« Je ne pense pas que même Steven Spielberg aurait pu écrire quelque chose comme ça. »

Depuis deux jours, Marc Dos Santos rêve éveillé. Notamment parce qu’il n’a pas encore dormi depuis le sacre du LAFC en finale de la Coupe MLS, samedi.

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« J’ai appris quelque chose dans le sport professionnel », commence-t-il lors d’un entretien téléphonique avec La Presse. Il est 10 h, lundi matin, à Los Angeles. L’entraîneur adjoint du Black & Gold a la voix éraillée après des jours et des nuits de célébrations.

« Ça m’a pris des années à le comprendre, poursuit l’ancien pilote de l’Impact de Montréal. […] Avec l’expérience, j’ai appris que quand tu gagnes, tu dois célébrer avec tout ce que tu as, pendant que c’est le temps. Tu sais que si tu tournes le coin, tu peux avoir un autre mauvais moment. Quand tu peux célébrer, célèbre à fond. C’est ce qu’on est en train de faire en ce moment. »

Il y a eu le défilé aux « scènes inoubliables », dimanche, à peine 24 heures après le match. Et il dit encore en avoir « pour deux jours ici à L.A. » avant de repartir.

Parce que ce « rêve », il dure depuis que le ballon frappé par la tête de Gareth Bale, à la 128minute d’une finale de la MLS épique aux péripéties infinies, a pénétré dans la cage de l’Union de Philadelphie. Le LAFC créait ainsi l’égalité 3-3 en prolongation, quelques minutes après que Philly eut pris les devants.

PHOTO ROBERT HANASHIRO, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Gareth Bale (11) a marqué le but égalisateur pour le LAFC à la 128e minute de la finale.

« Je suis tombé à genoux, raconte Dos Santos, l’image du but encore vive dans sa tête. C’était fini. »

Il rappelle que Bale n’avait pas encore joué dans le parcours éliminatoire. Que Philly est une équipe qui « défend bien ». Qu’elle jouait avec un homme en plus après la blessure tragique et l’expulsion du gardien Maxime Crépeau (nous y reviendrons).

Mais ce qui l’a vraiment marqué, dit-il, c’est le gouffre mental qui s’était créé entre les deux formations après le « tellement gros » but de l’international gallois.

« Quand les équipes sont venues au banc avant les tirs de barrage, j’ai vu dans la face des joueurs de Philadelphie qu’ils avaient peur. Leur balloune était complètement dégonflée. Et nous, on avait grandi. On a eu un moment de ‟hé, si on est arrivés jusqu’ici, c’est parce que c’est écrit que c’est nous qui allons gagner”. »

Le scénario hollywoodien s’est effectivement écrit. Philadelphie a raté ses trois penaltys, grâce notamment au brio du gardien substitut Jack McCarthy. Et LAFC, en marquant sur trois de ses quatre occasions, a posé le point final à cette histoire que non, pas même Spielberg n’aurait osé écrire. Dos Santos et Crépeau sont ainsi devenus les tout premiers Québécois à remporter le championnat de la MLS.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE MARC DOS SANTOS

Marc Dos Santos (deuxième à partir de la droite) avec la Coupe MLS

« Moment noir »

Ce récit, bien des Québécois et Canadiens auraient voulu le voir se dérouler différemment, toutefois.

« Perdre Max, c’est le prix qu’on a eu à payer », dit son compatriote.

Crépeau s’est fracturé une jambe en sortant de sa boîte pour bloquer une tentative de tir de l’Union, à la 110minute. Oui, ce faisant, il a empêché une occasion de but presque certain à Philadelphie. Mais en se sacrifiant ainsi pour la cause de son club, c’est son rêve de Coupe du monde à lui avec sa sélection qui a été anéanti. Le Québécois allait être le deuxième gardien du Canada au Qatar. Dimanche, le LAFC a annoncé qu’il avait été opéré avec succès à la jambe.

Ce qu’il a fait, « c’est légendaire », estime Dos Santos, qui regrette toutefois « ce moment noir » de la finale.

Il note le « côté guerrier » de son gardien, qui même dans sa civière, continuait d’encourager ses coéquipiers et ses partisans. Dos Santos le connaît depuis son parcours avec l’Impact de Montréal. Il avait été l’entraîneur du onze montréalais pendant ses dernières années en NASL, de 2009 à 2011.

PHOTO JAYNE KAMIN-ONCEA, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Le gardien du LAFC Maxime Crépeau a quitté la finale sur une civière.

« On l’a amené à l’entraînement avec l’équipe professionnelle quand il avait 15 ans. Max était un membre des Ultras de Montréal. Il a toujours été guerrier. Il l’a été à Ottawa, il l’a été quand on lui a donné sa première chance en MLS avec Vancouver. »

Crépeau est arrivé à L.A. à peu près en même temps que Dos Santos, entre la saison 2021 et la saison 2022. Les deux étaient avec les Whitecaps la saison précédente. Si vous demandez à l’entraîneur québécois s’il a été un facteur dans l’arrivée de son compatriote dans la ville des Anges, il vous répondra que des « règlements stricts » font en sorte qu’il ne peut confirmer la chose. « Mais tu n’as pas besoin d’être Einstein pour vraiment comprendre comment Max et moi on est ici. Je vais le dire comme ça. »

L’entraîneur québécois a discuté avec son gardien dans les dernières heures. Il reconnaît que le joueur est « triste, heureux, frustré », qu’il vit « tous les sentiments en même temps ».

Crépeau était sur un lit d’hôpital lorsque le LAFC a invité ses parents et sa famille sur la scène où s’est terminée le défilé du championnat. Il a assisté à ce moment profondément doux-amer sur FaceTime.

« Il était avec nous. Son maillot était devant. Les fans ont crié son nom. Son épouse Cristina a fait un discours, c’était émouvant. »

Dos Santos suggère à son gardien de « le prendre un jour à la fois », de « ne pas penser à demain », faisant allusion à sa « mentalité super forte ».

C’est une bien mince consolation aujourd’hui. Mais le technicien québécois croit que « Max va être là en 2026 ».

« Le Canada va être là, et Max va être là. »