Travailler en duo pendant plus de 20 ans et décrire près de 1500 matchs de hockey, ça forge la complicité.

S’ils étaient d’abord collègues, Martin McGuire et Dany Dubé sont devenus de véritables amis. Plus encore, des confidents. Et c’est pourquoi ils sont devenus des références dans leur domaine.

Lancé la semaine dernière, le livre Bon match !, écrit en collaboration avec François Couture, retrace le parcours de ces hommes dont la voix a fait frissonner des millions d’amateurs de hockey québécois depuis l’automne 2002.

Il y a un an, presque jour pour jour, Couture est entré en contact avec les deux descripteurs du réseau Cogeco. Il était d’abord un auditeur. Puis, il s’est transformé en recueilleur de souvenirs. « J’ai réfléchi plus longtemps », avoue McGuire, du haut de la passerelle avant le match préparatoire contre les Maple Leafs de Toronto, vendredi dernier.

« Est-ce que c’est prétentieux ? s’est-il demandé. Je ne voulais pas me répandre pendant 240 pages. Mais François nous a compris, car il nous écoutait. Il nous a suivis et il a saisi qui on était. »

Dany Dubé a compris, au bout du processus, pourquoi ce livre devait être écrit : « Il nous a convaincus que notre histoire était une belle histoire, parce qu’on est deux chums. »

L’amitié

Lorsque McGuire et Dubé se sont retrouvés dans leur cabine juste avant le début de l’entrevue, ils se sont fait une accolade comme s’ils ne s’étaient pas vus depuis des lunes.

Comme deux potes lors de la rentrée scolaire. Cependant, ils se côtoient régulièrement. Même lorsque la lumière rouge indiquant la mise en ondes est éteinte.

Avec le temps, ils sont devenus de véritables amis. Ils sont présents lors des réunions de famille de chacun et leurs conjointes sont également devenues très proches.

Et cette amitié est la colonne vertébrale de ce livre de 248 pages publié aux Éditions de l’Homme.

Notre amitié est devenue plus importante que notre rapport de collègues ou que notre travail.

Martin McGuire

Selon lui, « lorsque le côté professionnel va être fini, on sera encore des chums et on va s’appeler encore souvent. La chimie professionnelle a opéré instantanément », se souvient-il.

À l’époque, Dubé était d’abord épaulé par Pierre Rinfret à la description. Mais lors du week-end du Super Bowl de 2002, McGuire a été appelé pour remplacer Rinfret. La chimie avait été telle que la direction a engagé McGuire pour le début de la saison suivante. Vingt ans plus tard, les deux hommes sont encore aussi passionnés par leur travail. Et ils sont surtout toujours aussi complices.

« La joie qu’on a à être là ensemble, tous les deux, ça s’entend », croit Dubé.

Le duo pense, en effet, que cette connivence explique son succès et sa durée à l’antenne.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Dany Dubé et Martin McGuire

Aimer son travail

Parmi les quelque 1500 matchs décrits, certains ont assurément été moins enlevants. Des matchs du mois de mars, en semaine, opposant deux équipes exclues du portrait des séries éliminatoires, par exemple.

Pourtant, chaque fois, la même passion les anime. Comme si les deux formations se battaient pour une place au bal du printemps. Comment est-ce possible ?

« En aimant sa job », répond McGuire.

« Tu ne peux pas être un bon chef et avoir un bon restaurant si tu deviens blasé par la cuisine. Tu ne peux pas être un bon chroniqueur politique si la politique commence à te blaser », poursuit-il.

Pendant la durée d’une saison, il rate un maximum de deux entraînements, rapporte-t-il. « Sûrement pour des rendez-vous chez le dentiste. Et ce n’est pas une torture d’aller aux pratiques. Cet amour-là du sport, on l’a tous les deux. »

Pour Dubé, « le résultat du match, c’est du crémage. Si le Canadien ne gagne pas, ça ne nous empêche pas de faire notre travail. On prend un malin plaisir à bâtir l’histoire du match ».

