L’image était crève-cœur sur la piste du complexe Claude-Robillard, mardi soir, quand Charles Philibert-Thiboutot a franchi la ligne d’arrivée sans réussir le standard olympique du 1500 m. À moins d’un énorme revirement de situation, le Québécois n’ira pas aux Jeux olympiques.

Les conditions étaient parfaites, mardi soir à la Classique d'athlétisme de Montréal, pour permettre à Charles Philibert-Thiboutot de réussir la norme olympique de 3 min 35 s. Sous les cris et les applaudissements de sa famille et de nombreux athlètes, l’homme de 30 ans a fini loin devant ses opposants, mais en un temps de 3 min 37 s 11. Il s’est étendu sur la piste, déçu, dans les minutes qui ont suivi son arrivée.

« Le premier tour était trop rapide, a-t-il expliqué après sa course. Souvent, quand on va trop vite dans les premiers tours comme ça, ça revient nous pincer dans le dernier. J’étais sur un super bon rythme jusqu’à 200, 300 mètres de la fin. J’ai donné de la fréquence, j’ai vraiment augmenté l’effort, je sentais que je travaillais et je poussais, j’y croyais. Je suis arrivé à la ligne et finalement, je n’étais même pas proche. »

Sans trop donner de détails, Philibert-Thiboutot a avoué qu’il ne « feelait pas » dans la journée. Mais il était prêt pour la course et en pleine forme physique, a-t-il assuré.

« Je ne veux pas mettre la faute sur le stress, a-t-il dit. Tout le monde a du stress. Il y a beaucoup d’athlètes qui se battent contre la dépression et tout ça. Tout le monde a son sac de roches. Je trouve que j’en ai un gros et aujourd’hui, ça me pesait un peu. Quand c’était le temps de m’échauffer, j’étais là, vraiment. Focus. Je ne pensais plus à ça. J’étais vraiment prêt à faire ce qu’il y avait à faire, et dans la course, je me sentais très bien. »

Ce résultat réduit de beaucoup ses chances de prendre part aux Jeux olympiques.

C’est plate. Au début de la saison, les choses allaient bien. Ça ne me stressait même pas de faire le standard. J’avais eu 11 mois d’entraînement sans arrêt. Ça ne m’était pas arrivé en cinq ans.

Charles Philibert-Thiboutot

Puis est survenue sa blessure au tendon d’Achille, qui l’a tenu à l’extérieur des pistes pendant deux semaines en mai.

« Ç’a été un cauchemar que ça arrive dans le milieu d’une saison olympique, a-t-il relaté. À cause de ça, j’ai manqué de l’entraînement et des courses pour lesquelles j’étais prêt et dans lesquelles je pense que j’aurais eu le standard. »

L’athlète prendra la nuit pour digérer la nouvelle, mais est loin de se laisser abattre. Il se dirigera vers les États-Unis ou l’Europe prochainement pour prendre part à d’autres compétitions.

« Je suis en un morceau, mais je suis drogué sur la caféine, a-t-il lancé. Je ne dormirai pas de la nuit. Ça va être une longue nuit. Il va falloir que ça sorte et ensuite, on continue à aller de l’avant. »

Philibert-Thiboutot, qui avait pris part aux Jeux de Rio en 2016, peut encore se qualifier pour Tokyo s’il se classe parmi les 45 meilleurs au monde. Mais les chances sont très minces, alors qu’il est présentement 49e.

« Peut-être qu’après aujourd’hui, je vais être 47e ou 48e, a-t-il expliqué. S’il y a, disons, trois gars qui se désistent, trois blessés, ça peut passer… »

Micha Powell ira-t-elle à Tokyo ?

La Montréalaise Micha Powell se bat toujours pour une place dans l’équipe nationale pour le relais 4 x 400 m. Athlétisme Canada dévoilera le nom des athlètes sélectionnées le 2 juillet.

