Marc Bergevin était dans une situation bien ingrate. Son équipe a dépassé les attentes, mais est loin d'être parfaite. En fait, c'est au point où une participation aux séries éliminatoires n'est même plus garantie.

Elle est imparfaite parce qu'elle a des faiblesses qui sautent aux yeux : un avantage numérique défaillant, un quatrième défenseur (Mike Reilly) qui a peut-être des responsabilités un peu lourdes pour ses capacités, un premier défenseur (Shea Weber) dont le retour au jeu n'est soudainement plus aussi convaincant, un gardien auxiliaire (Antti Niemi) qui connaît une saison difficile. Sans oublier les difficultés contre des équipes plus lourdes.

Des rivaux directs comme Boston, Buffalo et Columbus ont ajouté du renfort. Les amateurs ont vu passer des noms comme Mark Stone, Kevin Hayes et, il y a quelques jours, Matt Duchene, et se demandaient ce que le directeur général aurait pu faire comme offre équivalente.

Bergevin s'en est finalement tenu à l'acquisition de l'attaquant Jordan Weal, qui ne réglera aucun des problèmes susmentionnés.

« Ça nous donne de la profondeur, c'est un centre droitier. Ça donne un outil au coach pour envoyer un droitier aux mises en jeu », a-t-il expliqué.

Tout ça est bien vrai : le Canadien n'a pas de centre droitier et Weal a gagné 56 % de ses mises en jeu cette saison. Mais à 26 ans, il n'a toujours pas fait mieux que 21 points en une saison, bien moins que ce que ses campagnes de 69 et 70 points dans la Ligue américaine laissaient entrevoir.

En point de presse hier en fin d'après-midi, Bergevin a indiqué que le prix à payer pour les joueurs d'élite était tout simplement prohibitif. « Les mêmes joueurs étaient demandés et ce ne sont pas des noms que l'on a considérés, a expliqué Bergevin, rencontré au Prudential Center.

« Il y a certaines choses qu'on a regardées », a-t-il admis, mais il n'était tout simplement pas prêt à donner les espoirs exigés. Alexander Romanov et Ryan Poehling lui ont été demandés, dit-il. Même Jesperi Kotkaniemi ! « Il fallait que je me pince pour voir si c'était le bon nom que j'avais compris », a expliqué le directeur général du Canadien.

« Notre groupe a dépassé les attentes de beaucoup de monde. C'est un groupe qui croit en lui, on n'a pas de raison de ne pas continuer dans la même direction pour participer aux séries », a-t-il ajouté.

Amateurs et joueurs

Bergevin a bien fait rire son auditoire quand il s'est fait questionner sur les possibles critiques qu'il recevra pour sa maigre récolte. « Je suis critiqué si je le fais et je le suis si je ne le fais pas. Dans un cas comme dans l'autre, je suis critiqué ! »

Les partisans, les médias, on le sait : pour les hommes de hockey, c'est du bruit, de la rumeur. Un directeur général ne peut évidemment pas gérer en fonction de l'opinion publique.

Par contre, le DG a ceci de particulier qu'il doit penser autant à long terme qu'à court terme, tandis que l'entraîneur-chef et les joueurs, eux, pensent essentiellement à court terme. Victor Mete ne jouera peut-être jamais avec Alexander Romanov. Phillip Danault pourra-t-il même faire la connaissance de Joni Ikonen ? Où sera Claude Julien quand le gardien Cayden Primeau atteindra la LNH ? Alors que valent ces espoirs à leurs yeux ?

Or, Julien et les joueurs ont bien vu leurs rivaux s'améliorer. Sur la patinoire, c'est Mete et Danault qui devront composer avec Matt Duchene et Ryan Dzingel la prochaine fois qu'ils affronteront Columbus.

Remarquez, Bergevin n'est pas le seul qui soit demeuré tranquille. Lou Lamoriello a lui aussi opté pour le statu quo. Lui aussi est à la tête d'une équipe - les Islanders de New York - qui excède les attentes cette saison, et qui vient de faire le plein d'espoirs au repêchage. Le dilemme devait être encore plus déchirant pour lui : son équipe occupe le 1er rang de sa division !

