S’il n’a pas eu la carrière tant convoitée dans la LNH, Maxim Noreau est heureux que son évolution en Suisse le mène aux JO pour une deuxième fois

David Desharnais et Maxim Noreau ont des parcours qui se ressemblent beaucoup.

De 2004 à 2007, ils se sont affrontés dans la LHJMQ, l’un avec les Saguenéens de Chicoutimi, l’autre avec les Tigres de Victoriaville. Ignorés au repêchage de la LNH, les deux Québécois ont ensuite fait leurs classes dans les ligues mineures.

Ils ont tous les deux eu droit à leur baptême dans la LNH en 2009-2010, et s’affrontent en Ligue nationale suisse depuis que Desharnais s’est joint à Fribourg-Gottéron en 2019.

À Pékin, ils auront maintenant un lien de plus : ils seront coéquipiers au sein d’Équipe Canada, mais aussi assistants du capitaine, Eric Staal.

« On en a parlé, on a eu des parcours différents, mais somme toute, on est un peu à la même place, a reconnu Desharnais. Je suis super content pour lui, c’est un bel exemple pour les jeunes. »

Le visage de la relance

Jérôme Mésonéro mène une belle carrière. Après avoir été recruteur pour les Voltigeurs de Drummondville à 25 ans, il a gravi les échelons et le voici recruteur amateur pour l’Avalanche du Colorado depuis 2014.

Il est catégorique. « Ce gars-là a une place spéciale dans ma carrière », reconnaît Mésonéro, au sujet de Noreau.

Mésonéro est devenu directeur général des Tigres de Victoriaville au cours de la saison 2005-2006. « Le club est sous-performant », analyse-t-il. Il échange donc plusieurs joueurs de 19 et 20 ans, et va chercher au passage un défenseur de 17 ans du nom de Jason Demers.

« Deux défenseurs du West Island. Ces deux gars-là, mais Maxim surtout, ça a comme été notre relance, se souvient Mésonéro. Quand est venu le temps de refaire l’autobus de l’équipe, c’est Maxim Noreau et Jason Demers qu’on a mis en photo. Les gens me disaient : “Mets ton meilleur marqueur, mets ton gardien. Pas deux défenseurs !” »

PHOTO FOURNIE PAR LES TIGRES DE VICTORIAVILLE

Maxim Noreau (avec le « C » du capitaine), sur l’autocar des Tigres de Victoriaville

La relance fonctionne. Après avoir accumulé 54 points en 2005-2006, les Tigres en amassent 83 l’année suivante. Noreau inscrit 17 buts et 53 aides pour 70 points en 69 matchs.

Comme Noreau n’a pas été repêché dans la LNH, Mésonéro a bon espoir de le ravoir comme joueur de 20 ans en 2007-2008. Mais le jeune homme signe un contrat de la Ligue américaine seulement avec les Aeros de Houston, club-école du Wild du Minnesota.

« Ça a comme mal fini. J’étais content pour lui qu’il joue pro, mais ça nous a fait mal dans notre plan. Ce n’est pas une tête de cochon, mais un gars qui croyait beaucoup en ses moyens. Pour moi, c’est une qualité. »

Le pari de Noreau a fonctionné, puisque son contrat de la Ligue américaine en est devenu un de la LNH, à deux volets, de trois ans. Mais Mésonéro gardera toujours un doute. « Quand tu n’es pas repêché, avoir une grosse année à 20 ans, ça peut aider. Prends Yanni Gourde, il est revenu, a été champion des marqueurs de la LHJMQ, ça lui a amené beaucoup d’attention. Par contre, Noreau a une carrière incroyable en Suisse. »

Dominant en Suisse

Contrairement à Desharnais, Noreau n’a donc pas pu s’établir dans la LNH. Malgré des statistiques impressionnantes dans la Ligue américaine (deux saisons de plus de 50 points), il n’a eu droit qu’à six matchs dans la grande ligue, tous avec le Wild. Doug Risebrough, le DG du Wild, a été remplacé par Chuck Fletcher en 2009, et de tels changements administratifs font parfois mal à des jeunes.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE MAXIM NOREAU

Maxim Noreau dans l’uniforme des ZSC Lions de Zurich

C’est pourquoi il s’est exilé en Suisse en 2011. Après trois ans à Ambrì-Piotta, Noreau a tenté sa chance une nouvelle fois dans la LNH en signant une entente de deux ans avec l’Avalanche. Mais là non plus, sa forte production ne lui a pas valu de chance « en haut », en raison notamment d’une opération à une épaule. Il est donc retourné en Suisse, où il s’est établi « offensivement, comme un des top de la ligue ».

