« C’est là que ça m’a frappée : “Oh, je suis cette personne maintenant.” »

C’était en mars 2014. Brooke Stacey venait de remporter le Championnat mondial de hockey des moins de 18 ans avec le Canada. Le nom de la joueuse – qui a signé un contrat de réserve avec l’équipe de Montréal dans la LPHF en mars dernier – était maintenant bien connu au sein de sa communauté de Kahnawake.

« Quand je suis revenue à la maison après avoir remporté le Mondial, il y avait une foule qui m’attendait à l’aéroport, raconte Stacey en entrevue avec La Presse, après l’entraînement de son équipe à l’Auditorium de Verdun. Mon visage était peint sur une roche. J’étais sur un panneau d’affichage [à Kahnawake]. Pour une petite communauté comme ça, c’était une grande réalisation. »

Stacey a été la première joueuse de hockey mohawk de Kahnawake à représenter le Canada. Aujourd’hui, elle fait partie d’une poignée de six joueuses autochtones sous contrat dans la LPHF (selon le site indigenoushockey.com). Cela en a fait un modèle, chez elle.

« Quand je vais jouer dans des tournois autochtones, les jeunes filles me reconnaissent. Tu peux voir à quel point elles sont contentes de simplement me rencontrer. […] C’est bien de jouer ce rôle pour montrer que tout est possible. Parce que ce l’est, mais il faut travailler fort pour s’y rendre. »

« Admirable »

L’athlète de 27 ans sait de quoi elle parle. En plus de s’occuper de son fils de trois ans et demi, Brooke Stacey n’a fait que ça, travailler sur sa forme physique, dans les derniers mois. D’autant qu’elle ne s’est jamais vraiment remise à 100 % de son accouchement par césarienne. Elle parle notamment de « douleurs » au dos qui tardent à s’estomper.

« Je dois m’occuper de ça et me concentrer sur ma force, mon conditionnement, ma respiration. Maintenir mon corps au niveau et être prête, parce que je n’ai pas été ici depuis décembre. »

Brooke Stacey a été libérée du camp d’entraînement de l’équipe de Montréal à ce moment. Entre-temps, elle a continué à enfiler ses patins, participant à des ligues de garage masculines et à des tournois autochtones. La vérité, c’est que l’attaquante ne s’attendait pas à recevoir l’appel de la DG.

« Je ne pensais pas que ça allait se produire, dit-elle. Quand j’ai été libérée, [Danièle Sauvageau] m’a dit qu’il y avait une chance, mais que c’était peu probable, parce qu’elle avait déjà ses joueuses de réserve. Mais personne ne pensait qu’il y aurait un tel roulement. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK LPHF MONTRÉAL

Brooke Stacey

C’est l’un des constats de cette première saison dans la LPHF : au fil des matchs et des blessures, on a fait appel à plus de joueuses que prévu pour pourvoir les postes. À ce titre, Catherine Dubois et Alex Poznikoff constituent deux exemples qui pourraient inspirer Stacey pour la suite : ces deux joueuses ont commencé la saison comme réservistes et ont finalement obtenu un contrat en bonne et due forme avec l’équipe le mois dernier.

« C’est une joueuse qui fait extrêmement attention à sa condition physique, a noté Sauvageau, jeudi matin, lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle avait remarqué chez Stacey. […] C’est impeccable. »

Et ce, malgré le fait qu’elle n’a pas fait partie de l’équipe cette saison.

Lorsqu’elle est arrivée, je me suis dit qu’elle allait peut-être être déphasée, mais pas tant que ça. Je trouve que c’est admirable.

Danièle Sauvageau, à propos de Brooke Stacey

Même son de cloche de la part d’Éric Houde, un des adjoints de l’entraîneuse-chef Kori Cheverie, actuellement affecté auprès de l’équipe nationale canadienne aux Championnats du monde.

« Je trouve ça le fun qu’une joueuse comme ça ne se soit pas découragée, dit-il. On l’a rappelée. Il reste cinq matchs, les séries. Ça va être encore plus serré, plus robuste. Justement, nos joueuses de réserve, ça va être important qu’elles soient prêtes à embarquer, parce que ça va vite. »

Et ses atouts – « un bon gabarit, une bonne patineuse » – pourraient s’avérer intéressants dans ce circuit qui surprend par son jeu physique, croit Houde.

« Je suis sûr que si on a besoin d’aide, elle sera en mesure de faire le travail. »

« Si je peux rester ici, merveilleux »

Le parcours de Brooke Stacey dans le hockey, comme celui de bien des joueuses, n’a pas été lisse comme une patinoire fraîchement resurfacée. Elle a fréquenté l’académie de hockey de Cornwall, en Ontario, après quoi elle a obtenu une bourse pour se joindre aux Black Bears de l’Université du Maine, de 2014 à 2018. Elle y a étudié la sociologie.

A suivi un bref séjour avec le Linköping HC, en Suède, avant qu’elle se joigne aux Beauts de Buffalo en 2019, dans ce qui est devenu la Premier Hockey Federation (PHF), puis à la Force de Montréal en 2022-2023. La ligue a été dissoute l’été dernier.

Entre-temps, elle est aussi devenue mère. Lors de notre discussion avec celle qui réside toujours à Kahnawake, son fils est à la garderie. Le père résidant dans le Maine, elle dit avoir un bon réseau qui la soutient ici.

« Je dois quitter la maison à 7 h 30, alors ma mère l’amène à la garderie le matin, explique Stacey. C’est un ajustement de devoir dépendre des gens. Mais elle dit que c’est tout à fait correct. Et même si on doit déménager, elle serait prête à déménager avec moi pour la saison. »

Parce que même si son « premier choix » serait d’obtenir un vrai contrat avec Montréal, elle ne se fait pas d’illusions sur son avenir incertain en LPHF.

Le seul problème si je déménageais serait de m’éloigner du père de mon enfant. On n’est pas ensemble, mais je ne voudrais pas lui faire cela à lui, ni à mon fils, parce qu’il le voit déjà de façon limitée.

Brooke Stacey

En plus de Montréal, elle considère Ottawa et Boston comme des options, vu la relative courte distance avec l’État américain. Mais pas Toronto, et encore moins le Minnesota.

« Mon enfant a un an de plus à la garderie, et ensuite on verra. Si je peux rester ici, merveilleux. »

Entre-temps, elle doit « attendre son heure » (it’s a waiting game).

« Je ne souhaite à personne de se blesser, assure-t-elle. Mais si ça arrive, je suis là. »