PHOTO ANTOINE SAITO, LA PRESSE

La Montréalaise Micha Powell

Mardi à la Classique, la jeune femme de 26 ans a conclu en deuxième place avec un chrono de 52,90 s. Elle avait fait un temps de 52,73 s aux essais nationaux, le week-end dernier.

« Je suis sortie beaucoup plus forte que d’habitude, c’était mon plan, a-t-elle relaté après sa course. J’ai trouvé que je courais assez bien. À l’entraînement, je courais 51 s, pas de problème. C’est parce que je suis beaucoup plus relax. Quand j’arrive en compétition, je suis un peu trop serrée dans mes épaules et mes jambes. J’ai essayé quelque chose de différent. Ç’a aidé au début, mais j’ai trouvé que je n’avais pas assez de puissance dans mes jambes à la fin. »

Micha Powell, qui est la fille de la triple olympienne Rosey Edeh et du double médaillé olympique pour les États-Unis Mike Powell, espère avoir convaincu les dirigeants de la fédération canadienne de la choisir pour le relais.

« J’espère qu’ils vont voir le cœur que j’ai mis ce week-end, a lancé la sympathique athlète. Après deux semaines de quarantaine, ce n’est pas facile de courir à ton meilleur. »

« Je trouve que j’ai montré des temps constants [cette saison], a-t-elle ajouté. Je pense que ça en dit beaucoup. À la fin de la journée, tu as toujours besoin d’une coureuse qui va courir pour l’équipe, n’importe quand. »

Autres résultats

Plus tôt dans la soirée, la Gatinoise Farah Jacques a réussi son meilleur temps de la saison, soit 13,28 s, pour s’emparer de la première place à l’épreuve du 100 ms haies. L’athlète de 30 ans était à la fois satisfaite et déçue à l’issue de sa course, alors qu’elle n’a pu réussir le standard olympique de 12,84 s. Elle n’ira donc pas au Japon.

« Je suis quand même contente de ma course, a-t-elle soutenu, sourire aux lèvres. Avec les autres athlètes, c’était une course serrée. C’était une bonne compétition, mais je suis un peu déçue. C’est un petit deuil à faire, c’est sûr et certain. Je m’étais vraiment concentrée jusqu’à aujourd’hui pour avoir le temps nécessaire. J’ai tout donné. Ç’a donné un bon résultat, mais pas assez bon. »

Au 100 m, l’impressionnante sprinteuse torontoise Crystal Emmanuel a égalisé son meilleur temps à vie, soit 11,11 s, terminant en première place. Fidèle à son habitude, elle a poussé un cri de victoire en franchissant la ligne d’arrivée, puis un autre quelques secondes plus tard en entendant son chrono final.

À l’épreuve du 800 m, la détentrice du record canadien Mélissa Bishop-Nriagu a terminé en première place avec un temps de 2 min 1 s 69, devant Madeleine Kelly et Lindsey Butterworth. Bishop et Butterworth se sont déjà qualifiées pour Tokyo. Tout indique que Kelly aura elle aussi son billet pour Tokyo, ce qui voudrait dire que pour la toute première fois, trois femmes canadiennes seraient du 800 m aux Jeux olympiques. Ce sera confirmé le 2 juillet.

La Québécoise Laurence Côté a terminé au neuvième et dernier rang de cette épreuve avec un chrono de 2 min 5 s 31, ce qui n’est pas suffisant pour aller aux Jeux.

« C’est sûr que c’est décevant, mais l’erreur qu’on fait souvent, c’est de penser que les Olympiques, c’est le rêve ultime, a-t-elle réagi après sa course. Mais le rêve ultime, c’est d’être un athlète professionnel, de voyager, d’aller au bout de ses rêves. Je le vis chaque jour. »

Au 3000 m steeple, la native de la Colombie-Britannique Regan Yee a battu le record canadien avec un chrono de 9 min 27 s 54.