L'ancien portier du Canadien Cristobal Huet, qui a connu ses heures de gloire à Montréal au milieu des années 2000, est aujourd'hui entraîneur des gardiens du club Lausanne HC, en Suisse. Notre journaliste Guillaume Lefrançois est allé à sa rencontre.

(Lausanne, Suisse) Il y a de ces histoires qui ne s’inventent pas. Le jour de notre passage, le Lausanne HC affronte l’EHC Kloten. Le gardien numéro 1 de Lausanne étant blessé, on confie le filet à Kevin Pasche, un portier de 20 ans qui disputera son tout premier match en ligue nationale suisse. Ce Kevin Pasche travaille sous les ordres d’un certain Cristobal Huet, entraîneur des gardiens de Lausanne.

« Je le connais depuis que j’ai 10, 12 ans, estime Pasche. La première fois que je l’ai vu, c’était à Villars, son fils jouait là. Ensuite, [Cristobal] jouait à Lausanne, donc je le regardais beaucoup. Je suis fan de Chicago parce qu’il jouait là-bas. »

Et évidemment, Pasche a repoussé les 25 tirs de Kloten pour imiter Zachary Fucale, Yann Danis et Mario Gosselin en amorçant sa carrière dans une grande ligue avec un jeu blanc.

« C’est cool pour lui, c’est un jeune d’ici, je l’ai coaché quand il avait 10 ans. Bah ! je lui ai donné un coup de main et après, il a fait son chemin », laisse tomber Huet.

Sa carrière de joueur est terminée, mais pas sa carrière au hockey. L’ancien gardien du Canadien bosse donc pour le club qui l’a accueilli de 2012 à 2018, le club où il a gagné un championnat et où il en a fait suffisamment pour que son dossard numéro 39 soit hissé au plafond.

« J’avais un peu la peur du vide, confie-t-il à La Presse. Je ne voulais pas arrêter et rien faire. Le plus évident était de coacher les gardiens, car c’est ce que je maîtrise le plus. »

Huet nous prévient : il ne faut pas « forcément » y voir la première étape d’une ascension vers un poste d’entraîneur-chef.

Pour l’instant, cette position me va. Peut-être que je ne ferai pas ça toute ma vie, mais ça me convient en ce moment.

Cristobal Huet, entraîneur des gardiens du club Lausanne HC

Ses inspirations ? « C’est inévitable d’avoir des mentors et de reproduire ce qu’ils ont fait. Tom Hedican à Lugano, Roland Melanson à Montréal, Stéphane Waite à Chicago… On prend les bonnes choses de chacun et on essaie de les appliquer. »

La pression de Montréal

Le passage du Français à Montréal aura été rocambolesque. Arrivé à 29 ans, sans attente aucune, dans une transaction conclue avant un lock-out d’un an, il a atteint le statut de rockstar. De 2005 à 2008, soit pendant ses trois saisons à Montréal, il a présenté le meilleur taux d’efficacité dans la LNH.

D’un autre côté, le but accordé à Cory Stillman en prolongation du sixième match contre les Hurricanes de la Caroline, en 2006, et la défaite de 6-5 à Toronto dans le 82match de la campagne 2006-2007 font partie des moins bons souvenirs. La promotion précoce de Carey Price, à l’âge de 20 ans, a signifié son chant du cygne.

« Je pense que j’étais à un stade de ma carrière où j’ai pu profiter de l’expérience de jouer pour le Canadien de Montréal. Parce que j’étais plus vieux, et parce que c’était quand même cool ! », laisse-t-il tomber, poussant le rire du gars qui réalise l’évidence de ce qu’il vient de dire.

C’est vrai que ce marché peut être dur pour un jeune Québécois. Moi, je n’étais pas québécois. Mais j’ai vu aller Théo [José Théodore], c’était tough. Quand Carey est arrivé, ç’a été plus tough, mais ç’aurait été la même chose à Toronto ou à Vancouver. Moi, j’ai pu en profiter, j’ai pu jouer librement, à cause de mon âge. Mais pas tout le monde n’est dans cette situation.

Cristobal Huet

Pour ajouter à ses bons souvenirs, il a pu faire équipe avec David Aebischer, devenu un ami parce que leurs destins semblent toujours les lier. Le Suisse est maintenant l’homologue de Huet, entraîneur des gardiens à Fribourg-Gottéron.

« Il est encore avec sa femme, pas moi ! Mais nos femmes à l’époque s’entendaient bien, on passait Noël ensemble. J’ai toujours été proche, la plupart du temps, des autres gardiens de mon équipe. Il était suisse, on avait des choses en commun. On voulait jouer les deux, mais on faisait la part des choses, on séparait le hockey du reste. »

L’an passé, Huet et Aebischer se sont de nouveau côtoyés à Québec, dans le cadre du Tournoi international de hockey pee-wee. « On est coachs des gardiens les deux, donc on se parle passablement. Lui aussi, son fils est gardien. C’était deux super semaines à passer avec lui. »

Un scandale et une Coupe

De Chicago aussi, ses souvenirs sont mitigés, surtout que ce chapitre a continué de s’écrire par après. C’est pendant son séjour en Illinois que Kyle Beach a été victime d’agression sexuelle, souillant l’image glorieuse que les Blackhawks avaient cultivée pendant la décennie 2010.

« J’ai été contacté [par les enquêteurs], j’ai répondu, affirme Huet. De mon côté, j’étais peut-être plus à part, car je suis gardien, je suis francophone. Je ne sais pas ce que les autres ont dit, mais moi, je n’ai rien vu. »

(Note : l’entrevue a eu lieu une semaine avant qu’une deuxième présumée victime de l’ancien entraîneur vidéo de l’équipe Brad Aldrich ne se manifeste.)

Chicago, c’est à la fois là où ça s’est terminé pour lui dans la LNH, et là où il a décroché la bague tant convoitée.

« Je n’ai pas joué mon meilleur hockey. À l’inverse, c’est à ce moment que l’équipe a complètement switché, on connaît cette génération. J’ai été chanceux de me retrouver dans cette équipe à cette période-là. On apprécie toujours plus les moments où on joue du bon hockey. Mais mon petit est là-bas et j’ai gagné la Coupe Stanley. »

Alors, entre une Coupe Stanley comme gardien réserviste ou un championnat de Suisse à Lugano comme titulaire ? « On n’a qu’une Coupe Stanley. C’est dur de la gagner. Je n’échangerais aucun des deux. »