Il y a quelques semaines, Claude Julien avait commencé les expérimentations à la défense. Il y avait huit défenseurs en santé, en plus de Shea Weber dont le retour approchait. C'était le début de la bonne vieille compétition à l'interne, les joueurs laissés de côté à tour de rôle, la chaise musicale dans sa plus pure tradition.

Mais ça ne pouvait pas continuer ainsi très longtemps, pour les joueurs impliqués et pour l'équipe. Des décisions s'imposaient.

La musique s'est arrêtée avec le retour au jeu de Weber. Tout le monde a trouvé sa chaise, même si pour certains, ce n'est pas celle qu'ils avaient en tête. Victor Mete et Karl Alzner se sont retrouvés avec le Rocket de Laval, Xavier Ouellet est allé les y rejoindre hier après avoir été ignoré au ballottage. Et celui qui a pigé le numéro gagnant en devenant le partenaire de Weber n'était sur aucun des écrans radars : Brett Kulak.

Parlons un peu de ce Brett Kulak. Le jeune homme de 24 ans a grandi dans une ferme près de Stony Plain, en Alberta. Il était le plus jeune de trois frères, mais le seul qui voulait vraiment jouer au hockey. Il a eu un bâton dans les mains la minute où il a pu se tenir debout. Son parcours n'est pas une succession de succès, il a été repêché tard au niveau junior, puis au quatrième tour par les Flames dans la LNH. Il a été laissé de côté souvent, a fait la navette entre la LNH et la Ligue américaine, avant d'enfin devenir défenseur régulier la saison dernière.

Puis, cette saison, il a dû recommencer à zéro. Il est passé au Rocket de Laval en échange de Matt Taormina et de Rinat Valiev. À ce moment, il était loin de se douter de ce qui l'attendait.

« J'essayais de le visualiser, j'avais de l'espoir, mais quand je jouais à Laval, il y avait neuf défenseurs avec le Canadien. [...] J'ai connu quelques bons matchs de suite et je suis heureux de jouer avec Shea Weber. Il a beaucoup de choses à me dire. C'est facile de jouer avec lui. »

« Je me disais que mon occasion pourrait arriver, mais je n'ai jamais pensé que ce serait si tôt. »

C'est sûr que Weber a un certain talent pour bien faire paraître ses partenaires. À ses côtés, Kulak a quand même dépassé les attentes, malgré un dernier match plus boiteux contre les Sénateurs d'Ottawa. Il s'est fait prendre quelques fois pour excès de zèle offensif, et il admet lui-même qu'il a encore beaucoup à apprendre en faisant face soir après soir aux meilleurs joueurs adverses. Après tout, confirme-t-il, c'est la première fois que ça lui arrive dans la LNH.

Reste que Kulak n'était pas le premier choix de Claude Julien. C'était David Schlemko. Et il était à un certain moment derrière les Mike Reilly, Victor Mete, même Xavier Ouellet dans la liste des partenaires potentiels de Shea Weber. Il a persisté, un trait tiré d'une enfance où l'effort était valorisé.

« Mon père est mon exemple. Il travaille du lever au coucher du soleil [à la ferme]. Il a dû travailler pour chaque petite chose et il travaille beaucoup plus fort qu'il ne le devrait. Je le regarde aller et ça m'aide parce que tout ne va pas toujours comme tu veux dans la vie. Il m'a toujours dit de travailler fort pour me rendre où je voulais. J'ai la chance de le faire maintenant. Mais une fois que tu y es arrivé, c'est un autre défi d'y rester. Tu dois te battre tous les jours parce qu'il y a plein d'autres joueurs qui veulent une place comme la mienne. »

LE BON COUP DE BERGEVIN

Marc Bergevin a rencontré les médias hier, pour donner une journée de congé à Claude Julien. Il a parlé d'une variété de sujets, dont évidemment l'éclosion de Kulak. Doit-on rappeler que Bergevin a relativement peu donné pour celui qui est devenu le partenaire de Weber ? Le directeur général est le premier à admettre qu'il est surpris de la tournure des événements.

« Oui, honnêtement. Il a passé du bon temps à Laval. Mais de ce que nous voyons de lui cette année comparativement à l'an dernier à Calgary, nous découvrons un joueur différent. Il a une belle progression et il nous aide énormément. »

« [Selon le plan], je voulais le monter à Montréal. [Brett] a eu sa chance en raison des blessures. Depuis qu'il est ici, il est à sa place. Il mérite son poste dans la formation. »

Bergevin a ensuite rappelé à quel point le retour de Weber changeait la donne. Il permet à Jeff Petry de jouer à la hauteur de ses capacités, pas au-dessus, en plus de donner une nouvelle confiance à Carey Price. En fait, depuis le retour de Weber, le gardien a accordé 11 buts en cinq matchs.

« Même moi, je ne me souvenais plus à quoi ça ressemblait d'avoir Shea Weber au sein de la formation, a reconnu Bergevin, fort souriant pour son retour à Chicago. Ça fait du bien de le voir. Nous avons joué pratiquement un an sans lui. Mais quand tu analyses un peu plus, il faut se rappeler qu'il s'était blessé dès le premier match de l'année, à Buffalo. Il avait joué jusqu'à la mi-décembre en cachant une blessure. Ce n'était pas le même Shea Weber. Avec Shea en santé, nous replaçons un peu tout le monde sur la bonne chaise. »

Le choix de mots n'est pas innocent. La bonne chaise... Le Canadien faisait face il y a quelques semaines à plusieurs choix difficiles à la ligne bleue. Claude Julien a tranché, pour le meilleur et pour le pire. Brett Kulak a pigé le bon numéro, le reste est entre ses mains.