Il y a un intrus québécois au sein de l'attaque des Sharks de San Jose.

Quand les puissants Sharks déploient leur unité en supériorité numérique, l'entraîneur Todd McLellan envoie généralement sur la patinoire Joe Thornton, Dany Heatley, Devin Setoguchi, Dan Boyle... et un certain numéro 60.

Ce joueur s'appelle Jason Demers, 21 ans. Ce jeune homme de Dorval a été ignoré à sa première année d'admissibilité au repêchage de la LNH, mais il a complètement chambardé les plans des Sharks!

«Je n'étais pas certain de rester au début du camp d'entraînement, mais après chaque coupe, je gagnais en confiance et finalement, la saison a commencé et j'étais encore là, a confié Demers hier soir. Et l'entraîneur me fait confiance dans des situations importantes. Il y a une formation d'étoiles sur la glace en avantage numérique, et il y a moi. C'est un peu surréaliste de faire des passes à ces gars-là, et eux ne semblent pas gênés de me donner la rondelle non plus.»

Voilà l'histoire d'un jeune défenseur acquis par les Sharks grâce au flair d'un fin renard, Gilles Côté, un des meilleurs recruteurs de sa profession.

Demers avait 18 ans et on l'avait boudé au repêchage quelques mois plus tôt lorsqu'il a reçu une invitation au camp d'entraînement des Sharks il y a deux ans. Il avait amassé 24 points en 69 matchs avec les Tigres de Victoriaville, ce qui n'avait rien de spectaculaire, mais Côté avait vu quelque chose en lui.

Les premiers pas de Demers chez les professionnels en septembre 2007 ont failli tourner à la catastrophe. «Disons que c'était couci-couça à ses deux premiers exercices, a raconté Gilles Côté. Les membres de l'organisation me regardaient et me demandaient d'où il sortait. Je leur disais d'arrêter de paniquer, que c'était un joueur invité, que ça nous avait coûté seulement un billet d'avion. Finalement, il s'est bien ressaisi dans les jours qui ont suivi et la direction a reconnu son talent.»

Même s'il a laissé une bonne impression après un départ catastrophique, les Sharks n'ont pas osé lui accorder de contrat. «C'était trop risqué après l'avoir vu jouer seulement pendant une semaine, a reconnu Gilles Côté. Mais on lui avait dit qu'il avait un avantage sur les autres parce que désormais, on le connaissait.»

Demers est retourné à Victoriaville en septembre 2008 et il a explosé. Non seulement s'est-il imposé comme un leader important chez les Tigres, mais il a obtenu 64 points en 67 matchs. «Il a été le meilleur défenseur de la LHJMQ cette année-là, a mentionné Côté. En décembre, Doug Wilson (directeur général des Sharks) m'a suggéré de ne pas trop parler à Demers afin de ne pas éveiller l'attention des recruteurs des autres équipes. Puis en février, je me suis fait dire par le directeur général à Victoriaville que je n'étais plus le seul à l'avoir à l'oeil.»

Le repêchage de juin 2008 est arrivé. Les jeunes ignorés par les équipes de la LNH à 18 ans connaissent généralement le même sort l'année suivante. Mais Gilles Côté a supplié Wilson de repêcher Demers malgré ses 19 ans. Les Sharks ont suivi les conseils de Côté, qui, après tout, les avait bien conseillés par le passé avec entre autres Marc-Édouard Vlasic, Steve Bernier, Torrey Mitchell et Ryan Clowe. «Je commençais à être nerveux à compter de la cinquième ronde et on l'a finalement repêché dans la septième et dernière ronde, au 186e rang», a raconté le recruteur des Sharks.

Demers n'était même pas sur place pour enfiler le maillot des Sharks. «Nous ne savions pas s'il serait repêché et dans des cas comme ceux-là, nous préférons que le jeune ne soit pas sur place, a mentionné son agent Robert Sauvé. C'est très difficile pour un jeune de passer la journée assis à voir ses amis se faire repêcher à sa place.»

Persévérance

Le jeune homme de six pieds et 200 livres a fait le saut directement dans la Ligue américaine l'an dernier et il a rapidement fait sa place parmi les quatre premiers défenseurs de son équipe. Mais sa place était néanmoins loin d'être acquise à San Jose cette année. «On pensait que c'était le tour de Derek Joslin, qu'on avait repêché en 2005, a dit Côté. Ou encore notre choix de première ronde en 2007, Nick Petrecki (l'année où Demers a été ignoré). Mathieu Dandenault était aussi au camp. Mais Jason a déjoué les plans de tout le monde. Et à mon avis, il est à San Jose pour rester.»

En six matchs, Jason Demers, qui joue un peu moins de 20 minutes par match, a amassé trois aides. «Et ça ne pouvait arriver à un meilleur gars en plus, a conclu Gilles Côté. C'est un bel exemple de persévérance.»