C’est un détail qui paraît anodin, mais Josh Anderson a décrit de façon on ne peut plus claire combien la séquence de 10 défaites du Canadien pouvait être lourde à porter.

« Ça fait du bien d’arriver dans le vestiaire et d’entendre de la musique ! », a lancé le gros ailier, dans les instants qui ont suivi la victoire de 3-2 du Canadien en prolongation sur les Blues de St. Louis.

Pour plein de raisons, cette victoire a dû être bonne pour le moral des joueurs en rouge. La musique dans le vestiaire en est une. Les performances de Cole Caufield et de Jeff Petry en sont une autre. Le fait que cette victoire ait été acquise malgré le fait que les Blues — un club équipé pour veiller tard — aient pris l’avance avec 79 secondes à écouler à la troisième période aussi. « On avait le dos au mur », a souligné Martin St-Louis.

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Parlant de lui, ajoutez sa toute première victoire derrière le banc dans la Ligue nationale parmi les facteurs qui rendaient les joueurs joviaux. « On est vraiment heureux pour lui. Il y a beaucoup de fébrilité [buzz] dans le vestiaire », a résumé Caufield, le héros du match.

Le nouvel entraîneur-chef par intérim du CH avait le sourire facile dans son point de presse. « Je suis très fier et très content, mais je sais que s’il y en a un qui est encore plus content, c’est mon père. Il était pas mal stressé que je n’aie pas encore gagné. Je lui ai dit : “Ça s’en vient, p’pa, inquiète-toi pas !” »

« Il y a 10 jours, j’amenais mes gars à l’aréna, je coachais des bantam, et là, t’avances vite, j’ai quatre matchs dans la LNH, j’ai ma première victoire. Mais je suis encore plus content du processus. On travaille fort physiquement et mentalement. »

Le bon jeu

Parlons-en, du processus. On ne connaît pas encore les phrases préférées de St-Louis ; chaque entraîneur en compte quelques-unes dans son répertoire. Certaines sont simplement des clichés, des béquilles. D’autres traduisent réellement la philosophie d’un entraîneur.

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L’entraineur-chef du Canadien, Martin St-Louis

Une que l’on a souvent entendue, et pas seulement à Montréal : « jouer de la bonne façon ». En anglais, play the right way. Dans la culture du hockey, on comprend tous qu’il s’agit de jouer avec intensité, bien sûr. Mais il y a aussi le sous-entendu du bon jeu défensif, responsable, nord-sud, qui évite les risques inutiles.

St-Louis, à notre connaissance, n’a pas encore utilisé cette formule. Écoutez plutôt sa réponse lorsqu’il décrit le but égalisateur, plus précisément la passe de Chris Wideman à Caufield.

« On a été calmes, on a fait le jeu qui était là. On aurait pu tirer la rondelle et personne n’aurait dit que c’était un mauvais jeu, mais on a fait un meilleur jeu. J’essaie de les amener à penser à ne pas toujours juste faire un jeu, mais à faire le meilleur jeu. »

Voilà qui ressemble à un entraîneur porté sur la chose offensive, qui n’a pas peur de demander à son équipe de se porter à l’attaque.

Parlant de cela, son utilisation de Caufield vaut aussi la peine d’être relevée. Avec quatre buts à ses quatre derniers matchs, le petit ailier sort tranquillement de sa torpeur, et même s’il demeure à risque défensivement, St-Louis n’hésite pas à lui faire confiance. Caufield a joué 21 min 4 s, un sommet pour lui dans la LNH, séries comprises.

Explication du coach : « Tu dois avoir tes bons joueurs au bon moment », a d’abord dit St-Louis. Il a ensuite rappelé que le jeune homme avait été coincé au banc en troisième période pendant les pénalités à Petry et à Alexander Romanov, l’une après l’autre. « Donc je savais qu’il avait beaucoup d’énergie à la fin. En plus, quand tu marques le but égalisateur, ça te donne tellement d’énergie. »

St-Louis a donc délégué Caufield pour la première présence de la prolongation. Après une minute de repos, il le renvoyait de nouveau, et c’est sur cette présence que Petry l’a repéré pour le but gagnant.

Et si Petry a pu préparer ce jeu, c’est aussi parce qu’il a couru un risque. Il était sur la patinoire depuis près d’une minute. Bref, il aurait pu refiler la rondelle à un coéquipier en zone neutre et rentrer au banc, mais « il a vu un jeu à faire ».

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Paul Byron célèbre son 1er but de la saison.

St-Louis n’est pas dupe. Demander à ses joueurs de faire le meilleur jeu, « ça peut parfois te faire mal. Mais tu t’améliores en cherchant le meilleur jeu, en calculant le risque et la récompense, selon la situation du match, le pointage, le temps à écouler ».

« Il y a beaucoup de talent dans l’équipe, ajoute-t-il. On permet aux joueurs de s’en servir. »

Bon… Tous ne s’entendront pas sur la définition de « beaucoup de talent » dans l’édition actuelle. Mais pour ce qui est de s’en servir, on voit mal qui blâmera St-Louis de penser ainsi.

