L’entraînement des Montréalaises de la LPHF vient de se terminer. Les deux joueuses tchèques de l’équipe, Dominika Lásková et Tereza Vanišová, s’amènent pour leur entretien prévu avec La Presse. Elles prennent place sur deux sièges de l’Auditorium de Verdun, devant la glace qu’elles viennent de quitter. Ce qui suit est l’essentiel de leur discussion avec le représentant de votre quotidien.

Jean-François Téotonio : J’ai deux bonnes nouvelles pour vous, d’entrée de jeu. La première, c’est que la Tchéquie vient tout juste de remporter la médaille de bronze au Championnat mondial junior, avec une belle remontée en fin de match.

Dominika Lásková : Oh, vraiment ? C’est super !

Tereza Vanišová : Ils le méritent… après qu’ils vous ont battus, les Canadiens ! [rires]

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Tereza Vanišová entourée de cinq joueuses adverses lors du match inaugural à Ottawa

JFT : C’est bien correct ! Avez-vous l’impression que le hockey tchèque va particulièrement bien ces temps-ci ?

TV : En plus, l’équipe U18 des Tchèques a remporté un match hors concours contre les Américaines, hier. C’est la première fois que ça arrive.

DL : La plupart des garçons vont maintenant jouer en Amérique du Nord, au niveau junior ou collégial. À la maison, les filles jouent avec les garçons, puis se dirigent vers la première ligue suédoise. Ça les aide, puisqu’elles évoluent contre des joueuses des équipes séniors. Il y en a d’autres qui viennent au collège ici, et je crois que c’est bon pour les jeunes joueuses tchèques.

TV : On n’a pas de ligue professionnelle à la maison. Tu dois donc quitter le pays pour aller jouer à l’international. Ou jouer avec les garçons…

JFT : Vous avez joué avec les garçons ? Jusqu’à quel âge ?

TV : J’ai arrêté à 19 ans ! Tous les deux, en fait. C’est long, non ?

DL : Mais ça change de plus en plus. Les filles quittent la Tchéquie pour les États-Unis, la Suède ou la Finlande autour de 16, 17 ans maintenant.

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La défenseure Dominika Lásková (96) s’est retrouvée derrière la gardienne Ann-Renée Desbiens pendant le match à Ottawa, mardi.

JFT : La deuxième bonne nouvelle, c’est que le match inaugural de la LPHF entre New York et Toronto a attiré 2,9 millions de téléspectateurs au Canada.

TV et DL : Wow !

DL : Honnêtement, c’est vraiment bon.

JFT : Ça vous fait quoi de savoir qu’autant de gens s’intéressent au produit de la LPHF ?

DL : Même chez nous, les gens nous suivent. Personnellement, je m’intéresse à comment c’est perçu en Tchéquie, parce que j’essaie de faire grandir le hockey là-bas. C’est bon de savoir que les gens nous soutiennent. On en parle aussi chez nous, pas juste en Amérique du Nord.

Tereza Vanišová, une attaquante, et Dominika Lásková, une défenseure, ont toutes les deux 27 ans. Elles évoluent ensemble dans l’équipe nationale tchèque depuis l’adolescence. À Montréal, c’est la deuxième fois qu’elles sont jumelées chez les pros. L’an dernier, elles ont remporté le championnat de la Premier Hockey Federation avec le Six de Toronto.

JFT : Vous vous connaissez depuis longtemps. Quel genre de chimie avez-vous développé sur la glace ?

TV : On a joué sur le même trio pendant une bonne partie de la saison dernière. On se voit bien sur la patinoire.

DL : Je jouais en tant que centre et on était jumelées ensemble. Puisqu’on se connaît depuis plusieurs années, elle sait à quoi s’attendre de moi, et vice versa. Maintenant que je suis en défense et elle est une ailière, c’est différent, mais je sais quand même ce qu’elle va faire sur la glace.

TV : On se regarde jouer depuis beaucoup trop longtemps…

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Dominika Lásková déjoue la gardienne Marlène Boissonnault à l’entraînement.

JFT : C’était difficile de faire la transition de centre à défenseure ?

DL : Ce l’était au début, mais ce n’est pas la première fois que je le fais. J’ai grandi en tant que défenseure, puis j’ai été attaquante au collège [Merrimack]. Je trouve que c’est plus facile de passer d’attaquante à défenseure que l’inverse, parce que les attaquants doivent patiner un peu plus. […]

JFT : Dominika, j’ai entendu dire que tu es la rigolote du groupe. C’est vrai ?

Des regards complices et l’hilarité s’ensuivent.

DL : Qu’en penses-tu, T ?

Tereza éclate de rire.

TV : Elle est quelque chose !

DL : Oui, je suis la comique [I am the goofy one]. C’est important d’amener cette énergie positive dans le vestiaire. Je pense que c’est plus nécessaire que ce que les gens peuvent penser.

