Rapide coup d'oeil sur la formation du Canadien de Montréal au dernier match. On parcourt la liste, on y trouve seulement six joueurs repêchés par l'équipe. C'est peu, mais le vrai constat d'échec est tout autre: du groupe, un seul a été développé par le club-école. Et il s'agit de Charles Hudon, laissé de côté presque tous les soirs.

C'est tout le drame du bilan des Bulldogs, devenus les IceCaps, puis le Rocket. Marc Bergevin a fait le seul geste logique à l'été, avec une complète refonte du système de développement. Table rase. Tous les entraîneurs y sont passés, et presque tous les joueurs aussi, sauf cinq (Charlie Lindgren, Michael McNiven, Daniel Audette, Michael McCarron et Byron Froese). Joël Bouchard est arrivé avec son personnel, avec de nouveaux joueurs d'un peu partout qui partageaient sa philosophie et, surtout, avec un nouveau programme.

Les premiers résultats ont été mitigés. Le Rocket reste l'équipe la plus inexpérimentée de son association. Joël Bouchard devait ni plus ni moins transformer de jeunes adultes en professionnels. Longtemps, le Rocket a croupi au dernier rang du classement, ou si près. L'avantage numérique était sans vie.

Puis, petit à petit, l'équipe a commencé à gagner. Un match par-ci, un match par-là. Des victoires contre des puissances de la ligue, Syracuse, Rochester, Charlotte. Joël Bouchard raconte un discours plus animé que d'habitude, alors que la fiche était à 9-14. «Je leur ai dit, not good enough [pas assez bon], résume-t-il. On ne jouait pas mal, mais je voyais ce qui s'en venait. On les a lancés dans la marmite. Les gars grandissaient d'un petit pouce, puis d'un autre petit pouce. Tu grandis dans la défaite, tu grandis dans la victoire. On les pousse et on les pousse, et quand on rate notre coup, on repart le lendemain.»

Si bien que le Rocket a grimpé au 26e rang (sur 31), et au 24e rang en avantage numérique. Avant les matchs d'hier, l'équipe était même à 5 points d'une place en séries et flirtait avec le ,500. Ce n'est pas parfait, mais c'est un début. C'est au moins signe que quelque chose se passe. Avec l'objectif, toujours, d'offrir à Claude Julien et à Marc Bergevin des options pour des rappels, et pourquoi pas aussi pour des transactions.

«Tu ne connais pas ce que tu ne connais pas, explique Bouchard au sujet du développement des jeunes. Quand les gars arrivent ici, ils ont des conceptions différentes de leur rôle, de leur charge de travail, du calibre de jeu. Le calibre de jeu est sous-estimé. Ce sont des vedettes dans leur ancienne équipe. Ils doivent s'adapter. Les jeunes gagnent du millage, mais on doit s'assurer qu'ils aient du succès aussi. Faire jouer les jeunes juste pour les faire jouer ne sert à rien. Ils doivent grandir. Ils ont de la broue dans le toupet, et c'est normal.»

Parmi tous les changements, il y avait la nouvelle ligne de centre, exceptionnellement jeune, et encore plus depuis la blessure à Michael McCarron. On y trouve Jake Evans comme premier centre, à 22 ans. Lukas Vejdemo a 22 ans, Hayden Verbeek a 21 ans, tout comme Phélix Martineau. Aucun n'était dans la Ligue américaine l'année dernière. Ils jouaient au collège (Evans), en Suède (Vejdemo) ou dans le junior canadien (Verbeek, Martineau).

La courbe d'apprentissage est intrigante, surtout pour Evans, ancienne vedette à Notre Dame. Il fait partie, avec Noah Juulsen et Cale Fleury, des plus beaux espoirs de l'organisation en ce moment avec le Rocket. Il a été blessé au camp des recrues au cours d'un match où il était déclassé, puis il a longtemps été confiné au quatrième trio. Il pilote désormais le premier trio du Rocket et a grimpé au 20e rang des marqueurs parmi les recrues de la Ligue américaine. Son sort est d'autant plus intéressant à suivre que le poste de quatrième centre est loin d'être coulé dans le béton chez le Canadien.

«L'année dernière, j'ai joué seulement 40 matchs, a expliqué Evans. Passer à 76 matchs, c'est difficile pour le corps. Tu dois prendre soin de toi. L'an dernier, je devais aussi aller à l'école, donc je devais me concentrer sur deux choses en même temps. Maintenant, jouer au hockey est mon travail à temps plein. Je peux me concentrer seulement là-dessus.»

