13 août 2021. Ismaël Koné signe son premier contrat de joueur professionnel. Le Québécois de 19 ans, qui ne faisait jusque-là que s’entraîner avec le CF Montréal, arrivait du club amateur CS Saint-Laurent.

Clic. On appuie sur le bouton Avance rapide de notre VHS. Vzzzt. Clic. Pas besoin de faire rouler la bande magnétique de notre cassette fictive bien longtemps.

16 octobre 2022. Koné a maintenant 20 ans. À son tout premier match éliminatoire en MLS, il est le meilleur joueur sur le terrain.

Le milieu, c’est le sien. Il marque le but du 1-0 à la 68minute. Filet qui s’avérera décisif dans une victoire de 2-0 contre Orlando, en première ronde. Une frappe précise, entre les deux cannes du gardien Pedro Gallese. Le Montréalais fait montre de tout son sang-froid en situation de pression accrue.

Ça prend un joueur « spécial » pour « prendre un tel pas en avant » en 14 mois, a estimé Djordje Mihailovic, dimanche soir, après la victoire du CFM.

« Il mérite à 100 % d’être à la Coupe du monde pour le Canada, a ajouté son coéquipier américain. Il travaille fort. Il a une bonne tête sur les épaules. Dans les entraînements et dans les matchs, tu peux voir sa qualité. Il est bourré de confiance. Il ne renonce à aucun défi. »

Comment en arrive-t-on là, si rapidement ?

« Confiance, humilité, et de temps en temps des petites tapes derrière la tête », illustre Wilfried Nancy en souriant, en conférence de presse.

Oui, Koné a connu une ascension fulgurante. Il y a moins de deux ans, il jouait dans le soccer amateur québécois. Aujourd’hui, il brille au sommet du foot nord-américain, et est en voie d’affronter les meilleurs au monde au Qatar.

Mais selon le principal intéressé, « ça fait longtemps » qu’il attend ça.

« Le projet se réalise »

Koné et sa mère, Suzanne Diomande, ont fui la guerre civile en Côte d’Ivoire alors qu’il avait 7 ans. Ils ont abouti à Montréal en 2010.

Le jeune homme dont tout l’écosystème du soccer nord-américain parle aujourd’hui vit encore, à ce jour, chez sa mère dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce.

Et dimanche, Mme Diomande l’a vu jouer professionnellement en personne pour la deuxième fois seulement.

« Je viens de finir de lui parler, a-t-il raconté aux médias après la rencontre. C’était émotif un peu. »

« À 15 ans, je lui ai dit que je voulais devenir pro. Pour elle, c’était compliqué. C’est dur pour une maman de croire que son fils va devenir pro à 15 ans. »

Quatre ans plus tard, il a déjà pu dire mission accomplie.

« Le projet se réalise. Il y a des buts, des offres pour aller dans des clubs. Ce sont des preuves solides pour elle. Elle commence de plus en plus à y croire. »

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Ismaël Koné

Parce qu’il ne faut pas se faire d’illusions, chers lecteurs et partisans du CF Montréal. Le talent et la prestance de Koné, surtout à son jeune âge, attisent la convoitise de grands clubs européens. Au point où il serait surprenant qu’il entame la prochaine saison à Montréal. Surtout s’il joue d’importantes minutes avec le Canada au Qatar.

Un schéma de jeu sur mesure

Mais Koné réitère qu’il est actuellement « concentré à remporter la Coupe MLS avec le CF Montréal ». Sa participation à la Coupe du monde et ses autres idéaux, il veut y prêter attention plus tard.

Son club est bien parti. Si Nancy a diversifié son schéma tactique à plusieurs reprises au cours de la saison, on a bien l’impression que l’entraîneur a trouvé sa formule de prédilection dans les derniers matchs. En particulier dans la section offensive de son alignement. Même si le technicien vous répondrait que ses choix changent toujours « en fonction de l’opposition ».

Analysons la chose.

Un attaquant – Kei Kamara en l’occurrence, en l’absence de Romell Quioto – seul en pointe. Mais qui est épaulé par Djordje Mihailovic dans son rôle habituel de milieu offensif, porté vers la portion droite. Ismaël Koné en position plus avancée qu’à l’habitude, à gauche. La géométrie de cette boîte à quatre milieux de terrain est complétée par Samuel Piette et Victor Wanyama, plus reculés dans leurs rôles défensifs.

Cette physionomie de jeu, un genre de 3-4-2-1, avait servi à démanteler Miami lors du dernier match de la saison. Et encore à empêcher Orlando de générer le moindre tir cadré.

C’est Koné qui est au centre des succès de celle-ci. Il a été titulaire les trois derniers matchs. Cette tactique a été employée lors des deux dernières rencontres. Voyez la différence par vous-même. Ces cartes thermiques ont été générées par le site spécialisé Sofascore.

  • La carte thermique d’Ismaël Koné lors de son départ du 1er octobre face au DC United

    IMAGE SOFASCORE

    La carte thermique d’Ismaël Koné lors de son départ du 1er octobre face au DC United

  • La carte thermique d’Ismaël Koné lors de son départ du 9 octobre face à l’Inter Miami

    CRÉDIT SOFASCORE

    La carte thermique d’Ismaël Koné lors de son départ du 9 octobre face à l’Inter Miami

  • La carte thermique d’Ismaël Koné lors de son départ du 16 octobre face à Orlando City SC

    CRÉDIT SOFASCORE

    La carte thermique d’Ismaël Koné lors de son départ du 16 octobre face à Orlando City SC

1/3
  •  
  •  
  •  

La différence est frappante entre celle du 1er octobre et les deux suivantes. Et témoigne d’une meilleure efficacité dans le dernier tiers.

Koné se plaît dans un rôle offensif. Mais Nancy a expliqué en conférence de presse qu’il a dû lui apprendre à jouer « dans les deux phases de jeu » au cours de la saison.

« Offensivement, on le sait [qu’il est bon]. Mais défensivement, il a fait le travail. Ça ne veut pas dire qu’il ne le faisait pas auparavant. Mais il y a eu des moments où il était un peu absent. Là, il est beaucoup plus constant. »

Il a la confiance de son entraîneur. Ce qu’il n’a pas en expérience, il compense en fougue et en ambition. Et en talent.

Ismaël Koné traverse le ciel montréalais à la vitesse d’une étoile filante. Profitez du spectacle pendant qu’elle se trouve encore dans votre champ de vision.