(Montréal) L’Agence mondiale antidopage (AMA) a annoncé vendredi avoir validé une technique innovante de dépistage à partir de gouttes de sang séché, qui fera l’objet de tests préliminaires aux Jeux olympiques de Tokyo et pourrait à terme « changer la donne » dans la lutte antidopage.

Cette nouvelle méthodologie, baptisée DBS (Dried blood spot, goutte de sang séché), « peut potentiellement avoir un impact positif important tant pour les athlètes que pour les organisations antidopage », s’est félicité le président de l’AMA Witold Banka lors d’un point-presse à l’issue d’une réunion des instances dirigeantes de l’agence.  

« Je pense réellement que ça pourra vraiment changer la donne dans l’antidopage », a-t-il ajouté, après l’adoption par l’AMA d’un document établissant les procédures à suivre et le cadre règlementaire de cette nouvelle technique.  

L’AMA avait lancé fin 2019 un programme de recherche sur la technique DBS en partenariat avec le Comité international olympique (CIO) et plusieurs organisations antidopage nationales.

« Nous avons pour objectif de tester certains éléments de la technique DBS lors des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo cette année, avant de les utiliser de façon régulière pendant les Jeux de Pékin en début d’année prochaine », a expliqué le directeur du département Sciences/Médecine de l’AMA, Olivier Rabin.

Le Dr Rabin a expliqué que cette technique consiste à prélever quelques gouttes de sang sur le bout du doigt ou sur l’épaule de l’athlète, puis de les transférer sur une sorte de papier buvard avant de les envoyer en analyse.  

Une technique moins intrusive, moins coûteuse à stocker ou à transporter, et qui peut permettre de détecter certaines substances instables en « stabilisant » rapidement les échantillons de sang, selon lui.

De plus, « c’est très important […] particulièrement dans des endroits reculés où certains athlètes s’entraînent, de pouvoir stabiliser le sang pour transporter l’échantillon de façon sûre de l’athlète jusqu’au laboratoire antidopage » le plus proche, a-t-il expliqué.

« Nous pensons que c’est certainement un important pas en avant » dans la lutte contre le dopage, a-t-il insisté.

Cette annonce est intervenue à l’issue d’une réunion virtuelle des deux instances dirigeantes de l’AMA, son comité exécutif jeudi et son Conseil de fondation vendredi.

Goutte de sang séché : une « étape très importante »

Le feu vert à la méthode de dépistage par gouttes de sang séché donné vendredi par l’Agence mondiale antidopage (AMA), qui va commencer les tests dès les JO de Tokyo, constitue une « étape très importante » dans la lutte contre le dopage, estime le directeur scientifique du gendarme mondial, le Dr Olivier Rabin, chef du département Sciences et médecine de l’agence.

Q. Quand allez-vous commencer à expérimenter cette technique lors d’une compétition majeure ?

R. « Les JO de Tokyo, c’est la première fois que le DBS sera utilisé dans une grande compétition multisports dans le cadre de la lutte contre le dopage. […] Pour ne pas créer de doubles contraintes pour les athlètes, l’idée c’est que le sang qu’on va collecter dans le cadre du passeport biologique, quelques gouttes vont être prélevées et mises sur la matrice sèche (une sorte de papier buvard, NDLR) ce qui va nous permettre d’analyser de façon plus précise certaines substances […] Dans un premier temps on va être complémentaires à ce que l’on fait aujourd’hui (prises de sang et analyses d’urine, NDLR). Pour les JO de Pékin l’an prochain, il y a une progression qui est prévue, on va intégrer de nouvelles analyses ».

Q. Quels en sont les avantages ?

R : « Déjà, c’est moins intrusif pour les athlètes. Certains prélèvements sont faits au bout du doigt, du lobe de l’oreille, à l’épaule, sur la cuisse […] L’autre avantage du DBS, c’est qu’à partir du moment où vous le mettez sur un papier, le liquide va sécher et ça stabilise la matrice. […] Il faut mettre ça en parallèle avec des stratégies de dopage de plus en plus élaborées de certains athlètes, qui savent très bien utiliser des substances qui ont des temps de résidence dans l’organisme relativement courts. Certaines substances, au bout de 24, 36, 48 heures, vous ne les trouvez plus. […] De plus, la collecte elle-même est souvent moins onéreuse, on n’a pas tout l’attirail habituel de tubes. Pour le stockage, vous n’avez pas de gros flacons à stocker dans de grands frigos. Vous avez simplement une sorte de carte postale, ça se stocke beaucoup plus facilement. […] De plus il est parfois difficile d’aller prélever des échantillons (traditionnels) dans des zones reculées où on est loin des labos antidopage ».

Q : Cette nouvelle méthodologie peut-elle « changer la donne », comme le prédit le président de l’AMA Witold Banka ?

R : « C’est une étape très importante pour la communauté antidopage. On va pouvoir à l’avenir étendre la couverture antidopage, mieux analyser certaines substances, on va aussi pouvoir analyser de nouvelles substances […] Il faut être très clair, ça ne remplacera pas les tests actuels. Ça prendra encore quelque temps avant d’avoir des tests sur des microlitres de sang qui soient aussi performants, s’ils le sont un jour, que ce qu’on peut faire aujourd’hui avec les analyses d’urine ou de sang avec de plus grands volumes. Mais on pense qu’il y a un fort potentiel dans le développement d’une telle matrice. Peut-être que dans 5 ans, 10 ans, on va être capables de mesurer l’EPO dans quelques microlitres de sang séché, auquel cas on dira : ça y est, on peut appliquer le DBS à l’EPO. Mais aujourd’hui ce ne serait pas réaliste de le faire ».

Propos recueillis par Éric THOMAS