquera pour voir ça », a écrit l’équipe à la blague.

Quand un journaliste a abordé le sujet avec elle, jeudi matin, Sinclair a laissé entendre un petit rire en passant la main dans son visage. « Ouais, je les ai bloquées. Je pense que c’était à Tokyo, tout juste avant qu’on joue contre elles. […] Je les ai bloquées et j’ai oublié que je l’avais fait. Je ne suis pas retournée sur Twitter, ou sur X, peu importe le nom, depuis la Coupe du monde. Je n’ai pas vu ce qu’elles avaient écrit, sauf quand mes coéquipières me l’ont montré. De toute évidence, ce sont de grandes rivales, mais je les remercie pour les mots gentils à mon égard. »