La méthode Bouchard

Evans ne passe pas par quatre chemins pour expliquer ses premières impressions au sujet de Bouchard: «Les premières semaines, j'étais effrayé. Il est tellement intense. Mais il m'a aidé beaucoup. Il me parle chaque jour de mes matchs, de mes entraînements. Son intensité sort le meilleur de nous. Il est dur, mais tu sais que tu es important à ses yeux et qu'il veut que tu réussisses.»

Intense est généralement le premier mot utilisé par les joueurs qui ont connu Bouchard comme entraîneur. Il a fallu deux entraînements à Kenny Agostino avant de sortir l'adjectif. Michael McCarron n'avait pas encore récupéré de sa première séance à Laval qu'il le décrivait de la même manière.

Bouchard reconnaît ce trait de personnalité, mais ajoute qu'il y a aussi les apparences. Il sert avec la même intensité les remontrances et les félicitations, ce qui fait croire qu'il est toujours de mauvaise humeur. Il s'assure aussi de ne jamais traverser une certaine ligne dans ses propos.

«Si tu veux me faire sortir de mes gonds, ce n'est pas par la défaite, c'est si l'attitude n'est pas la bonne. Je ne l'accepterai jamais. S'ils ne font pas quelque chose que je demande, là, ils sont dans le trouble. Si je dis par exemple que pour reprendre le momentum, pendant deux ou trois présences, on envoie la rondelle dans le fond et on met de la pression, si un gars embarque et fait une feinte à la ligne bleue, lui, il est dans le trouble. Quand vous voyez les savonnettes, c'est ça. Un gars qui manque une passe, ça va arriver. J'ai déjà joué au hockey.»

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Cale Fleury à suivre

Parmi les beaux espoirs du Canadien, il y a aussi le défenseur droitier Cale Fleury, 20 ans. Selon ceux qui côtoient régulièrement le Rocket, il fait partie de ceux qui peuvent aspirer à la LNH un jour. «Je suis patient avec les projections, a dit Joël Bouchard à son sujet. J'aime Cale. Il a une tête sur les épaules, il comprend. Il apprend à devenir un pro. Il est ouvert et il embarque dans le plan à 100%. Un gars qui s'investit à 100%, ça me parle. Il veut.» «C'est difficile de ne pas penser à l'avenir, a reconnu Fleury. Mais j'essaie d'y aller un jour à la fois. Tu ne peux jamais prendre de congé. Chaque jour, tu dois saisir la chance de t'améliorer. Je dois améliorer mon coup de patin. Je suis habile en transition, mais je dois patiner plus rapidement pour accéder à la LNH et suivre le pas des attaquants explosifs. C'est très encourageant que mon nom circule. Ça me dit que je suis sur le bon chemin.»

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Des nouvelles de David Schlemko

David Schlemko ne jouait pas hier soir en raison  - vous l'aurez deviné - d'une blessure. Ce qui ne l'a pas empêché de s'entraîner hier matin. Il a maintenant disputé deux matchs avec le Rocket depuis qu'il a été placé au ballottage par le Canadien de Montréal. Il a une aide et son différentiel est à -3. «Il a une attitude extraordinaire, a dit Joël Bouchard. Il a été très bon au premier match, il a subi une petite blessure au deuxième match. Rien de sérieux. Il comprend que de faire un pas en arrière, parfois, c'est pour faire deux pas vers l'avant. C'est le partenariat qu'on a créé avec les joueurs qui viennent ici. Dans son cas comme dans le cas de tous ceux qui sont venus ici, je comprends ce qu'ils vivent. Je trouve ça plate, cette petite blessure, mais je trouve qu'il a beaucoup à gagner à venir ici avec nous.»

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Des nouvelles de Noah Juulsen

Le dossier Noah Juulsen est de plus en plus curieux. Le jeune défenseur est au repos depuis qu'il s'est blessé le 27 décembre dernier à Belleville, dans un match au cours duquel il avait été affreux. Il n'a disputé à ce jour que trois matchs avec le Rocket de Laval. La mise à jour de son état de santé n'a pas vraiment permis d'en apprendre plus. «Pour les entraîneurs et l'organisation, on aimerait en dire plus, mais on n'en sait pas vraiment plus, a dit Joël Bouchard. On continue les évaluations, on attend encore les résultats. On veut être plus transparents, mais de l'autre côté, on ne veut pas dire n'importe quoi non plus. On prend du recul, on attend. La santé du joueur est primordiale. C'est le haut du corps, mais on ne peut pas dire plus que ça. Ça ne sert à rien de spéculer. Quand on en saura plus, on va le dire.» On nous assure toutefois que Juulsen est encore dans l'entourage de l'équipe. Il était d'ailleurs à la Place Bell hier matin.