(Pékin) De 2010 à 2015, Caroline Truchon était membre de l’équipe canadienne de patinage de vitesse sur courte piste. Son rêve : se rendre aux Jeux olympiques. Elle était bonne. Très bonne, même. Assez pour gagner des médailles sur le circuit de la Coupe du monde. Malheureusement, elle ne s’est jamais qualifiée pour les Jeux.

Six ans après avoir quitté la compétition, Caroline se trouve pourtant bien ici, aux Jeux de Pékin, où elle assiste non seulement aux épreuves de courte piste, mais aussi à celles de patinage artistique.

Comment est-ce possible ?

Les organisateurs l’ont embauchée comme directrice musicale. « Tu peux écrire DJ », me dit-elle. Son rôle : mettre de l’ambiance dans l’aréna. Une tâche particulièrement importante à ces Jeux, où les rares spectateurs font autant de bruit qu’un espion russe trafiquant des fioles dans un laboratoire antidopage sous la lune de Sotchi.

« En courte piste, explique-t-elle, il y a beaucoup de musique. Pendant les échauffements. Pendant qu’on fait la glace. Avant les courses, pendant les courses, entre les courses. C’est quand même beaucoup de travail. Au patinage artistique, il faut savoir quand mettre la musique, quel type de chansons, et à quel volume. »

Comment a-t-elle obtenu cet emploi ?

C’est une belle histoire. Et comme Caroline est une super conteuse, je vais ouvrir les guillemets, et vous retrouver dans quelques lignes.

« Ça s’est passé en septembre dernier. On était à trois semaines des épreuves-tests de patinage de vitesse sur courte piste à Pékin. Les organisateurs avaient embauché un DJ, sauf que celui-ci refusait de se faire vacciner. C’était un problème. Les Chinois lui ont dit : “Désolé, mais tu ne viens pas ici.” Ils n’avaient plus personne.

« La personne chargée du recrutement international a donc écrit à Dany Lemay, qui décrit les épreuves en courte piste aux Jeux olympiques. Elle lui a demandé : “Dany, connais-tu quelqu’un qui peut faire ça ? On est un peu dans la merde…” C’est là que Dany a suggéré mon nom.

« Dany et moi, on se connaît super bien. La première fois que j’ai travaillé comme DJ avec lui, c’était en 2013. Je patinais encore. Il y avait eu une épreuve de Coupe du monde au Canada, mais je ne m’étais pas classée. J’étais quelque chose comme huitième ou neuvième, et ils en prenaient six. Mais moi, je suis une grande fan de sport. Je voulais m’impliquer. Dany m’a demandé : “Hé, veux-tu faire la musique avec moi ?” Ben oui ! C’est comme ça que j’ai commencé. »

Depuis, le duo dynamique fait toutes les étapes de la Coupe du monde au Canada. Avec le temps, Caroline a parfait sa liste musicale. Elle a ses classiques.

« En courte piste, j’aime bien Thunderstruck, d’AC/DC. C’est aussi la chanson préférée des Canadiennes au relais. Mais je ne peux pas la jouer tout le temps. Jamais en qualifications. Je la réserve seulement pour les grandes finales. Un autre classique, c’est Welcome to the Jungle. Et quand je veux me faire plaisir, je mets Enter Sandman, de Metallica. Quand je patinais, c’était MA toune.

— As-tu carte blanche ?

— Oui. Enfin, presque. Les organisateurs demandent seulement que les chansons soient propres. Pas de politique, pas d’alcool, pas de drogue. La base. Sinon, c’est moi qui décide. »

Dans la liste qu’elle devait soumettre avant les compétitions, Caroline avait glissé quelques chansons québécoises. Plusieurs de Céline Dion, mais aussi des plus nichées pour un public international, comme Coton ouaté, de Bleu Jeans Bleu, et des chansons de Loud. Malheureusement, il y a eu des problèmes dans la négociation des droits d’auteur. Elle a aussi dû renoncer à Thunderstruck, pour les mêmes raisons.

« Du courte piste sans AC/DC, ce n’est pas pareil, se désole-t-elle. Mais bon, il me reste encore du Céline ! »