Prendre un pas de recul n’est pas toujours chose aisée. Mais c’est parfois nécessaire pour, éventuellement, mieux avancer.

Le 9 mars 2019, Brandon Gignac disputait son premier et, encore à ce jour, son seul match dans la LNH. C’était avec les Devils du New Jersey, l’équipe qui l’avait repêché au troisième tour trois ans plus tôt.

Gignac s’en souvient très bien. Le vendredi soir, il avait joué un match avec son équipe, le club-école des Devils à Binghamton ; le premier d’une série de trois en trois soirs. En pleine nuit, il a reçu un appel lui annonçant qu’il venait d’être rappelé par le grand club pour le match du lendemain au Madison Square Garden.

« J’ai eu de la misère un peu à dormir après, surtout qu’il fallait que je me lève à 6 h », relate-t-il au bout du fil de Syracuse, où le Rocket de Laval disputera son prochain match, ce mercredi.

L’attaquant juge avoir joué une bonne première rencontre dans la grande ligue, même s’il a été sur la glace pour deux buts des Rangers de New York.

Depuis, la LNH n’est que souvenir pour l’actuel meilleur marqueur du Rocket. La suite ne s’est pas exactement passée comme souhaité. Le directeur général des Devils qui l’avait repêché à l’époque, Ray Shero, a été congédié en janvier 2020.

« C’était tout à refaire, se souvient-il. Je sais que Ray Shero m’aimait beaucoup au repêchage. C’était un peu une déception quand il est parti, mais il fallait que je me prouve à nouveau. […] On dirait qu’ils ont un peu décroché de moi. Je n’étais pas dans leurs plans. C’était difficile, avec les minutes et le temps de glace que j’avais. Le coach [Mark Dennehy], je n’étais pas son favori. »

Le joueur de centre, pour qui il s’agissait d’une troisième saison avec l’organisation, avait de la difficulté à accepter la tournure qu’avaient prise les choses. « Je n’étais comme plus heureux. Ma confiance était au plus bas, donc c’était difficile pour moi de remonter », raconte-t-il.

La saison suivante, il a disputé deux rencontres avec le club-école avant de prendre la décision de plutôt aller jouer dans la East Coast Hockey League (ECHL). « Je voyais que je ne jouais pas plus et j’étais vraiment tanné. »

Autrement dit, il était temps de prendre un pas de recul.

Direction Jacksonville, en Floride.

« C’était difficile à accepter au début de redescendre d’une ligue. Je me disais : crime, je suis en masse capable de jouer dans la Ligue américaine. C’est juste que je n’[avais] pas l’occasion de le faire [à] ce moment.

« Ç’a vraiment bien été là-bas, c’était super cool. Ça m’a fait grandir comme joueur de hockey et comme personne, ce petit step back là. »

La confiance

Après sa saison en Floride, Gignac s’est retrouvé libre comme l’air alors que son contrat de trois saisons avec les Devils prenait fin. Il s’est donc entendu avec le Rocket pour un contrat d’une saison à un volet, avant la saison 2021-2022.

« J’ai pris ça comme une année pivot. Je me suis dit : il faut que je me rebâtisse une réputation et que je montre à la ligue que je suis en masse capable d’y jouer. »

Mission accomplie : Gignac a notamment été un élément important dans le long parcours de l’équipe en séries, avec 9 buts et 4 aides en 13 rencontres éliminatoires.

C’était vraiment cool de reprendre confiance en moi et de me redécouvrir en tant que joueur.

Brandon Gignac

Il a ainsi convaincu l’organisation de lui offrir une seconde entente, toujours à un volet, mais d’une durée de deux ans celle-là. L’an passé, il a récolté 33 points en 49 parties. Et le voilà qui occupe cette année le premier rang des marqueurs de l’équipe et le 13e de la Ligue américaine avec 8 buts et 16 mentions d’aide pour 24 points en 25 matchs.

« La plus grosse différence dans mon jeu cette année, c’est la confiance », lâche l’attaquant de 26 ans.

Après avoir commencé la campagne au sein du quatrième trio, Gignac évolue aujourd’hui sur le premier trio de l’équipe, qui connaît une saison difficile. « J’ai montré que j’étais capable de bien jouer dans les deux zones. Ça a comme montré à J-F [Houle, l’entraîneur-chef] que “crime, il fait bien cette année”. Il m’a donné une chance, et je l’ai saisie. »

Avec les nombreuses blessures chez le Canadien, plusieurs joueurs du Rocket ont été rappelés dans les dernières semaines. Du lot, les attaquants Mitchell Stephens et Emil Heineman. Il est permis de croire que, si Gignac avait possédé un contrat à deux volets, il aurait obtenu sa chance.

« On travaille fort, avec mon agent, pour essayer de m’en dénicher un, un jour. Je lui laisse ça entre les mains.

« C’est dur de ne pas y penser quand [un joueur est rappelé], admet-il toutefois. J’ai tout le temps une petite lueur d’espoir à chaque fois, mais dans un autre sens, il faut que je me concentre sur la prochaine game. Je suis vraiment focus sur le moment présent. Si ça a à arriver, je vais être prêt, c’est sûr. Si ça n’arrive pas là, ça va arriver un jour, j’en suis convaincu. »

Au bout du compte, les rappels de ses coéquipiers, pour qui il est « tout le temps content », lui démontrent qu’il n’est pas si loin de son but ultime. « Il faut que tu voies ça comme une source de motivation. »