L’objectivité

Avec l’avènement des réseaux sociaux et la propension aux commentaires, la rigueur et l’importance des faits, sans partisanerie, est une denrée qui se fait parfois plus rare.

Pour les deux hommes, il est impératif de garder la même ligne de conduite qui a défini leur travail et leur analyse au cours des deux dernières décennies.

« C’est vital », martèle Dubé.

Même s’ils côtoient les joueurs du Canadien sur une base presque quotidienne et que la majorité de leurs auditeurs sont des partisans du Tricolore, l’exactitude, l’objectivité et la critique font partie intégrante de leur identité.

On est au service des auditeurs. Les gens aujourd’hui écoutent avec une oreille attentive et ne veulent pas être bernés. Il faut dire les choses telles qu’elles le sont. Parce que la journée où les gens ne croient plus en toi, ça ne passe plus.

Martin McGuire

Ce dernier raconte même une anecdote à propos d’un ancien joueur du Canadien : « Ce joueur nous a dit que les éléments de l’analyse de Dany, qu’il écoutait en retournant chez lui, il les entendait dans les rencontres d’équipe avec les entraîneurs le lendemain. »

La ligne est mince entre le commentaire critique et le commentaire partisan. Surtout lorsque les sujets sont des personnes gravitant dans le même environnement : « On n’est pas les amis des joueurs. On se salue poliment. Et ils respectent ça de nous, parce qu’ils nous le disent après leur carrière », soutient Dubé.

Si l’amitié est impossible entre les joueurs et eux, elle est névralgique entre les deux vedettes du 98,5 FM. Parce que rendu au bout, lorsque la lumière rouge annoncera la fin des émissions, il restera ça.

Bon match !

Bon match !

Éditions de l’Homme

248 pages

En rafale

Le match que vous aimeriez décrire à nouveau

McGuire : « Le match de la remontée sur les Rangers de New York, parce que j’ai raté la description du but en fusillade de [Saku] Koivu. Je n’avais plus de voix. Je l’ai pris trop haut au début et ça a accroché. »

Dubé : « Le match de la finale olympique de 2014 à Sotchi. De pouvoir faire de la télé [à Radio-Canada] avec Martin, c’est un des moments qui me rend le plus fier. »

Le match que vous auriez préféré ne pas décrire

McGuire : « Le match où [Max] Pacioretty s’est fait presque estropier devant nous. C’était vraiment triste. On est passé à un demi-centimètre d’un drame. »

Dubé : « Chara-Pacioretty, j’aurais aimé sauter mon tour, moi aussi. »

Le meilleur aréna pour la description

McGuire : « Boston ! C’est toujours le feeling qu’il y a avant un duel Canadien-Bruins. L’amphithéâtre est laid, les murs sont noirs, mais on a fait quatre septièmes matchs. »

Dubé : « À Boston, ça sent la chicane. »

Le pire aréna pour la description 

McGuire : « L’ancien aréna des Islanders de New York. En deuxième place : Nashville. Pour les commentateurs, parce que Nashville n’a pas de galerie de presse comme telle. C’est comme s’ils avaient creusé une galerie de presse dans le mur derrière la dernière rangée de gradins. »

Dubé : « Anaheim. Ça n’a pas de bon sens parce que c’est minuscule. On n’a même pas de technicien avec nous autres. C’est n’importe quoi. »

La personnalité vous ayant agréablement surpris

McGuire : « Brad Marchand. Il nous a toujours parlé avec beaucoup de classe, d’humour et de respect. »

Dubé : « Barry Trotz. Il a toujours été d’agréable compagnie. Il est très charmant. »

Le joueur vous ayant le plus déçu

McGuire : « Le Max Domi de la deuxième saison versus celui de la première. On a vu l’antithèse de ce qu’on avait vu l’année d’avant. J’ai été très déçu par ça. »

Dubé : « Mike Komisarek. Avec les Leafs, il est devenu sarcastique. Ça m’avait déçu. On a vu une autre facette de lui. »