Deux nations sous-estimées réalisent de grands exploits. L’enjeu de cet affrontement pour la troisième place entre la Croatie et le Maroc, remporté 2-1 par les hommes en damier, n’était pas que sportif.

Oui, la Croatie termine sa Coupe du monde sur la troisième marche du podium. Un très bel exploit. Une belle façon aussi pour le légendaire Luka Modrić de conclure sa carrière au Mondial.

« Nous avons réussi quelque chose de majeur pour le football croate, a déclaré le milieu de terrain du Real Madrid. Nous voulions l’or, nous en étions près. »

Modrić a aussi confirmé qu’il voulait poursuivre sa route internationale au moins jusqu’à la Ligue des nations, l’été prochain. « C’est le plan, a-t-il dit. Cela n’aurait pas de sens de ne pas jouer la Ligue des nations. Et ensuite, on verra ce qu’on fait. »

Mais au-delà du résultat, la tenue de ce match, dans son contexte, a été la confirmation de ce qu’un bon programme national de soccer peut réserver à ses équipes du plus haut niveau.

Les Croates ont été finalistes en 2018. Troisièmes en 2022. Et sont toujours aux grands rendez-vous. Ils sont un exemple de stabilité et de succès dans le soccer international. Une réussite considérable pour cette nation de quelque 4 millions d’habitants.

La Croatie n’est pas un miracle qui apparaît tous les 20 ans. Nous avons prouvé que nous étions réguliers. Nous ne pouvons pas être vus comme une surprise, mais comme une puissance du football.

Luka Modrić

Cette troisième position, aujourd’hui, permet à la fédération croate d’obtenir une copieuse enveloppe de 27 millions de dollars, à réinvestir dans son programme.

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Les joueurs croates posent fièrement avec leur médaille de bronze.

« C’est une médaille de bronze, mais pour nous elle ressemble à une médaille d’or », s’est réjoui le sélectionneur Zlatko Dalić à la télévision croate, après la rencontre.

Les Lions de l’Atlas ont fait rêver le Maroc au cours du dernier mois. Ses victoires contre l’Espagne et le Portugal, jumelées à sa première position dans un groupe F relevé, ont été prodigieuses et historiques. C’était la toute première présence d’une équipe africaine en demi-finale, rappelons-le.

Et les retombées – 25 millions de la FIFA pour sa quatrième position, quand même – devraient être de bon augure pour l’avenir. Pour le Maroc et pour le soccer africain.

On a réussi à faire rêver quelques gamins qui peuvent rêver de devenir footballeurs pros. Ça, ça n’a pas de prix.

Walid Regragui, sélectionneur du Maroc

« L’impact que ça va avoir, c’est d’abord que la barre est élevée désormais, il va y avoir beaucoup de pression… Mon travail, c’est de ramener les pieds sur terre et de dire que ce qu’on a fait, c’est extraordinaire. »

Il fallait être à l’heure !

L’histoire de ce match s’est écrite en première mi-temps.

Les Croates ont ouvert la marque rapidement, à la 7minute, sur une superbe séquence de jeu arrêté. Joško Gvardiol a pris son envol pour compléter l’action de la tête.

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Joško Gvardiol (au centre) a inscrit le premier but du match.

Deux minutes plus tard, les Marocains répondaient avec leur propre assaut sur coup franc, gracieuseté de la tête d’Achraf Dari dans la surface. Il ne fallait pas arriver en retard devant son téléviseur : avant même la 10minute, c’était 1-1.

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Achraf Dari a nivelé la marque à 1-1.

Puis, à la 42e, le but décisif. Une superbe frappe enroulée de Mislav Oršić, à l’entrée de la boîte.

« Je n’ai pas encore conscience de ce que nous avons réussi, a soufflé Oršić. Peut-être réaliserai-je plus tard… Nous avons fait un bon match, c’était sympa. On mérite de gagner. Et j’inscris le but le plus important de ma carrière. »

Les deux équipes ont offert du jeu ouvert en première période. Mais quand la Croatie frappe, elle ne rate que très rarement.

En deuxième mi-temps, elle a laissé le Maroc mettre la pression, particulièrement en fin de match. Youssef En-Nesyri a raté deux superbes occasions de niveler la marque à 2-2. À la 75e, il a obtenu le ballon fin seul devant le filet, mais le gardien Dominik Livaković s’est interposé. À la 96e, sa reprise de la tête est passée tout juste au-dessus de la barre transversale.

« C’est une défaite amère, mais elle est méritée, je crois, a convenu le sélectionneur marocain Walid Regragui. On a vu une équipe qui n’a pas lâché. […] On a uni notre pays pendant un mois, tout le monde était heureux. »

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Le Maroc est la première nation africaine à avoir atteint le carré d’as du Mondial.

La Coupe du monde a été longue et ardue pour ces deux équipes, mais le Maroc est arrivé dans ce match particulièrement amoché.

« Les Marocains se sont battus, ils étaient fatigués, épuisés, pourtant ils se sont battus, a relevé Dalić. Je suis sûr qu’ils sont fiers. »

Et pour cause. Le Maroc a joué du coude avec les grandes nations, les a battues, et s’est adapté tout au long du tournoi. Une grande nation de soccer vient de naître.

« On n’a eu que de gros matchs, a rappelé Regragui. On a montré qu’en Afrique on travaille, qu’on a appris. L’objectif des Africains et du Maroc, c’est de gagner la Coupe du monde un jour. Cela va nous mettre plus de pression et de l’émulation en Afrique, c’est très bien. Le Maroc a montré qu’on est capables et qu’on n’est pas loin. Les matchs se sont joués sur des détails. »

Avec l’Agence France-Presse