Celui qui parle, c’est Stéphane Rochette. Ce Québécois, ancien arbitre en Suisse, est maintenant analyste pour la chaîne MySports, détentrice des droits de télédiffusion des matchs de la Ligue nationale suisse.

C’est un gars d’avantage numérique, il a une des meilleures premières passes. Il n’a pas le meilleur coup de patin, mais c’est son sens du jeu, ses mains, son tir des poignets, il est capable de trouver les lignes de tir.

Stéphane Rochette, analyste pour la chaîne MySports et ancien arbitre en Suisse

Avec ces qualités, Noreau s’est établi comme un des meilleurs à sa position au pays d’Henri Dès. Des qualités qui lui auraient aussi valu une belle carrière dans la Ligue américaine, mais certainement pas de la stabilité. Or, depuis son retour en Suisse, il a joué deux ans à Berne, il dispute sa quatrième saison à Zurich, et s’est engagé l’an prochain pour le club de Rapperswil-Jona, à 30 minutes de voiture de Zurich.

« Ceux qui restent longtemps, ce sont des gars borderline pour la Ligue nationale, qui ne veulent pas le va-et-vient des rappels dans la Ligue américaine. Ces gars-là, les équipes les aiment, explique Rochette, car une fois qu’ils ont fait une croix sur la LNH, ils peuvent signer des contrats de deux ou trois ans sans clause échappatoire. Ils arrivent avec leur famille et font leur vie ici. La qualité de vie est incroyable. C’est une bonne ligue, c’est payant, ils dorment à la maison tous les soirs et ils ont accès à de bonnes écoles pour les enfants. »

Des rêves différents

« J’ai vécu la même chose, d’une certaine façon. Je ne connaissais pas le hockey d’Europe quand je jouais dans la LNH, souligne Maxim Lapierre, coéquipier de Noreau aux Jeux de PyeongChang en 2018, qui a joué trois ans en Suisse. On stresse pour rien dans la LNH. De l’autre côté, il y a des partisans, de beaux amphithéâtres. Si tu acceptes que tu ne feras pas carrière dans la Ligue nationale, l’option B, ce n’est pas banal. Certains arrêtent à 32, 33 ans sans aller voir ailleurs. Moi, ç’a été les plus belles années de ma vie ! »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Maxim Lapierre et Maxim Noreau, médaille de bronze au cou aux Jeux olympiques de PyeongChang, en 2018

La qualité de vie est une chose, mais voilà que l’option européenne ouvre des portes inattendues à Noreau. Il représentera le Canada aux JO pour la deuxième fois, encore à titre d’assistant du capitaine.

« C’est un privilège que je n’aurais jamais eu si j’étais resté en Amérique du Nord, a estimé Noreau, en visioconférence cette semaine. Je ne sais pas où aurait été ma carrière si j’avais continué dans la Ligue américaine pour avoir des matchs dans la Ligue nationale. Mais je n’ai aucun regret et ça m’a permis de représenter mon pays deux fois aux Jeux. C’était mon rêve de jouer dans la LNH, c’est sûr. Mais en venant en Europe, je me suis créé d’autres rêves.

« Une fois, j’ai fait une présentation pour Hockey Québec. J’ai parlé de ça, du fait que c’est décevant de ne pas percer ou de jouer un match dans la LNH. Mais il y a tellement de belles occasions partout dans le monde. J’ai eu la chance de voyager, j’ai 34 ans, c’est encore mon travail. […] Je ne dis pas d’abandonner ton rêve, mais des fois, tu peux le changer un peu et trouver un autre trajet qui va t’amener du bonheur. »