(Winnipeg) Quand une équipe cumule 41 défaites en 54 matchs, on peut présumer qu’elle a épuisé toutes les manières différentes de perdre. Or, le Canadien a trouvé un modèle quasi inédit en causant lui-même sa propre perte.

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C’est une étrange rencontre que celle qui s’est déroulée sur la glace du Canada Life Center de Winnipeg et qui s’est soldée par une défaite de 8-4 des visiteurs. Chacune des équipes a marqué quatre buts consécutifs – les Jets l’ont même fait deux fois. Les arbitres distribuaient les punitions comme s’ils étaient payés à la commission. Chris Wideman a jeté les gants devant Mark Scheifele, qui le déclasse de cinq bons pouces et presque 30 livres…

Cette défaite-là, le Tricolore se l’est lui-même « infligée », a estimé l’entraîneur-chef Martin St-Louis après coup. Et cette longue séance d’autosabotage s’est déclinée de différentes manières.

Du point de vue le plus général qui soit, se placer en déficit 0-4 après moins de 10 minutes de jeu n’est pas une pratique qui est recommandée par les plus grands penseurs du hockey. De manière un peu plus spécifique, écoper de sept punitions mineures n’est pas le plus malin des plans non plus, surtout quand elles se produisent à répétition en zone offensive, et encore davantage contre une attaque aussi létale que celle des Jets de Winnipeg.

« Je vais parler pour moi-même : je ne peux pas être assis au banc des pénalités », a convenu Brendan Gallagher, coupable de deux offenses consécutives en troisième période qui ont mené à deux buts.

« Leur avantage numérique est trop bon pour leur donner autant de chances. Je ne peux pas faire ça », a chuchoté l’attaquant devant les membres des médias. À sa sortie de la salle de presse, il a retrouvé sa voix en hurlant un vilain mot, que nous tairons dans un journal familial.

Détails

Si l’on continue d’ajuster la lentille, il y a les bonnes vieilles petites choses. Ce revirement grossier de Mike Hoffman qui a mené au but d’Adam Lowry à court d’un homme. Cette rondelle perdue en contre-attaque par Joel Armia, en désavantage numérique, qui a pavé la voie au but de Pierre-Luc Dubois.

St-Louis, lui, a souligné les tout petits détails. Comme ce dégagement refusé à Alexander Romanov, qui s’était débarrassé de la rondelle « deux pieds derrière la ligne rouge » juste avant le premier but des Jets.

« Je crois que tous les jeux sont importants », a précisé l’entraîneur. Celui de Romanov « n’était pas gros, mais il a changé la période ».

Quant à l’enfilade de punitions imposées à son équipe, elle a eu comme conséquence de « donner du temps » aux meilleurs joueurs des Jets pour « gagner en confiance, toucher à la rondelle » et « faire mal » à son équipe en avantage numérique.

Ce point est particulièrement intéressant, car ladite confiance des joueurs des Jets est extrêmement fragile par les temps qui courent. Les Winnipégois avaient perdu quatre de leurs cinq matchs précédents, dont deux contre des adversaires directs dans leur course vers les séries éliminatoires.

Dès que Josh Anderson a réduit l’écart à 4-1 en première période, on a senti que les avions à réaction étaient ébranlés. À 4-3, il était clair que le Canadien égalerait la marque – précisément ce qui s’est produit.

Mais les joueurs du CH ont renoué avec leurs visites au banc des punitions. Et la confiance est revenue dans l’autre camp. Avec le résultat qu’on connaît.

Au moins, on a vu dans cette remontée de quatre buts du matériel pour « construire » en vue des prochains matchs.

« À 0-4, les gars se sont accrochés ; il restait beaucoup de hockey à jouer, et j’ai aimé la manière dont on s’est battus », a souligné Josh Anderson, auteur malheureux d’un tour du chapeau éclipsé par la défaite.

Bagarre

On ne pouvait pas ne pas en parler, mais un lourd nuage flottait au-dessus de cette rencontre : Mark Scheifele, qui a presque décapité Jake Evans en séries éliminatoires le printemps passé, devrait-il payer pour ses péchés ?

Pendant 56 minutes, on a cru que non, d’autant plus qu’en matinée, les joueurs des deux camps avaient juré être passés à autre chose.

Puis, il y a eu cette démonstration de pugilat aussi succincte que maladroite entre deux adversaires qui n’appartiendraient pas à la même catégorie dans un combat fédéré. Chris Wideman est rapidement tombé sur le dos et Scheifele est rentré au vestiaire, sourire aux lèvres, en demandant à la foule de l’encourager. Les juges ont remis leurs cartes : avantage Scheifele sur toute la ligne.

Wideman n’ayant pas rencontré les journalistes après le match, il a fallu interroger ceux qui le côtoient pour savoir si cette bagarre était liée aux évènements du printemps – auxquels il n’a pas assisté par ailleurs, puisqu’il s’est joint au CH seulement en juillet.

« J’assume que ça peut être ça », a répondu St-Louis.

