(Zhangjiakou) Un vent glacial balayait la piste, le thermomètre avait glissé sous les – 20 °C et les bosses étaient carrées et dures comme le roc.

Il avait beau être à 10 000 km du mont Saint-Sauveur, Mikaël Kingsbury se sentait comme chez lui sur le parcours de Secret Garden, jeudi soir (heure de la Chine), pour son entrée en matière aux Jeux olympiques de Pékin.

Grand favori de l’épreuve de bosses, le champion en titre a dominé la première ronde des qualifications d’une tête et des épaules.

Seul compétiteur à atteindre la barre des 80 points, Kingsbury (81,15) a nettement devancé ses plus proches poursuivants, le Suédois Walter Wallberg (79,12) et le Français Benjamin Cavet (78,40).

C’est cool de casser la glace et d’être en première position. La piste n’est vraiment pas facile. Il fait froid et il y a beaucoup de vent en haut ! Je suis satisfait de ce que j’ai fait. Je n’ai pas essayé de trop en faire. Ça aurait été stupide de pousser.

Mikaël Kingsbury

Vingt-quatrième sur trente à s’élancer, le Canadien avait eu le temps de voir quelques-uns de ses rivaux commettre des erreurs sur les bosses tranchantes. Il a convenu avec son entraîneur de moduler son intensité, se contentant comme prévu de réaliser ses deux sauts les plus simples.

« En m’en venant ici, je savais que le parcours allait être dur. Je savais que les conditions allaient être froides. L’état des bosses se détériore. C’est de plus en plus carré. Ce n’est pas évident, ça prend dans les jambes. C’est pareil pour tout le monde. »

PHOTO FRANCISCO SECO, ASSOCIATED PRESS

Mikaël Kingsbury attendait son pointage.

Kingsbury n’avait qu’un objectif pour cette première phase : se qualifier parmi les 10 premiers et accéder directement à la finale 1 de samedi soir. « Je n’essaie jamais de gagner les qualifications, même si je finis souvent premier. »

Les 20 autres concurrents devront se battre dans les deuxièmes qualifications pour le rejoindre. Seule la moitié feront la coupe.

Ce sera le cas d’Ikuma Horishima, relégué au 16e rang après un atterrissage raté à son deuxième saut. Le Japonais est le dauphin de Kingsbury au classement de la Coupe du monde. Les nombreux journalistes nippons ont entouré l’entraîneur en fin de soirée pour essayer de comprendre ce qui avait pu se passer.

« Ce n’est pas le genre de gars qui fait de grosses erreurs, a noté Kingsbury. Je ne l’ai pas vu souvent dans le parcours cette semaine. Son erreur est peut-être due au fait qu’il n’a pas pris le saut du bas assez souvent et qu’il est allé un peu trop gros. Je sais qu’Ikuma va en sortir une bonne à sa deuxième qualification, qu’il va faire partie des finales et qu’il risque de se rendre loin. Je ne tiens donc rien pour acquis. »

Matt Graham, médaillé d’argent en 2018, est l’autre grand exclu de cette première journée. L’Australien, qui revient d’une fracture de la clavicule, l’a échappé en haut de parcours et n’a pas terminé sa descente.

Kingsbury attribue à la « nervosité » les fautes commises par plusieurs skieurs.

« Quand tu es plus nerveux, tu essaies de pousser un peu plus. J’ai l’expérience, j’ai deux médailles olympiques à la maison. Je sais comment gagner ça. Je suis peut-être un peu plus intelligent… »

Aux dires de l’entraîneur Michel Hamelin, Kingsbury ne se souvenait plus de sa descente quand il a franchi la ligne d’arrivée. « Ça veut dire qu’il était très concentré. On appelle ça le flow. Il s’est vraiment mis dans cet état. »

Comme au Québec

La piste sied à merveille à l’athlète de Deux-Montagnes. « Ce sont des bosses carrées, des bosses “Québec”, comme Mik s’y attendait, a fait remarquer Hamelin. Il a grandi dans des bosses de glace. C’est un parcours qui sera super tactique. On l’a vu : tous ceux qui ont poussé un peu ont fait des erreurs quand même majeures. »

Au fait, sur une échelle de 1 à 10, à quel point Kingsbury a-t-il poussé la machine ? « Six », a répondu le principal intéressé avant de se raviser : « Écris 80 %… »

Laurent Dumais, l’autre Canadien en lice, a terminé au 24e rang. Il s’est lancé avec beaucoup trop d’intensité dans le premier tremplin, ratant l’atterrissage de son 1080. Il s’est décomposé dans la section du milieu. Manifestement dégoûté de sa performance, le skieur de Québec a refusé de s’arrêter devant les journalistes.

Les sœurs Justine et Chloé Dufour-Lapointe ont fait la même chose, mais c’est dans les habitudes de la maison depuis très longtemps.

Elles avaient cependant de quoi se réjouir : Justine, double médaillée olympique, a terminé 10e, soit la dernière place donnant un accès direct à la finale 1 de dimanche soir. L’aînée Chloé a fini juste derrière, à un peu plus d’un point. Sa technique solide et ses figures maîtrisées laissent présager de belles choses pour les deuxièmes qualifications.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Justine Dufour-Lapointe a terminé 10e, soit la dernière place donnant un accès direct à la finale 1.

« Mon but était de les faire peaker ici, s’est félicité Hamelin. C’est ce que je vois en ce moment : elles n’ont pas froid aux yeux et elles foncent. C’est vraiment excellent. »

Aucune surprise au sommet : l’Australienne Jakara Anthony a survolé la manche, devançant de près de deux points la tenante du titre, la Française Perrine Laffont. L’Américaine Jaelin Kauf s’est installée au troisième rang.

À ses premiers JO, Sofiane Gagnon, de Whistler, a fini 14e. Une réception mal maîtrisée en bas de pente lui a probablement coûté une participation assurée à la finale 1.

« J’étais un peu impressionnée à ma première journée ici, mais je me suis graduellement concentrée sur mon ski », a souligné cette fille de parents français.

Les finales masculines seront présentées samedi soir (samedi matin, heure de Montréal), les finales féminines, dimanche soir (dimanche matin, heure de Montréal).