En hausse : Jeff Petry

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Jeff Petry

Il n’a pas souvent figuré dans cette rubrique cette saison, mais il n’a pas volé sa place cette fois. Il a limité les erreurs flagrantes, a amassé deux passes et est passé à un décimètre ou deux de marquer.

En baisse : Kale Clague

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Kale Clague

Le départ probable de Ben Chiarot lui permettra de gagner du temps, mais il est essentiellement dans la formation par défaut. Même en zone offensive, il prend rarement la bonne décision.

Le chiffre du match 

2

Les deux buts du 22 ? Les deux passes de Petry ? Le but gagnant marqué à 2 min 22 s ? La deuxième victoire depuis Noël ? Le poste où on regardait jadis La soirée du hockey ? Toutes ces réponses sont bonnes.

Ils ont dit

C’est un club que nous devrions battre et en profiter pour amasser des points, mais nous n’avons pas bien joué collectivement. C’est frustrant. On ne gagnera pas en tirant 13 fois au filet après deux périodes. On ne générait pas beaucoup d’attaques ; on a mieux patiné en troisième, mais ça n’a pas été suffisant.

Ryan O’Reilly

Depuis son retour dans la formation après la COVID-19, il est l’un de nos joueurs les plus constants, il a plus d’énergie, il pense à tirer en premier, et c’est ce qu’il doit faire.

Josh Anderson, au sujet de Cole Caufield

En deuxième, j’ai eu moins de tirs, on avait plus de possession, on sortait de la zone rapidement. On était rapides en échec avant. Les gars ont joué un très bon match défensivement, Petry et [Corey] Schueneman ont joué un match solide.

Samuel Montembeault

Il reste une trentaine de matchs à jouer. S’il peut finir la saison comme ça, il pourra regarder ça avec le recul et se dire que c’était une année pas si pire.

Martin St-Louis, au sujet de Petry

On était perdus sur le but égalisateur, il faut être plus vigilants sur de tels jeux. On aurait dû gagner ce match. En prolongation, ils nous ont battus de vitesse en zone neutre, et nous aurions dû être meilleurs sur ce jeu.

Craig Berube, entraîneur-chef des Blues

Propos recueillis par Mathias Brunet et Guillaume Lefrançois

Dans le détail

Binnington supplanté

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Brendan Gallagher et Ville Husso

Le gardien Jordan Binnington est sorti de nulle part en 2019 pour mener les Blues de St. Louis à la conquête de la Coupe Stanley. Binnington jouait dans la Ligue américaine à ses six premières années chez les pros et il avait même été prêté au club-école des Bruins de Boston en 2018. Après avoir signé un contrat pont de deux ans après la Coupe, le directeur général des Blues, Doug Armstrong, lui a consenti un contrat de 36 millions pour six ans en mars 2021, malgré deux années en demi-teinte. On regrette déjà ce contrat. Binnington connaît une saison affreuse et a été supplanté par le Finlandais Ville Husso, choix de quatrième tour en 2014. Husso a disputé 9 des 11 dernières rencontres des Blues et il était de nouveau devant le filet jeudi soir au Centre Bell contre le Canadien. Il a réussi son arrêt le plus important avec cinq minutes à faire en troisième sur une échappée de Laurent Dauphin. Mais Cole Caufield n’avait pas dit son dernier mot…

Secret bien gardé

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Robert Thomas déjoue Samuel Montembault en 1re période

Les noms de Vladimir Tarasenko, Ryan O’Reilly, David Perron et Colton Parayko sont généralement associés aux Blues, mais un jeune homme repêché au 20e rang en 2017, l’année de Nick Suzuki, s’impose cette année. Robert Thomas, 22 ans, forme avec un Tarasenko renouvelé et Pavel Buchnevich le trio le plus redoutable des Blues cette saison. Thomas est employé à toutes les sauces et a d’ailleurs marqué le premier but de son équipe en infériorité numérique. Il avait 36 points en 40 matchs avant d’affronter le Canadien, 8 de moins que le meneur, Tarasenko, mais en ayant disputé 3 matchs de moins. Thomas a été l’attaquant des Blues le plus utilisé jeudi. En plus de son but, il a obtenu cinq tirs au but et offert un taux de réussite de 52 % sur les mises en jeu.

Paul Byron se gâte !

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Paul Byron

Si on s’émoustille pour chaque joueur réclamé au ballottage par le Canadien depuis quelques années, c’est un peu à cause de Paul Byron. Les Flames aimaient son potentiel, mais le croyait usé par les blessures en 2015. Marc Bergevin l’a arraché des Flames, il a passé les premières semaines sur la tribune de la presse avant que Michel Therrien ne lui fasse finalement confiance. Le voilà, presque sept ans plus tard, à disputer son 500e match en carrière dans la LNH, dont 362 à Montréal. Byron s’est gâté en marquant le premier but du match, son premier de la saison, grâce à une jolie passe d’Artturi Lehkonen. De telles prises au ballottage sont rares. Adam Brooks n'a fait que passer à Montréal, et on doit s’attendre à la même chose de Kale Clague et de Rem Pitlick, quoique celui-ci n’est pas si vilain…