Josh Anderson, lui, a confié qu’on avait réprimé la tentation de s’en prendre à Scheifele plus tôt dans le match afin, ironiquement, d’éviter d’écoper de punitions inutiles qui auraient « mis l’équipe dans le trouble ».

Il a toutefois ajouté que Wideman avait « bien réagi » et s’est réjoui qu’un autre affrontement contre les Jets soit prévu le 11 avril, cette fois au Centre Bell.

On écrivait, pas plus tard que la veille, que l’amour existait encore. À l’évidence, le « code » aussi.

Dans le détail

Des frissons !

Ce n’est pas le genre d’élément d’information qui embrase les discussions de Fabi la nuit, mais le Manitoba compte une impressionnante population d’origine ukrainienne – 180 000 personnes, selon un article récent de CBC. Afin de rendre hommage aux immigrés ou aux personnes de cette ascendance qui résident dans la province, les Jets de Winnipeg ont confié l’interprétation de l’hymne national canadien à l’ensemble ukrainien Hoosli, qui a précédé l’Ô Canada par le Chtche ne vmerla Ukraïny, hymne du pays actuellement envahi par la Russie. Les voix masculines qui ont résonné dans l’aréna ont procuré des frissons à tous les spectateurs sur place, qui ont répondu par une chaleureuse ovation. Un moment fort en émotion.

Voyez la performance de l’ensemble HoosliSuzuki et les mises au jeu, la suite

Suzuki et les mises au jeu, la suite

Plus tôt cette semaine, avant de s’envoler pour Winnipeg, Nick Suzuki a commenté ses récents succès au cercle de mise au jeu. Depuis l’arrivée de Martin St-Louis derrière le banc, Suzuki avait en effet remporté 61,7 % de ses duels. Car ça s’est sérieusement corsé pour lui dans ce département contre les Jets : il n’a affiché qu’un maigre taux de réussite de 21 % (3 en 14), une performance plombée par une confrontation à sens unique contre Adam Lowry (1 en 8). C’est justement une mise au jeu perdue par le numéro 14 qui a directement mené au premier but des locaux. Ne qualifions donc pas trop vite le jeune joueur de centre de spécialiste en la matière, encore qu’il ait reçu un autocollant étoilé sur le deuxième but de son équipe, marqué rapidement après une mise au jeu.

Des fleurs pour maman Dubois

Après l’entraînement matinal des Jets, mardi, Pierre-Luc Dubois avait parlé de l’importance pour son équipe d’imposer sa propre loi à l’adversaire en début de match, et non l’inverse. Il avait aussi gentiment détourné une remarque élogieuse d’un journaliste de Winnipeg qui soulignait qu’il avait été une rare bougie d’allumage dans la séquence malheureuse des Jets précédant l’affrontement contre le CH. Visiblement, le Québécois n’entendait pas à rire le soir venu. Il a été directement impliqué dans les deux premiers buts des siens, et il a lui-même marqué en troisième période en logeant la rondelle dans le haut du filet défendu par Samuel Montembeault. Sur la galerie de la presse, Éric Dubois, le père de l’autre, était un spectateur attentif. Celui qui est entraîneur adjoint du Moose du Manitoba, club-école des Jets, a manifestement apprécié le tir de son garçon et s’est exclamé en riant qu’il « tenait ça de sa mère ». Nous lui rendons donc hommage ici.

Ils ont dit

Quand tu donnes quatre buts en première période, tu vas peut-être sortir ton gardien, mais je trouvais que les buts n’étaient pas de sa faute. Comme entraîneur, j’apprends à gérer ça. Après sept, je voulais le protéger un peu.

Martin St-Louis à propos de Samuel Montembeault

À cinq contre cinq, on était la meilleure équipe ce soir. On va corriger les erreurs. Quand tu écoules beaucoup de punitions et que tu essaies de revenir dans le match, tu dépenses beaucoup d’énergie. Je pense qu’on était fatigués.

Martin St-Louis

J’ai vécu des léthargies dans ma carrière auparavant, mais rien comme ça. Tu essaies de te rappeler que c’est un processus plus que des résultats. Dans les cinq ou six derniers matchs, j’ai eu au moins une bonne occasion de marquer, et pour une raison ou une autre, ça ne rentre pas. Je dois continuer à faire ce que j’ai toujours fait.

Brendan Gallagher

C’était un match intéressant. Je ne sais pas si j’en avais déjà vécu un comme ça, avec tellement de punitions et de buts. On aurait pu faire mieux.

Joel Armia

Les punitions à répétition ont été un problème, moi-même j’en ai eu deux en zone offensive. Ça ne peut pas arriver. On s’est tiré dans le pied.

Josh Anderson

En hausse

Josh Anderson

Un choix évident, même si ça se passait déjà très bien pour lui avant la rencontre. Il a inscrit le premier tour du chapeau de sa carrière. Le voilà à 15 buts, un sommet chez le Canadien.

En baisse

Samuel Montembeault

Malheureuse sortie pour le Québécois, qui avait remporté ses trois départs précédents. Sept buts accordés sur à peine 23 tirs.

Le chiffre du match

6

À son 16e match en carrière contre le Canadien, Kyle Connor a connu sa 6e soirée de 2 points ou plus.