« Il faut faire attention si on ajoute un joueur à ce temps-ci de l'année, car ça en enlève à un autre joueur », a souligné Lamoriello, des propos rapportés par theathletic.com. Pourtant, Mike Babcock, qui s'y connaît en matière de course aux armements, a déclaré vendredi : « S'ils voient que tu cherches à améliorer l'équipe, les joueurs vont se rallier. »

Lamoriello a parlé d'esprit d'équipe. Bergevin, lui, a plutôt valorisé l'avenir de sa formation. Chaque DG qui repart les mains vides aura sa justification, ce qui ne signifie pas qu'ils n'ont pas tenté leur chance pour autant. Mais parce que leurs intérêts viennent parfois en contradiction avec ceux des joueurs, des entraîneurs et des partisans les plus impulsifs, ils sont forcément sur la défensive.

« C'est la seule manière de bâtir à long terme. Si on parle de transactions, tu dois donner des joueurs et ces joueurs, tu les obtiens en les repêchant. On est dans une bonne situation et on espère avoir de bons choix au prochain repêchage. »

Bergevin se promettait même de parler aux joueurs avant la rencontre d'hier pour leur rappeler qu'il croit en eux.

Un fait demeure : Bergevin s'est fait accuser ces dernières années de ne pas avoir de plan, ou de ne pas en préciser la nature. Depuis un an, il affirme haut et fort son désir de bâtir avec la jeunesse, via le repêchage. En levant le nez sur de possibles transactions, il a à tout le moins été cohérent avec sa ligne de pensée.

Marc Bergevin sur...

Ryan Poehling

Ryan Poehling dispute actuellement sa troisième saison à l'Université St. Cloud State. Le premier choix de l'équipe en 2017 totalise 27 points en 28 matchs. Il compte une dernière année d'admissibilité à l'université, mais pourrait aussi se joindre au Canadien quand sa saison en NCAA sera terminée. « C'est une possibilité. Il pourrait venir à Montréal, mais c'est un gros saut du collège à la LNH. Il est trop tôt pour se prononcer. »

Noah Juulsen

Des rumeurs ont fait surface ces dernières semaines voulant que la carrière de Noah Juulsen soit compromise en raison d'une blessure à un oeil. Bergevin a démenti ces rumeurs. « Ça fait tellement longtemps qu'il n'a pas joué, juste pour ça, je serais surpris qu'il joue cette saison. Mais je n'ai aucun doute qu'il va jouer la saison prochaine », a tranché Bergevin. Le défenseur droitier de 21 ans a disputé 21 matchs avec le Canadien cette saison, avant d'être renvoyé à Laval, où il a abdiqué après trois matchs.

Jordie Benn

En début de saison, il semblait écrit dans le ciel que Jordie Benn ne terminerait pas l'année à Montréal. Son contrat se termine à la fin de la saison et plusieurs s'attendaient à ce que Bergevin occupe le rôle de vendeur à la date limite des transactions. Or, le Canadien est dans la lutte pour une place en séries et Benn connaît possiblement sa meilleure saison dans la LNH, jouant plus de 18 minutes par match au sein du troisième duo. « Tu gardes ton propre joueur autonome, au lieu d'aller en chercher un. Il fait partie de l'équipe, il contribue à l'esprit d'équipe. Il a fait de la bonne job les 40 derniers matchs. »

Antti Niemi

Il n'aurait pas été déraisonnable que Bergevin tente d'obtenir un autre gardien pour épauler Carey Price. Antti Niemi connaît une saison difficile, comme en font foi sa moyenne de 3,75 et son efficacité de ,889. Le prix n'était visiblement pas prohibitif, si on se fie au choix de 5e tour que les Blue Jackets de Columbus ont payé pour Keith Kinkaid. Bergevin a réitéré sa confiance en Niemi. « Il a eu de soirées difficiles, mais dans l'ensemble, on est satisfaits de son rendement. J'aime l'esprit d'équipe, je ne voulais pas le débarquer de ça », a justifié Bergevin.