TV : Parfois, quand Dominika n’est pas là, j’ai l’impression que c’est silencieux… Puis elle arrive, et la pièce s’allume !

JFT : Tereza, depuis ton arrivée ici, ton entraîneuse-chef te fait jouer sur le premier trio, à la gauche de Marie-Philip Poulin. T’attendais-tu à ça ?

TV : Non, aucunement. On a commencé le camp ensemble et on l’est encore aujourd’hui. On va voir comment ça se passe… Ça a été correct, jusqu’à présent.

[Rires]

TV : Je blague ! C’est une joueuse de hockey extraordinaire.

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Tereza Vanišová et Laura Stacey (7) avec la gardienne Marlène Boissonnault

JFT : Et comment aimez-vous Montréal depuis votre arrivée à l’automne ?

DL : C’est très bien ! On vit à 10 minutes d’ici, à quelques minutes de marche. La rue Wellington est très belle. On a un petit appartement, deux chambres.

Les deux joueuses sont colocataires.

TV : J’ai l’impression qu’on n’aura pas beaucoup de temps pour visiter la ville, cependant.

DL : On a pu la voir un peu plus quand on était dans un hôtel au centre-ville.

JFT : Dominika, j’ai vu sur une publication Instagram du mois de septembre, après que tu as été repêchée par Montréal, que Duolingo allait devenir ta nouvelle appli préférée. Est-ce que tu rends Duo heureux ?

DL : Pas vraiment [rires]. On s’exerce, mais c’est difficile [d’apprendre le français].

TV : C’est plus moi qui m’exerce.

DL : T s’exerce et moi, j’écoute.

TV : Elle ne veut pas exercer son français avec moi.

DL : On connaît deux phrases.

JFT : J’aimerais les entendre, s’il vous plaît.

Tereza se lance dans un très honorable « Bonjour, comment ça va ? Je vais bien. »

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Dominika Lásková

JFT : Dominika, avant d’être repêchée par Montréal, tu avais signé une entente avec le Luleå HF, en Suède. Comment as-tu pris ta décision de venir à Montréal malgré ton entente avec ce club ?

DL : C’était à l’été, je devais prendre une décision. Je savais que le repêchage ici était en septembre et que le calendrier allait commencer en janvier. Alors je voulais être prête dans l’éventualité où je serais repêchée. Dans mon contrat avec Luleå, c’était indiqué que je pouvais partir pour venir ici. […] C’était une belle expérience. J’étais triste parce que je n’aime pas partir en milieu de saison. Mais je devais le faire pour poursuivre ma carrière. C’était une évidence que je devais venir ici. J’ai joué 14 matchs là-bas, ce qui est mieux que rien. J’ai pu prendre un bon rythme.

JFT : Le professionnalisme de haut niveau de la ligue ici est difficile à refuser.

DL : Je ne mentirai pas, les salaires sont meilleurs ici qu’ils ne le sont en Suède, même si les conditions y sont bonnes. Mais si on te demande si tu veux jouer avec la meilleure joueuse au monde ou rester en Suède, tu vas choisir ce que tu préfères, n’est-ce pas ? Je pense que je peux parler au nom de Tereza : c’est un rêve devenu réalité que de jouer avec et contre les meilleures joueuses au monde. Au quotidien, pas juste une ou deux fois dans le cadre des tournois internationaux. On peut se comparer tous les jours. Ça va nous aider lorsqu’on va retourner en équipe nationale.

JFT : À quel point étiez-vous contentes de vous retrouver ensemble à Montréal ?

DL : J’étais encore plus contente que toi !

TV : On ne s’y attendait pas. Ce n’était pas prévu.

DL : On a été chanceuses, parce qu’on se disait qu’on voulait être dans la même équipe.

TV : Et qu’on voulait rester au Canada ! Je ne sais pas pourquoi, mais je préfère le Canada aux États-Unis.

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Tereza Vanišová

JFT : Pensez-vous que d’autres joueuses de l’Europe vont vouloir faire le saut en LPHF prochainement ?

TV : Je pense qu’elles veulent venir. C’est une ligue de meilleure qualité, le hockey est différent de l’Europe. […]

DL : Des joueuses de la Suède, de la Finlande et de la Tchéquie m’ont demandé comment ça se passe jusqu’à présent. J’espère qu’il y aura plus d’Européennes, parce qu’on peut amener beaucoup à ce style de hockey. On veut montrer qu’il n’est plus juste question du Canada ou des États-Unis [rires].

TV : Ça va améliorer les équipes nationales et les championnats du monde. Les tournois seront plus équilibrés, l’écart sera moins grand. Ça va aider tout le monde, et surtout le développement du hockey féminin.

Les propos ont été modifiés à des fins de concision.

Montréal visite le Minnesota, ce samedi à 15 h 30. Le match sera diffusé à RDS2 et CBC.